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Publié le 07/09/2020

Lettre à vous tous chers donateurs et aux Amis...

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Lettre aux Amis du 5 septembre 2020



Dimanche 30 août 2020


8h30–13h30 : Je suis en visite pastorale dans deux petites paroisses de montagne (Rachkeddé et Sourate) pour encourager les fidèles en ces temps difficiles et en pleine recrudescence de la propagation du virus Corona Covid 19 qui nous oblige à rester confinés. Et pourtant, ils sont venus nombreux mais en prenant toutes les précautions nécessaires. Ils ont besoin, comme moi d’ailleurs, d’une bouffée d’oxygène spirituel pour reprendre le courage de l’espérance.


L’évangile de ce dimanche dans notre liturgie maronite nous invite à aller avec Jésus « chez Marthe et Marie » (Luc 10, 38-42).


Je voudrais imaginer Jésus entrer ce dimanche dans l’une de nos maisons délabrées de Beyrouth : Il nous trouvera en train de nous « affairer à un service compliqué » ; mais il trouvera aussi qui se mettra « assis au pied du Seigneur » pour l’écouter nous donner confiance en Notre Père céleste dans la tourmente, pour prier avec Lui disant : « Père si Tu veux écarter de nous cette coupe … Pourtant que ce ne soit pas notre volonté mais la tienne qui se réalise » (Luc 22,42) et pour le supplier de raccourcir notre chemin de croix au Liban ! Il écoutera notre supplique et nous dira comme Il a dit à Marie : « Une seule chose est nécessaire. C’est bien vous qui avez choisi la meilleure part en votre foi et votre espérance; elle ne vous sera pas enlevée ».



20h30 : Le président de la République le général Michel Aoun s’adresse aux Libanais, dans un discours télévisé suivi d’un dialogue en direct avec le journaliste Ricardo Karam, à l’occasion de la commémoration du premier centenaire de la déclaration du Grand Liban (faite par le général Henri Gouraud le 1er septembre 1920). Il a affirmé entre autre :


« Pour que le 1er septembre 2020 complète le 1er septembre 1920, et parce que je suis convaincu que seul un État civil est capable de protéger le pluralisme, de le préserver en le transformant en unité réelle, je demande que le Liban soit déclaré État civil. Je m'engage à appeler au dialogue les autorités spirituelles et les dirigeants politiques afin d'arriver à une formule acceptable par tous et pouvant être mise en place à travers des amendements constitutionnels appropriés ». « Il est temps d'améliorer, d'amender ou de changer le système libanais, appelez-le comme vous le voulez. Mais le Liban a besoin d'un nouveau système de gestion de ses affaires, basée sur la citoyenneté et un Etat civil ». « Le système communautaire basé sur les droits des communautés et des quotes-parts a été bon à une certaine époque. Mais aujourd'hui, il constitue un obstacle contre toute avancée ou progression, contre les réformes et la lutte contre la corruption. Il est devenu le terreau de la sédition, de la provocation et des divisions ».



Le président Aoun retrouve ainsi une idée chère au Patriarche Elias Hoyek qui concevait le Liban en 1920 comme un Etat civil où les communautés vivraient dans le respect mutuel de leur diversité. Et c’est ce que le Patriarche Béchara Raï ne cesse de réclamer.


Cette affirmation du président Aoun est prise tout de suite par la presse française, qui rapporte cependant que « le président Aoun appelle à déclarer le Liban Etat laïc » (et non Etat civil, et pour nous la nuance est importante), à la veille de l’arrivée au Liban du président Macron qui a déjà exigé de la classe politique libanaise d’aller vers un nouveau contrat politique et social qui réviserait le système confessionnel


Plus tôt la journée, le secrétaire général du Hezbollah, Sayyed Hassan Nasrallah, qui avait pris l’habitude depuis un bon moment de faire ses interventions télévisées avant toute apparition du président Aoun, a affirmé que son parti « est disposée à discuter d'un nouveau pacte politique au Liban, proposé par le président Macron ». « Nous sommes ouverts à toute discussion constructive sur le sujet mais à la condition que ce soit la volonté de toutes les parties libanaises ». « Ces derniers jours, nous avons entendu de la part de responsables français des critiques sévères contre le système confessionnel libanais. Nous sommes ouverts à toute discussion constructive à ce sujet, pour aboutir à un nouveau pacte politique, mais ce débat doit être le fruit de la volonté de toutes les composantes politiques du pays. Nous devons respecter les appréhensions des autres ».



Lundi 31 août 2020


A 9h00 : Le président Michel Aoun entame au palais de Baabda les consultations parlementaires devant amener à la nomination du Premier ministre, en commençant par les anciens Premiers ministres qui avaient déjà déclaré dans la nuit qu’ils proposeraient le nom du Dr Moustafa ADIB de Tripoli. Les différents blocs parlementaires sont passés successivement à Baabda ; mais on savait déjà qu’il y avait un consensus sur le nom du Dr Adib.


A 13h30 : le Directeur général de la présidence de la République annonce que le président Aoun vient d’appeler Dr Moustafa Adib pour lui signifier, en présence du président du Parlement M. Nabih Berry, comme le veut la Constitution, les résultats des consultations (90 voix sur 120 pour Adib, seul le bloc des Forces libanaises avait nommé M. Nawwaf Salam) et sa nomination comme Nouveau Premier ministre du Liban.



Dr Moustafa Adib est né (curieusement) le 31 août 1972 à Tripoli, deuxième capitale du Liban. Marié avec une française et père de cinq enfants.


Titulaire de diplômes en droit et en sciences politiques de Montpellier - France, il a débuté sa carrière en l’an 2000 comme professeur de droit public international à l'Université libanaise et dans d'autres universités au Liban et en France. En 2004, il devient président du Centre d’études stratégiques pour le Moyen-Orient, au sein duquel il a conduit de nombreuses études dans le domaine politique. Il est président de l’Association libanaise de droit international (ALDI).


De 2000 à 2004, il a été directeur de cabinet de Najib Mikati, alors ministre des Travaux Publics. En 2011, il a été directeur de cabinet de M. Mikati au moment de son deuxième mandat à la tête du gouvernement. Puis tiré de son poste de professeur à l’Université libanaise pour être nommé, hors cadre, ambassadeur du Liban en Allemagne en 2013.


Et de l’Allemagne qu’il est appelé à être Premier ministre à un moment crucial de l’histoire du Liban.


Que dire de cette nomination ? Il est tôt de juger. Mais on peut déjà avancer, à son avantage qu’il est nommé par les anciens Premiers ministres (sunnites) et la majorité des députés sunnites qui le soutiendront, et la majorité des autres blocs parlementaires qui ont acquiescé ! Il est un universitaire, un homme d’Etat et un diplomate reconnu pour sa compétence, sa loyauté, sa transparence et son ouverture. Il faut compter aussi sa formation française qui fait de lui un homme d’analyse et de méthode.


Et à son inconvénient, on peut dire qu’il risque d’être à la solde de ceux qui l’ont nommé, donc qui les couvrira par la suite, avec son gouvernement, de tout jugement pour leur passé (car ils font partie de la classe politique corrompue), et de ne pas être tout à fait indépendant et libre de ses décisions qui seraient, pourtant, décisives pour l’avenir du Liban et pour la crédibilité de son gouvernement. Ils le chargent donc de mettre en marche immédiatement les réformes exigées à condition de ne plus revenir en arrière pour demander des comptes et juger ceux qui ont pillé le trésor public et l’argent des citoyens !


Attendons voir.



Tout de suite après sa nomination, et à l'issue de son entretien avec le président Aoun, le nouveau Premier ministre a fait une courte déclaration :


« En ces circonstances, notamment après la double explosion meurtrière de Beyrouth le 4 août dernier, le temps n'est plus aux paroles, aux promesses ou aux espérances. Le temps est à l'action, avec la coopération de tous, pour que le pays se rétablisse et pour que le peuple retrouve la confiance en l'avenir, car l'inquiétude est grande ». « L'opportunité qui s'offre à nous est mince. Nous voulons former une équipe de travail homogène, formé d'experts et de personnes compétentes, et lancer rapidement, en coopération avec le Parlement, les réformes nécessaires face à la crise économique et financière, avec comme point de départ un accord avec le Fonds monétaire international ».


Il a ensuite rapidement quitté Baabda pour se dirigé vers les quartiers de Gemmayzé et de Mar Mikhaël, dévastés par la double explosion du 4 août.


Aux journalistes qui l’ont suivi, il a affirmé qu’il voulait « effectuer cette visite par solidarité avec les Beyrouthins ». « Il n’y a pas de mots pour exprimer l'ampleur de la dévastation ». « Nous espérons que la reconstruction se fera le plus rapidement possible et que les résultats de l'enquête sur les causes de l'explosion puissent être présentés rapidement devant l'opinion publique ».


Certains habitants de ces quartiers ont accepté de parler brièvement avec lui alors que d’autres ont refusé de lui adresser la parole et ont scandé « Révolution ! » à son passage.



21h00 : le président Emmanuel Macron arrive au Liban pour une deuxième visite en trois semaines ! Son avion atterrit à l’aéroport de Beyrouth. Il est Accompagné du ministre des Affaires étrangères, M. Jean-Yves Le Drian, et du ministre des Solidarités et de la Santé, M. Olivier Véran. A son arrivée il a écrit sur Twitter le message suivant, émouvant et encourageant pour les Libanais :


« Libanais, vous êtes comme des frères pour les Français. Je vous en ai fait la promesse : je reviens à Beyrouth pour faire le point sur l'aide d'urgence et bâtir avec vous les conditions de la reconstruction et de la stabilité ».


Il a été accueilli par le président le général Michel Aoun, avec qui il a eu un entretien au salon d’honneur. Puis il a déclaré aux journalistes :


« Je suis heureux de revenir, comme je l'avais promis, au Liban et d'être ici ce soir à Beyrouth, comme je m'y étais engagé le 6 août dernier. Revenir d'abord pour rendre compte de l'aide internationale, de l'aide humanitaire qui a suivi l'explosion et sur laquelle je m'étais engagé … J'aurai l'occasion demain de me rendre au port pour faire le point sur ce sujet et l'ensemble des projets. On regardera également les éléments de coopération d'urgence en matière sanitaire en allant notamment à l'hôpital Rafic Hariri, car je n'oublie pas que le Liban est touché aussi par le Covid-19. J'aurai l'occasion aussi d'aborder les sujets d'école, d'éducation, de reconstruction (...) et de revenir sur le soutien au peuple libanais. (...).


« Nous aurons l'occasion demain de, non seulement commémorer les cent ans du Grand Liban, mais aussi d'en tirer toutes les leçons et de nous projeter vers l'avenir. Et enfin, et peut-être surtout, l'objectif de cette visite est de faire le point d'étape sur la situation politique. Ma position est toujours la même : l'exigence sans ingérence ».


Il a donc donné son programme très chargé de demain. Il a ensuite salué la nomination du nouveau premier ministre et affirmé qu’il voulait s'assurer « que c'est bien un gouvernement de mission qui sera formé au plus vite pour mettre en œuvre les réformes que nous connaissons au service des Libanaises et des Libanais ». Il a tenu à énumérer ces réformes, qu’il transmettra par écrit demain comme feuille de route aux responsables politiques : « La réforme des marchés publics, de la justice, lutte contre la corruption, la réforme de l'énergie et de l'électricité, la réforme du port, une meilleure gestion de la Banque centrale et du système bancaire. Autant de réformes indispensables sur lesquelles de mon côté je me suis engagé, pour que, si elles sont prises par un gouvernement de mission, la communauté internationale, et en premier chef la France, puisse s'engager en soutien du Liban et des Libanais ».


Il a quitté l’aéroport en direction de Rabieh, non loin d’Antélias à l’Est de Beyrouth, avec un retard d’une heure et demie, où il était attendu à dîner par « l’icône de la chanson libanaise et du monde arabe » la chanteuse Fayrouz qu’il a avait tenu à visiter en premier lieu pour « vénérer le symbole d’unité du Liban et des Libanais en sa personne et confirmer son rôle culturel pour le Liban et le monde arabe. Le dîner est annulé, mais la rencontre fut très amicale et appréciée, alors que Fayrouz avait refusé la présence des Médias ; car elle est enfermée chez elle depuis quinze ans en signe de deuil pour la situation dégradante du Liban.


Le président Macron est enfin redescendu à Beyrouth pour y rencontrer M. Saad Hariri.



Mardi 1er septembre 2020


La journée de la commémoration du premier centenaire de la Déclaration du Grand Liban commence pour le président Macron à 9h30 dans la forêt des Cèdres de Jaj (une des plus anciennes du Liban où on a tiré les cèdres destinés à la construction du temple du roi Salomon à Jérusalem), dans les hauteurs de Jbayl-Byblos, où il est arrivé en hélicoptère pour une petite cérémonie au cours de laquelle il a planté un cèdre.


Il s’est ensuite envolé pour Beyrouth où il s’est rendu dans le secteur dévasté du port pour s’entretenir avec des représentants de l’ONU et des ONG locales sur le porte-hélicoptères « Le Tonnerre » (arrivé le 14 août). A l’issue de la rencontre, il a déclaré : « Il faut qu'on continue à mobiliser toute la communauté internationale (...) Je suis prêt à ce qu'on réorganise, autour peut-être de mi-fin octobre, une conférence internationale de soutien avec les Nations unies ». « Je suis tout à fait prêt même à l'accueillir à Paris (...), qu'on puisse à nouveau demander un soutien à tous les Etats pour financer les besoins sur le terrain ».


Après un tour dans les quartiers dévastés d’Achrafieh où il a écouté les doléances des citoyens, il s’est rendu au palais présidentiel de Baabda où le président Aoun a offert un déjeuner en son honneur en présence de tous les leaders politiques et des ambassadeurs des pays européens et de certains pays arabes.


Au cours du déjeuner, M. Macron a prononcé un discours, émouvant et imbibé de l’histoire de l’amitié franco-libanaise, qui restera pour l’histoire. J’ai réussi à obtenir l’enregistrement de ce discours qui n’a pas été diffusé à la presse. Voici le texte intégral :



« Merci Monsieur le Président, merci à vous tous, de nous accueillir aujourd’hui avec cette délégation composée de plusieurs ministres, de parlementaires, de fonctionnaires, de militaires, d’humanitaires, d’artistes, d’entrepreneurs, vu la richesse qui est la nôtre et la volonté d’être au côté du Liban aujourd’hui.


Vous l’avez rappelé, Monsieur le Président ; c’est un bel anniversaire, c’est un centenaire qui se tient quelques jours à peine après la terrible explosion du 4 août dernier. Vous rappeliez les termes de Gouraud lors de la fondation du Grand Liban, espoir et fierté. Dans ce discours très court, il appelait chacun à servir au-dessus des ses intérêts particuliers ; ce qui est d’ailleurs le principal message de son discours ; et il est d’une actualité aussi virulente que cruelle. Je ne sais ce que donneront les prochaines semaines et les prochains mois. Je sais une chose : c’est que si cet appel à dépasser les intérêts personnels n'est pas exaucé, même cent ans après, la promesse sera trahie, parce que votre pays est une promesse. Une promesse pour lui-même, un pays frère et ami pour le nôtre.


Et cette amitié ne se justifie pas simplement à travers des dates, des engagements, des destins croisés, même si c’est énorme, à travers tant de destins de femmes et d’hommes, artistes, intellectuels, entrepreneurs, contemporains ou passés ; c’est parce qu’il y a quelque chose dans ce message que le Liban est dans le cœur de la France, un amour inconditionnel de la liberté, un attachement à l’égalité entre les citoyens, et un attachement à ce qu’on appelle le pluralisme ; et c’est au fond l’idée de dire que lorsqu’on a décidé d’être citoyen d’un même pays quelque soit son clan, quelque soit sa famille, quelque soit sa religion, quelques soient ses intérêts, on est avant tout citoyen de ce pays, et dans un rapport à l’universel.


Et c’est ce qui fait qu’aujourd’hui, tout particulièrement dans cette région, le message du Liban est encore plus important qu’il y a cent ans , car vous en êtes sans doute parmi les derniers dépositaires, alors que ce qui n’a pas été réussi par d’autres avant dans des temps plus faciles le soit aujourd’hui par vous parce que c’est vous dans des temps plus durs presque impossibles. Nous, nous serons là avec la même amitié, la même fidélité ; fidélité dans cette histoire et dans ce qui l'unit ; c’est une exigence de la souveraineté et de l'amour inconditionnel de la liberté.


Voilà ce que je voulais vous dire en cette journée. Elle n'est pas une simple célébration, mais je l'espère profondément le début d'une nouvelle ère.


Vive le Grand Liban, vive le Liban, vive l’amitié entre le Liban et la France ».



Dans l’après-midi, il a visité l’hôpital gouvernemental Rafic Hariri de Beyrouth, un établissement en première ligne dans la lutte contre le Covid-19.


Puis il est revenu à la Résidence des Pins pour rencontrer les responsables politiques du Liban qu’il avait rencontrés lors de sa première visite. Mais avant ce rendez-vous, il a tenu à rencontrer, à 18h30, notre Patriarche maronite le Cardinal Béchara Raï qui lui a remis le « Mémorandum sur le Liban et la neutralité active », en présence du ministre des Affaires étrangères M. Jean-Yves le Drian et l’ambassadeur de France au Liban M. Bruno Foucher et le Directeur général de l’Oeuvre d’Orient Mgr Pascal Gollnisch.


A 19h00, il a rencontré les leaders politiques en leur consignant « la Feuille de route de la France – Le programme du nouveau gouvernement » qui contient les lignes directrices des réformes à effectuer, « une condition sine qua non pour que le Liban obtienne l’aide internationale promise ».


Je les résume comme suit :


1) La lutte contre le Covid 19 et la protection sociale.


2) L’urgence de remédier aux conséquences de l’explosion du 4 août au niveau de l’aide humanitaire internationale et de sa gouvernance dans la transparence, ainsi que la poursuite de l’enquête indépendante sur les causes de l’explosion.


3) Les réformes urgentes : le secteur de l’électricité et de l’énergie, le Capital Control, la gouvernance publique et une meilleure gestion de la Banque centrale et du système bancaire, l’indépendance de la Justice.


La lutte contre la corruption et la contrebande et la réforme des douanes (des mesures à prendre en l’espace d’un mois).


La réforme des marchés publics et la coopération entre les secteurs public et privé (des mesures à prendre en l’espace d’un mois).


Les finances publiques : le vote d’une loi, en l’espace d’un mois, qui rectifie les comptes publics et revoie les dépenses de 2020 ainsi que la préparation du budget de 2021.


4) Les élections : le nouveau gouvernement réformera la loi électorale de sorte à impliquer la société civile et organisera des élections législatives dans un délai d’un an au maximum.


Ce n’est qu’à 22h30, qu’il a tenu sa conférence de presse avant de quitter le Liban.



Mercredi 2 septembre 2020


9h30 : Nous sommes à Dimane pour la réunion mensuelle de l’Assemblée des Evêques maronites sous la présidence de Sa Béatitude le Patriarche Raï.


Après la prière, Sa Béatitude nous met au courant de sa rencontre avec le président français M. Macron. Il a dit notamment :


« Entouré de son ministre des Affaires étrangères M. Jean-Yves Le Drian, de l’ambassadeur de France au Liban M. Bruno Foucher, et du Directeur général de l’Oeuvre d’Orient M. Pascal Gollnisch, le président Macron nous a accueilli à la Résidence des Pins, là où le général Henri Gouraud avait prononcé, il y a cent ans, la Déclaration du ‘Grand Liban’ réclamé par le Vénérable Patriarche Elias Hoyek au Congrès de Versailles à la fin de la Première Guerre mondiale. Je lui ai présenté le ‘Mémorandum sur le Liban et la neutralité active’, et je lui ai demandé si la France appuie la neutralité du Liban. Il m’a répondu : oui, nous sommes avec la neutralité qui fait partie de la mission et du rôle du Liban dans la région.


Je lui ai parlé ensuite de nos appréhensions majeures :


La première concerne les réfugiés syriens. Nous considérons qu’ils sont des citoyens syriens et ils ne doivent pas perdre leur nationalité, leur appartenance et leur pays. Il faut qu’ils rentrent et qu’ils regagnent leur terre. Le président Macron a avancé des raisons politiques comme conditions au retour des réfugiés.


La deuxième concerne l’éducation. Vu le rôle séculaire de l’Eglise dans l’Education et la Culture en partenariat avec la France, le Liban compte sur l’aide de la France pour permettre aux institutions scolaires et universitaires de réparer les dégâts et reprendre leur mission au service des citoyens libanais et non libanais. Le président Macron a promis de redoubler l’aide de la France dans ce domaine.


La troisième concerne le Hezbollah. Les armes du Hezbollah sont illégales et devaient être remises à l’Etat selon les accords de Taëf (1989) et la nouvelle Constitution. C’est un facteur de déséquilibre national qui empêche les Libanais de se rencontrer autour d’une même table pour discuter de leur avenir. Le président Macron a répété la position de la France qui est celle de considérer le Hezbollah comme parti politique et représentatif d’une partie des Libanais au Parlement et au Gouvernement, mais qui refuse catégoriquement les armes du Hezbollah comme étant illégales et devraient être remises à l’Etat, le seul chargé de défendre le Liban.


Ma quatrième concerne le nouveau contrat politique réclamé par nous-mêmes et dernièrement par le président Macron. Notre crainte réside dans le fait qu’on discute, sous la table, un nouveau système politique basé sur une trilogie de chrétiens, sunnites, chiites. C’est une formule de pouvoir que nous refusons catégoriquement car elle renforce le confessionnalisme ; alors que nous réclamons, depuis le Patriarche Hoyek en 1919, la mise en place de l’Etat civil et la promotion de la citoyenneté. Le président Macron a répété ce qu’il avait dit à Baabda hier que la France est attachée au pluralisme du Liban qui « est au fond l’idée de dire que lorsqu’on a décidé d’être citoyen d’un même pays quelque soit son clan, quelque soit sa famille, quelque soit sa religion, quelques soient ses intérêts, on est avant tout citoyen de ce pays, et dans un rapport à l’universel ».


11h40 : Alors que nous discutions de la situation de notre peuple, et particulièrement de la population de Beyrouth, toujours aussi critique à la suite de la double explosion du 4 août, nous avons reçu du Vatican la surprise de l’appel de Sa Sainteté le Pape Jean-Paul II pour « une journée universelle de prière et de jeûne pour le Liban vendredi prochain 4 septembre » à la fin de son audience générale et l’envoi de son Secrétaire d’Etat le Cardinal Parolin au Liban. La nouvelle nous a soulagés et nous a réconfortés dans nos épreuves. Le Pape, le Vatican et l’Eglise, comme d’ailleurs la France de manière spéciale et les pays amis, ne nous abandonnent pas à notre triste sort. Nous avons alors recommandé à tous nos prêtres et religieux d’organiser cette journée de prière et de jeûne dans nos diocèses et nos couvents.


Voici le texte intégral du mot du Pape François qui se retrouve d’ailleurs avec les messages du Saint Pape Jean-Paul II et du président Emmanuel Macron :


« Chers frères et sœurs,


A un mois de la tragédie qui a touché la ville de Beyrouth, mes pensées vont encore au cher Liban, à sa population particulièrement éprouvée.


Et ce prêtre qui est ici à l’audience, a apporté le drapeau du Liban.


Saint Jean Paul II l’avait dit il y a trente ans à un moment crucial de ce pays.


Moi aussi aujourd’hui je répète, face aux drames répétés que chacun des habitants de cette terre connaît, nous prenons conscience de l'extrême danger qui menace l'existence même du pays. Le Liban ne peut pas être abandonné à sa solitude.


En plus de cent ans le Liban a été un pays d’espérance même durant les périodes les plus sombres de son histoire. Les Libanais ont gardé leur foi en Dieu et démontré leur capacité de faire de leur terre un lieu de tolérance, de respect, de convivialité continue, unique dans cette région. Le Liban représente plus qu'un Etat ; le Liban est un message de liberté et un exemple de pluralisme, aussi bien pour l'Orient que pour l'Occident. Et pour le bien même de ce pays mais aussi du monde entier, nous ne pouvons pas permettre que ce patrimoine soit perdu.


J’encourage tous les Libanais à continuer à espérer et à retrouver la force et l’énergie nécessaire pour repartir.


Je demande aux dirigeants politiques libanais et aux leaders religieux du pays de s'employer avec sincérité et transparence dans l’œuvre de reconstruction, laissant tomber les intérêts de parties et en considérant le bien commun et l’avenir de cette nation. Je renouvelle aussi l’invitation à la communauté internationale à soutenir ce pays pour l'aider à sortir de la grave crise, sans être impliquée dans les tensions régionales.


Tout particulièrement je m’adresse aux habitants de Beyrouth durement éprouvés :


Reprenez courage, frères, la foi et la prière soient votre force ; n'abandonnez-pas vos maisons et votre héritage ! Ne brisez pas le rêve de ceux qui ont cru en l’avenir d’un pays beau et prospère.


Chers pasteurs, évêques, prêtres, consacrés, hommes et femmes laïcs, continuez à accompagner vos fidèles. Vous évêques et prêtres, je vous demande zèle apostolique ; je vous demande pauvreté, pas de luxe, pauvreté avec votre peuple pauvre qui souffre. Donnez l’exemple de pauvreté et d’humilité. Aidez votre peuple et vos fidèles à se relever et à être protagonistes d’une nouvelle renaissance. Soyez tous des artisans de concorde et renouez au nom de l’intérêt commun avec une véritable culture de la rencontre, du vivre ensemble dans la paix, dans la fraternité, ce mot si cher à Saint François, la fraternité. Que cette concorde soit un renouveau de l’intérêt commun. Sur ce fondement on pourra assurer la continuité de la présence chrétienne et votre contribution au pays, au monde arabe et à toute la région, dans un esprit de fraternité entre toutes les traditions religieuses qui existent au Liban.


C’est pour cette raison que je souhaite inviter à vivre une journée universelle de prière et de jeûne pour le Liban vendredi prochain 4 septembre. J’ai l’intention d’envoyer un représentant ce jour-là au Liban pour accompagner la population. Le Secrétaire d’Etat partira au Liban en mon nom. Il ira pour exprimer ma proximité et toute ma solidarité. Offrons nos prières pour tout le Liban et pour Beyrouth. Nous sommes aussi proches avec l’engagement de la charité


Comme dans d’autres occasions semblables, j’invite aussi les frères et sœurs d’autres confessions de traditions religieuses à s’associer à cette initiative dans les modalités qu’ils estimeront les plus opportunes. Et tous ensemble, je vous demande de confier à Marie, Notre-Dame de Harissa, nos angoisses et nos espérances ; qu’elle soit Elle à soutenir ceux qui pleurent leurs proches et à donner du courage à tous ceux qui ont perdu leurs maisons et une partie de leur vie. Qu’Elle intercède auprès du Seigneur Jésus afin que la terre des Cèdres puisse renaître et diffuse le parfum du vivre ensemble dans toute la région du Moyen-Orient.


Maintenant je vous invite, vous tous, à vous mettre debout en silence et à prier pour le Liban en silence ».



Jeudi 3 septembre 2020


09h40 : Je suis à Beyrouth avec le groupe du service de la charité du diocèse qui poursuit sa mission dans la paroisse de Saint Antoine de Padoue dans les quartiers sinistrés. Je suis accompagné par le vicaire général Mgr Pierre Tanios, P. François Harb coordinateur du groupe du Service de la Charité, Dr Charles Zaiter Médecin Maire représentant l’Union des municipalités de Batroun, M. Elie Samarani architecte président de Caritas diocésaine, M. Jospeh Ajaltouni directeur provincial des Conférences de Saint Vincent de Paul, M. Ziad Wakim ingénieur civil représentant les jeunes du Mouvement marial.


Le curé, Père Dany Jalkh, nous accueille dans son église provisoirement remise en état d’accueillir les fidèles alors que le complexe paroissial, que nous avons visité, est toujours en état sinistre. Après avoir prié ensemble pour les victimes, les blessés et les sinistrés, Père Dany nous a expliqué que 7 familles seulement, sur les 400 familles que compte sa petite paroisse de ce Beyrouth dévasté, logent le soir sur les lieux, alors que les autres viennent le jour pour essayer de déblayer leurs maisons ou appartements et de commencer les réparations.


Nous sommes partis ensuite, avec le Père Dany, à la rencontre des gens, de ses paroissiens, pour les écouter dire leurs doléances en visitant leurs maisons :


« Nous avons tout perdu ! Et ce que l’explosion du 4 août n’a pas détruit, des malfaiteurs sont venus voler ce qui restait dans nos maisons ! ». « Un mois après le désastre, nous n’avons pas les moyens de réparer nos maisons ou nos appartements. Un grand nombre d’agents de ONG sont venus enquêter sur notre situation en remplissant des formulaires, mais nous n’avons toujours pas de réponses, ni de financement ». « Nos maisons, comme celles du quartier, sont classées monuments historiques. Nous ne pouvons pas y toucher sans la permission de la Direction générale du Patrimoine qui n’a cependant les moyens pour financer les restaurations ».


« Nous ne voulons pas vendre nos maisons et nous ne voulons pas les quitter. Mais que l’on nous aide à y rester et à réparer avant la saison des pluies ». « Nous rendons grâce au Seigneur pour la présence du Père Dany au milieu de nous ».


A la fin de notre tournée, vers 12h10, nous sommes revenus à l’église pour faire le point avec le Père Dany sur l’aide que nous pouvons apporter. A vrai dire les coûts des réparations sont énormes, mais nous essayons d’assurer une proximité avec les habitants et leur assurer un petit financement mais surtout une main d’œuvre volontaire pour les travaux de réparation. Dimanche prochain je reviendrai célébrer la Messe à Saint Antoine avec des jeunes volontaires de Batroun de toutes les spécialisations et je lancerai une permanence pour assurer l’accompagnement spirituel, social, psychique et familial de ceux que le Père Dany désignera.



Dans l’après-midi, L’envoyé de Sa Sainteté le pape François le Cardinal Secrétaire d’Etat Pietro Parolin arrive à Beyrouth. Il se dirige immédiatement vers le Centre ville, à l’évêché maronite où il est accueilli par S. Exc. Mgr Paul Abdessater, en présence du Nonce apostolique au Liban S. Exc. Mgr Joseph Spiteri ainsi que du Directeur général de l’œuvre d’Orient Mgr Pascal Gollnisch. Ils commencent la visite de la ville dévastée. A la cathédrale maronite de Saint Georges, le Cardinal Parolin rencontre les chefs religieux, chrétiens et musulmans, de la ville. Le Cardinal prononce un mot au nom du pape :


« Nous sommes encore choqués de ce qui s’est passé. Nous demandons à Dieu de donner sa paix à toutes les victimes… Nous prions pour que Dieu nous fortifie afin de prendre soin de tous ceux qui ont été affectés et pour reconstruire Beyrouth ». « Le pape François m’a demandé de venir vous rencontrer ».


« Vous n’êtes pas seuls !… Nous sommes à vos côtés en silence et dans la solidarité… A vos côtés, nous trouvons le courage de crier ensemble : “assez”. Notre souffrance peut nous aider à purifier nos intentions et à renforcer notre résolution à vivre ensemble dans la paix et dans la dignité ».


« Ensemble nous pouvons vaincre la violence et toutes les formes d’autoritarisme, en promouvant une citoyenneté inclusive fondée sur le respect des droits et des devoirs fondamentaux ». « Personne ne devrait manipuler les rêves des jeunes générations, mais plutôt faciliter leur participation active dans la construction de la société ». « Puissiez-vous continuer à offrir un exemple de solidarité sincère, fidèle aux traditions libanaises de résilience, de créativité et de soutien mutuel ». Et de répéter l’appel du pape François à la communauté internationale : « Ne laissez pas le Liban seul ! Le Liban a besoin du monde, mais le monde aussi a besoin de l’expérience unique de pluralisme, de convivialité dans la solidarité et dans la liberté, qu’est le Liban. »


Il a ensuite effectué des visites de solidarité aux cathédrales grecque-orthodoxe où il est accueilli par le métropolite Elias Aideh, et grecque-catholique où il est accueilli par le métropolite Georges Bacouni, ainsi qu’à la mosquée Mohammad el-Amine.



A 20h30 : Le Cardinal Parolin est à Notre-Dame du Liban à Harissa pour présider la célébration eucharistique au nom du Pape François. Et face à une assemblée de jeunes, dont beaucoup en ce moment pensent à l’émigration, (certains avancent le chiffre de 300.000 demandes de visa !), Son Eminence lance :


« Vous n’êtes pas seuls dans vos épreuves, le monde entier se solidarise aujourd’hui avec vous ». « Encore très peu, le Liban se transformera en verger, et le verger en forêt », citation du prophète Isaïe. « Je vous invite à reprendre des forces, à tenir bon, à espérer ». Il a ensuite a répété les mots prononcés par le pape la veille en annonçant la Journée de prière et de jeûne : « Reprenez courage, que la foi et la prière soient votre force. N’abandonnez pas vos maisons et votre héritage, ne brisez pas le rêve de ceux qui ont cru à l’avenir d’un pays beau et prospère ».




Vendredi 4 septembre 2020


La journée de prière et de jeûne recommandée par Sa Sainteté le pape François est suivie dans tout le Liban et à tous les niveaux, mais aussi dans le monde, selon les informations qui nous arrivent un peu de partout. Le Cardinal Parolin a adressé un message vocal enregistré de sa voix au nom du pape François :


« Le pape François invite à faire confiance à la fidélité de Dieu, en priant : Seigneur, nous croyons que tu veilles sur ta Parole, pour la réaliser, et nous espérons, contre toute espérance ou tout malheur. Nous Te remercions pour ton amour qui s’est exprimé par la solidarité de nombreuses personnes. Nous Te confions notre pays, le Liban, son peuple, ses leaders religieux et politiques et ses jeunes, afin qu’ils réalisent sa vocation de message de paix et de fraternité à laquelle tu l’as appelé. Amen. »



10h00 : Le Cardinal Parolin commence sa deuxième journée par une visite au président de la République le général Michel Aoun à Baabda où il a insisté sur l’importance de « préserver l’identité du Liban ». Il est descendu à Beyrouth où il s’est arrêté pour « un moment de prière devant les hangars tordus du port de Beyrouth », à l’issue duquel il a déposé une couronne de fleurs contre la rambarde bordant le trottoir. Il a ensuite visité les deux hôpitaux du Rosaire et de Geitaoui où il a félicité les religieuses et le personnel des deux hôpitaux les considérant comme « les véritables héros de la catastrophe, puisqu’ils ont oublié de panser leurs propres plaies, pour continuer à servir leurs frères et sœurs ». Il a également annoncé qu’une somme de 400 000 euros sera remise à chacun des deux hôpitaux, collectés par L’Œuvre d’Orient. Il a visité aussi l’école du Sacré-Cœur des Frères des Ecoles Chrétiennes à Gemmayzé.


13h00 : Le Cardinal Parolin est arrivé à Bkerké où il était attendu par les Patriarches catholiques du Liban pour une rencontre suivie d’un déjeuner à la table de Sa Béatitude le Patriarche Cardinal Raï. En conversation avec les journalistes, le Cardinal Parolin a répondu à la question de « la neutralité active du Liban » : « C’est une question à l’étude ; mais il importe que le Liban soit mis à l’abri des conflits externes et il importe essentiellement au Vatican que le Liban préserve son identité et son rôle au Moyen-Orient et dans le monde comme modèle de vivre ensemble, de pluralisme et de liberté ». Concernant les craintes nourries par les chrétiens du Liban pour leur avenir, il a affirmé : « Je crois que les chrétiens ne doivent avoir aucune crainte. Notre présent et notre avenir sont entre les mains de Dieu. L’expression “ne crains pas” se retrouve souvent dans les Saintes Écritures. Je n’ai fait que le répéter durant mon court séjour. J’ai pris la mesure de vos souffrances. Les destructions que j’ai vues sont inimaginables. Mais j’ai touché du doigt aussi votre volonté de reconstruction et votre désir de repartir. Je suis sûr qu’avec l’aide de Dieu, toutes les épreuves seront surmontées. Le Liban n’est pas seul. Toute l’Église est à ses côtés ».


Après le déjeuner, il s’est rendu dans le quartier de la Quarantaine et s’est arrêté à la caserne des pompiers de Beyrouth qui ont donné dix victimes. Face aux familles endeuillées, le Cardinal était profondément ému ; il a parlé « de gestes qui vont plus loin que les paroles, et de la prière qui traverse toutes les barrières. le Dieu de toute miséricorde est aussi le Seigneur de l’histoire », a-t-il ajouté. Et s’adressant aux religieux et religieuses qui lui ont consigné une lettre adressée au pape François pour « lui transmettre nos cris, nos larmes et nos souffrances de l’enfantement au pris de beaucoup de vies de nos jeunes, ainsi que nos remerciements filiaux », il a dit :


« Vous avez la capacité de vous en sortir et de trouver le chemin, peut-être avec des compromis. Mais vous pouvez le faire avec la grâce de Dieu. Vous l’avez fait par le passé. Les moments de crise sont aussi des moments d’opportunité pour la foi, la croissance et la solidarité. Je transmettrai vos sentiments au pape. On espère qu’il pourra venir et vous réconforter personnellement par une visite ».


Puis il a quitté pour l’aéroport en direction de Rome.



Tous les Libanais vivent dans l’espoir que la visite du pape François se réalisera un jour prochain, comme ont fait ses prédécesseurs Jean Paul II et Benoît XVI à des moments critiques de l’histoire du Liban !



  • Père Mounir Khairallah

Evêque de Batroun ​Lettre aux Amis du 5 septembre 2020



Dimanche 30 août 2020


8h30–13h30 : Je suis en visite pastorale dans deux petites paroisses de montagne (Rachkeddé et Sourate) pour encourager les fidèles en ces temps difficiles et en pleine recrudescence de la propagation du virus Corona Covid 19 qui nous oblige à rester confinés. Et pourtant, ils sont venus nombreux mais en prenant toutes les précautions nécessaires. Ils ont besoin, comme moi d’ailleurs, d’une bouffée d’oxygène spirituel pour reprendre le courage de l’espérance.


L’évangile de ce dimanche dans notre liturgie maronite nous invite à aller avec Jésus « chez Marthe et Marie » (Luc 10, 38-42).


Je voudrais imaginer Jésus entrer ce dimanche dans l’une de nos maisons délabrées de Beyrouth : Il nous trouvera en train de nous « affairer à un service compliqué » ; mais il trouvera aussi qui se mettra « assis au pied du Seigneur » pour l’écouter nous donner confiance en Notre Père céleste dans la tourmente, pour prier avec Lui disant : « Père si Tu veux écarter de nous cette coupe … Pourtant que ce ne soit pas notre volonté mais la tienne qui se réalise » (Luc 22,42) et pour le supplier de raccourcir notre chemin de croix au Liban ! Il écoutera notre supplique et nous dira comme Il a dit à Marie : « Une seule chose est nécessaire. C’est bien vous qui avez choisi la meilleure part en votre foi et votre espérance; elle ne vous sera pas enlevée ».



20h30 : Le président de la République le général Michel Aoun s’adresse aux Libanais, dans un discours télévisé suivi d’un dialogue en direct avec le journaliste Ricardo Karam, à l’occasion de la commémoration du premier centenaire de la déclaration du Grand Liban (faite par le général Henri Gouraud le 1er septembre 1920). Il a affirmé entre autre :


« Pour que le 1er septembre 2020 complète le 1er septembre 1920, et parce que je suis convaincu que seul un État civil est capable de protéger le pluralisme, de le préserver en le transformant en unité réelle, je demande que le Liban soit déclaré État civil. Je m'engage à appeler au dialogue les autorités spirituelles et les dirigeants politiques afin d'arriver à une formule acceptable par tous et pouvant être mise en place à travers des amendements constitutionnels appropriés ». « Il est temps d'améliorer, d'amender ou de changer le système libanais, appelez-le comme vous le voulez. Mais le Liban a besoin d'un nouveau système de gestion de ses affaires, basée sur la citoyenneté et un Etat civil ». « Le système communautaire basé sur les droits des communautés et des quotes-parts a été bon à une certaine époque. Mais aujourd'hui, il constitue un obstacle contre toute avancée ou progression, contre les réformes et la lutte contre la corruption. Il est devenu le terreau de la sédition, de la provocation et des divisions ».



Le président Aoun retrouve ainsi une idée chère au Patriarche Elias Hoyek qui concevait le Liban en 1920 comme un Etat civil où les communautés vivraient dans le respect mutuel de leur diversité. Et c’est ce que le Patriarche Béchara Raï ne cesse de réclamer.


Cette affirmation du président Aoun est prise tout de suite par la presse française, qui rapporte cependant que « le président Aoun appelle à déclarer le Liban Etat laïc » (et non Etat civil, et pour nous la nuance est importante), à la veille de l’arrivée au Liban du président Macron qui a déjà exigé de la classe politique libanaise d’aller vers un nouveau contrat politique et social qui réviserait le système confessionnel


Plus tôt la journée, le secrétaire général du Hezbollah, Sayyed Hassan Nasrallah, qui avait pris l’habitude depuis un bon moment de faire ses interventions télévisées avant toute apparition du président Aoun, a affirmé que son parti « est disposée à discuter d'un nouveau pacte politique au Liban, proposé par le président Macron ». « Nous sommes ouverts à toute discussion constructive sur le sujet mais à la condition que ce soit la volonté de toutes les parties libanaises ». « Ces derniers jours, nous avons entendu de la part de responsables français des critiques sévères contre le système confessionnel libanais. Nous sommes ouverts à toute discussion constructive à ce sujet, pour aboutir à un nouveau pacte politique, mais ce débat doit être le fruit de la volonté de toutes les composantes politiques du pays. Nous devons respecter les appréhensions des autres ».



Lundi 31 août 2020


A 9h00 : Le président Michel Aoun entame au palais de Baabda les consultations parlementaires devant amener à la nomination du Premier ministre, en commençant par les anciens Premiers ministres qui avaient déjà déclaré dans la nuit qu’ils proposeraient le nom du Dr Moustafa ADIB de Tripoli. Les différents blocs parlementaires sont passés successivement à Baabda ; mais on savait déjà qu’il y avait un consensus sur le nom du Dr Adib.


A 13h30 : le Directeur général de la présidence de la République annonce que le président Aoun vient d’appeler Dr Moustafa Adib pour lui signifier, en présence du président du Parlement M. Nabih Berry, comme le veut la Constitution, les résultats des consultations (90 voix sur 120 pour Adib, seul le bloc des Forces libanaises avait nommé M. Nawwaf Salam) et sa nomination comme Nouveau Premier ministre du Liban.



Dr Moustafa Adib est né (curieusement) le 31 août 1972 à Tripoli, deuxième capitale du Liban. Marié avec une française et père de cinq enfants.


Titulaire de diplômes en droit et en sciences politiques de Montpellier - France, il a débuté sa carrière en l’an 2000 comme professeur de droit public international à l'Université libanaise et dans d'autres universités au Liban et en France. En 2004, il devient président du Centre d’études stratégiques pour le Moyen-Orient, au sein duquel il a conduit de nombreuses études dans le domaine politique. Il est président de l’Association libanaise de droit international (ALDI).


De 2000 à 2004, il a été directeur de cabinet de Najib Mikati, alors ministre des Travaux Publics. En 2011, il a été directeur de cabinet de M. Mikati au moment de son deuxième mandat à la tête du gouvernement. Puis tiré de son poste de professeur à l’Université libanaise pour être nommé, hors cadre, ambassadeur du Liban en Allemagne en 2013.


Et de l’Allemagne qu’il est appelé à être Premier ministre à un moment crucial de l’histoire du Liban.


Que dire de cette nomination ? Il est tôt de juger. Mais on peut déjà avancer, à son avantage qu’il est nommé par les anciens Premiers ministres (sunnites) et la majorité des députés sunnites qui le soutiendront, et la majorité des autres blocs parlementaires qui ont acquiescé ! Il est un universitaire, un homme d’Etat et un diplomate reconnu pour sa compétence, sa loyauté, sa transparence et son ouverture. Il faut compter aussi sa formation française qui fait de lui un homme d’analyse et de méthode.


Et à son inconvénient, on peut dire qu’il risque d’être à la solde de ceux qui l’ont nommé, donc qui les couvrira par la suite, avec son gouvernement, de tout jugement pour leur passé (car ils font partie de la classe politique corrompue), et de ne pas être tout à fait indépendant et libre de ses décisions qui seraient, pourtant, décisives pour l’avenir du Liban et pour la crédibilité de son gouvernement. Ils le chargent donc de mettre en marche immédiatement les réformes exigées à condition de ne plus revenir en arrière pour demander des comptes et juger ceux qui ont pillé le trésor public et l’argent des citoyens !


Attendons voir.



Tout de suite après sa nomination, et à l'issue de son entretien avec le président Aoun, le nouveau Premier ministre a fait une courte déclaration :


« En ces circonstances, notamment après la double explosion meurtrière de Beyrouth le 4 août dernier, le temps n'est plus aux paroles, aux promesses ou aux espérances. Le temps est à l'action, avec la coopération de tous, pour que le pays se rétablisse et pour que le peuple retrouve la confiance en l'avenir, car l'inquiétude est grande ». « L'opportunité qui s'offre à nous est mince. Nous voulons former une équipe de travail homogène, formé d'experts et de personnes compétentes, et lancer rapidement, en coopération avec le Parlement, les réformes nécessaires face à la crise économique et financière, avec comme point de départ un accord avec le Fonds monétaire international ».


Il a ensuite rapidement quitté Baabda pour se dirigé vers les quartiers de Gemmayzé et de Mar Mikhaël, dévastés par la double explosion du 4 août.


Aux journalistes qui l’ont suivi, il a affirmé qu’il voulait « effectuer cette visite par solidarité avec les Beyrouthins ». « Il n’y a pas de mots pour exprimer l'ampleur de la dévastation ». « Nous espérons que la reconstruction se fera le plus rapidement possible et que les résultats de l'enquête sur les causes de l'explosion puissent être présentés rapidement devant l'opinion publique ».


Certains habitants de ces quartiers ont accepté de parler brièvement avec lui alors que d’autres ont refusé de lui adresser la parole et ont scandé « Révolution ! » à son passage.



21h00 : le président Emmanuel Macron arrive au Liban pour une deuxième visite en trois semaines ! Son avion atterrit à l’aéroport de Beyrouth. Il est Accompagné du ministre des Affaires étrangères, M. Jean-Yves Le Drian, et du ministre des Solidarités et de la Santé, M. Olivier Véran. A son arrivée il a écrit sur Twitter le message suivant, émouvant et encourageant pour les Libanais :


« Libanais, vous êtes comme des frères pour les Français. Je vous en ai fait la promesse : je reviens à Beyrouth pour faire le point sur l'aide d'urgence et bâtir avec vous les conditions de la reconstruction et de la stabilité ».


Il a été accueilli par le président le général Michel Aoun, avec qui il a eu un entretien au salon d’honneur. Puis il a déclaré aux journalistes :


« Je suis heureux de revenir, comme je l'avais promis, au Liban et d'être ici ce soir à Beyrouth, comme je m'y étais engagé le 6 août dernier. Revenir d'abord pour rendre compte de l'aide internationale, de l'aide humanitaire qui a suivi l'explosion et sur laquelle je m'étais engagé … J'aurai l'occasion demain de me rendre au port pour faire le point sur ce sujet et l'ensemble des projets. On regardera également les éléments de coopération d'urgence en matière sanitaire en allant notamment à l'hôpital Rafic Hariri, car je n'oublie pas que le Liban est touché aussi par le Covid-19. J'aurai l'occasion aussi d'aborder les sujets d'école, d'éducation, de reconstruction (...) et de revenir sur le soutien au peuple libanais. (...).


« Nous aurons l'occasion demain de, non seulement commémorer les cent ans du Grand Liban, mais aussi d'en tirer toutes les leçons et de nous projeter vers l'avenir. Et enfin, et peut-être surtout, l'objectif de cette visite est de faire le point d'étape sur la situation politique. Ma position est toujours la même : l'exigence sans ingérence ».


Il a donc donné son programme très chargé de demain. Il a ensuite salué la nomination du nouveau premier ministre et affirmé qu’il voulait s'assurer « que c'est bien un gouvernement de mission qui sera formé au plus vite pour mettre en œuvre les réformes que nous connaissons au service des Libanaises et des Libanais ». Il a tenu à énumérer ces réformes, qu’il transmettra par écrit demain comme feuille de route aux responsables politiques : « La réforme des marchés publics, de la justice, lutte contre la corruption, la réforme de l'énergie et de l'électricité, la réforme du port, une meilleure gestion de la Banque centrale et du système bancaire. Autant de réformes indispensables sur lesquelles de mon côté je me suis engagé, pour que, si elles sont prises par un gouvernement de mission, la communauté internationale, et en premier chef la France, puisse s'engager en soutien du Liban et des Libanais ».


Il a quitté l’aéroport en direction de Rabieh, non loin d’Antélias à l’Est de Beyrouth, avec un retard d’une heure et demie, où il était attendu à dîner par « l’icône de la chanson libanaise et du monde arabe » la chanteuse Fayrouz qu’il a avait tenu à visiter en premier lieu pour « vénérer le symbole d’unité du Liban et des Libanais en sa personne et confirmer son rôle culturel pour le Liban et le monde arabe. Le dîner est annulé, mais la rencontre fut très amicale et appréciée, alors que Fayrouz avait refusé la présence des Médias ; car elle est enfermée chez elle depuis quinze ans en signe de deuil pour la situation dégradante du Liban.


Le président Macron est enfin redescendu à Beyrouth pour y rencontrer M. Saad Hariri.



Mardi 1er septembre 2020


La journée de la commémoration du premier centenaire de la Déclaration du Grand Liban commence pour le président Macron à 9h30 dans la forêt des Cèdres de Jaj (une des plus anciennes du Liban où on a tiré les cèdres destinés à la construction du temple du roi Salomon à Jérusalem), dans les hauteurs de Jbayl-Byblos, où il est arrivé en hélicoptère pour une petite cérémonie au cours de laquelle il a planté un cèdre.


Il s’est ensuite envolé pour Beyrouth où il s’est rendu dans le secteur dévasté du port pour s’entretenir avec des représentants de l’ONU et des ONG locales sur le porte-hélicoptères « Le Tonnerre » (arrivé le 14 août). A l’issue de la rencontre, il a déclaré : « Il faut qu'on continue à mobiliser toute la communauté internationale (...) Je suis prêt à ce qu'on réorganise, autour peut-être de mi-fin octobre, une conférence internationale de soutien avec les Nations unies ». « Je suis tout à fait prêt même à l'accueillir à Paris (...), qu'on puisse à nouveau demander un soutien à tous les Etats pour financer les besoins sur le terrain ».


Après un tour dans les quartiers dévastés d’Achrafieh où il a écouté les doléances des citoyens, il s’est rendu au palais présidentiel de Baabda où le président Aoun a offert un déjeuner en son honneur en présence de tous les leaders politiques et des ambassadeurs des pays européens et de certains pays arabes.


Au cours du déjeuner, M. Macron a prononcé un discours, émouvant et imbibé de l’histoire de l’amitié franco-libanaise, qui restera pour l’histoire. J’ai réussi à obtenir l’enregistrement de ce discours qui n’a pas été diffusé à la presse. Voici le texte intégral :



« Merci Monsieur le Président, merci à vous tous, de nous accueillir aujourd’hui avec cette délégation composée de plusieurs ministres, de parlementaires, de fonctionnaires, de militaires, d’humanitaires, d’artistes, d’entrepreneurs, vu la richesse qui est la nôtre et la volonté d’être au côté du Liban aujourd’hui.


Vous l’avez rappelé, Monsieur le Président ; c’est un bel anniversaire, c’est un centenaire qui se tient quelques jours à peine après la terrible explosion du 4 août dernier. Vous rappeliez les termes de Gouraud lors de la fondation du Grand Liban, espoir et fierté. Dans ce discours très court, il appelait chacun à servir au-dessus des ses intérêts particuliers ; ce qui est d’ailleurs le principal message de son discours ; et il est d’une actualité aussi virulente que cruelle. Je ne sais ce que donneront les prochaines semaines et les prochains mois. Je sais une chose : c’est que si cet appel à dépasser les intérêts personnels n'est pas exaucé, même cent ans après, la promesse sera trahie, parce que votre pays est une promesse. Une promesse pour lui-même, un pays frère et ami pour le nôtre.


Et cette amitié ne se justifie pas simplement à travers des dates, des engagements, des destins croisés, même si c’est énorme, à travers tant de destins de femmes et d’hommes, artistes, intellectuels, entrepreneurs, contemporains ou passés ; c’est parce qu’il y a quelque chose dans ce message que le Liban est dans le cœur de la France, un amour inconditionnel de la liberté, un attachement à l’égalité entre les citoyens, et un attachement à ce qu’on appelle le pluralisme ; et c’est au fond l’idée de dire que lorsqu’on a décidé d’être citoyen d’un même pays quelque soit son clan, quelque soit sa famille, quelque soit sa religion, quelques soient ses intérêts, on est avant tout citoyen de ce pays, et dans un rapport à l’universel.


Et c’est ce qui fait qu’aujourd’hui, tout particulièrement dans cette région, le message du Liban est encore plus important qu’il y a cent ans , car vous en êtes sans doute parmi les derniers dépositaires, alors que ce qui n’a pas été réussi par d’autres avant dans des temps plus faciles le soit aujourd’hui par vous parce que c’est vous dans des temps plus durs presque impossibles. Nous, nous serons là avec la même amitié, la même fidélité ; fidélité dans cette histoire et dans ce qui l'unit ; c’est une exigence de la souveraineté et de l'amour inconditionnel de la liberté.


Voilà ce que je voulais vous dire en cette journée. Elle n'est pas une simple célébration, mais je l'espère profondément le début d'une nouvelle ère.


Vive le Grand Liban, vive le Liban, vive l’amitié entre le Liban et la France ».



Dans l’après-midi, il a visité l’hôpital gouvernemental Rafic Hariri de Beyrouth, un établissement en première ligne dans la lutte contre le Covid-19.


Puis il est revenu à la Résidence des Pins pour rencontrer les responsables politiques du Liban qu’il avait rencontrés lors de sa première visite. Mais avant ce rendez-vous, il a tenu à rencontrer, à 18h30, notre Patriarche maronite le Cardinal Béchara Raï qui lui a remis le « Mémorandum sur le Liban et la neutralité active », en présence du ministre des Affaires étrangères M. Jean-Yves le Drian et l’ambassadeur de France au Liban M. Bruno Foucher et le Directeur général de l’Oeuvre d’Orient Mgr Pascal Gollnisch.


A 19h00, il a rencontré les leaders politiques en leur consignant « la Feuille de route de la France – Le programme du nouveau gouvernement » qui contient les lignes directrices des réformes à effectuer, « une condition sine qua non pour que le Liban obtienne l’aide internationale promise ».


Je les résume comme suit :


1) La lutte contre le Covid 19 et la protection sociale.


2) L’urgence de remédier aux conséquences de l’explosion du 4 août au niveau de l’aide humanitaire internationale et de sa gouvernance dans la transparence, ainsi que la poursuite de l’enquête indépendante sur les causes de l’explosion.


3) Les réformes urgentes : le secteur de l’électricité et de l’énergie, le Capital Control, la gouvernance publique et une meilleure gestion de la Banque centrale et du système bancaire, l’indépendance de la Justice.


La lutte contre la corruption et la contrebande et la réforme des douanes (des mesures à prendre en l’espace d’un mois).


La réforme des marchés publics et la coopération entre les secteurs public et privé (des mesures à prendre en l’espace d’un mois).


Les finances publiques : le vote d’une loi, en l’espace d’un mois, qui rectifie les comptes publics et revoie les dépenses de 2020 ainsi que la préparation du budget de 2021.


4) Les élections : le nouveau gouvernement réformera la loi électorale de sorte à impliquer la société civile et organisera des élections législatives dans un délai d’un an au maximum.


Ce n’est qu’à 22h30, qu’il a tenu sa conférence de presse avant de quitter le Liban.



Mercredi 2 septembre 2020


9h30 : Nous sommes à Dimane pour la réunion mensuelle de l’Assemblée des Evêques maronites sous la présidence de Sa Béatitude le Patriarche Raï.


Après la prière, Sa Béatitude nous met au courant de sa rencontre avec le président français M. Macron. Il a dit notamment :


« Entouré de son ministre des Affaires étrangères M. Jean-Yves Le Drian, de l’ambassadeur de France au Liban M. Bruno Foucher, et du Directeur général de l’Oeuvre d’Orient M. Pascal Gollnisch, le président Macron nous a accueilli à la Résidence des Pins, là où le général Henri Gouraud avait prononcé, il y a cent ans, la Déclaration du ‘Grand Liban’ réclamé par le Vénérable Patriarche Elias Hoyek au Congrès de Versailles à la fin de la Première Guerre mondiale. Je lui ai présenté le ‘Mémorandum sur le Liban et la neutralité active’, et je lui ai demandé si la France appuie la neutralité du Liban. Il m’a répondu : oui, nous sommes avec la neutralité qui fait partie de la mission et du rôle du Liban dans la région.


Je lui ai parlé ensuite de nos appréhensions majeures :


La première concerne les réfugiés syriens. Nous considérons qu’ils sont des citoyens syriens et ils ne doivent pas perdre leur nationalité, leur appartenance et leur pays. Il faut qu’ils rentrent et qu’ils regagnent leur terre. Le président Macron a avancé des raisons politiques comme conditions au retour des réfugiés.


La deuxième concerne l’éducation. Vu le rôle séculaire de l’Eglise dans l’Education et la Culture en partenariat avec la France, le Liban compte sur l’aide de la France pour permettre aux institutions scolaires et universitaires de réparer les dégâts et reprendre leur mission au service des citoyens libanais et non libanais. Le président Macron a promis de redoubler l’aide de la France dans ce domaine.


La troisième concerne le Hezbollah. Les armes du Hezbollah sont illégales et devaient être remises à l’Etat selon les accords de Taëf (1989) et la nouvelle Constitution. C’est un facteur de déséquilibre national qui empêche les Libanais de se rencontrer autour d’une même table pour discuter de leur avenir. Le président Macron a répété la position de la France qui est celle de considérer le Hezbollah comme parti politique et représentatif d’une partie des Libanais au Parlement et au Gouvernement, mais qui refuse catégoriquement les armes du Hezbollah comme étant illégales et devraient être remises à l’Etat, le seul chargé de défendre le Liban.


Ma quatrième concerne le nouveau contrat politique réclamé par nous-mêmes et dernièrement par le président Macron. Notre crainte réside dans le fait qu’on discute, sous la table, un nouveau système politique basé sur une trilogie de chrétiens, sunnites, chiites. C’est une formule de pouvoir que nous refusons catégoriquement car elle renforce le confessionnalisme ; alors que nous réclamons, depuis le Patriarche Hoyek en 1919, la mise en place de l’Etat civil et la promotion de la citoyenneté. Le président Macron a répété ce qu’il avait dit à Baabda hier que la France est attachée au pluralisme du Liban qui « est au fond l’idée de dire que lorsqu’on a décidé d’être citoyen d’un même pays quelque soit son clan, quelque soit sa famille, quelque soit sa religion, quelques soient ses intérêts, on est avant tout citoyen de ce pays, et dans un rapport à l’universel ».


11h40 : Alors que nous discutions de la situation de notre peuple, et particulièrement de la population de Beyrouth, toujours aussi critique à la suite de la double explosion du 4 août, nous avons reçu du Vatican la surprise de l’appel de Sa Sainteté le Pape Jean-Paul II pour « une journée universelle de prière et de jeûne pour le Liban vendredi prochain 4 septembre » à la fin de son audience générale et l’envoi de son Secrétaire d’Etat le Cardinal Parolin au Liban. La nouvelle nous a soulagés et nous a réconfortés dans nos épreuves. Le Pape, le Vatican et l’Eglise, comme d’ailleurs la France de manière spéciale et les pays amis, ne nous abandonnent pas à notre triste sort. Nous avons alors recommandé à tous nos prêtres et religieux d’organiser cette journée de prière et de jeûne dans nos diocèses et nos couvents.


Voici le texte intégral du mot du Pape François qui se retrouve d’ailleurs avec les messages du Saint Pape Jean-Paul II et du président Emmanuel Macron :


« Chers frères et sœurs,


A un mois de la tragédie qui a touché la ville de Beyrouth, mes pensées vont encore au cher Liban, à sa population particulièrement éprouvée.


Et ce prêtre qui est ici à l’audience, a apporté le drapeau du Liban.


Saint Jean Paul II l’avait dit il y a trente ans à un moment crucial de ce pays.


Moi aussi aujourd’hui je répète, face aux drames répétés que chacun des habitants de cette terre connaît, nous prenons conscience de l'extrême danger qui menace l'existence même du pays. Le Liban ne peut pas être abandonné à sa solitude.


En plus de cent ans le Liban a été un pays d’espérance même durant les périodes les plus sombres de son histoire. Les Libanais ont gardé leur foi en Dieu et démontré leur capacité de faire de leur terre un lieu de tolérance, de respect, de convivialité continue, unique dans cette région. Le Liban représente plus qu'un Etat ; le Liban est un message de liberté et un exemple de pluralisme, aussi bien pour l'Orient que pour l'Occident. Et pour le bien même de ce pays mais aussi du monde entier, nous ne pouvons pas permettre que ce patrimoine soit perdu.


J’encourage tous les Libanais à continuer à espérer et à retrouver la force et l’énergie nécessaire pour repartir.


Je demande aux dirigeants politiques libanais et aux leaders religieux du pays de s'employer avec sincérité et transparence dans l’œuvre de reconstruction, laissant tomber les intérêts de parties et en considérant le bien commun et l’avenir de cette nation. Je renouvelle aussi l’invitation à la communauté internationale à soutenir ce pays pour l'aider à sortir de la grave crise, sans être impliquée dans les tensions régionales.


Tout particulièrement je m’adresse aux habitants de Beyrouth durement éprouvés :


Reprenez courage, frères, la foi et la prière soient votre force ; n'abandonnez-pas vos maisons et votre héritage ! Ne brisez pas le rêve de ceux qui ont cru en l’avenir d’un pays beau et prospère.


Chers pasteurs, évêques, prêtres, consacrés, hommes et femmes laïcs, continuez à accompagner vos fidèles. Vous évêques et prêtres, je vous demande zèle apostolique ; je vous demande pauvreté, pas de luxe, pauvreté avec votre peuple pauvre qui souffre. Donnez l’exemple de pauvreté et d’humilité. Aidez votre peuple et vos fidèles à se relever et à être protagonistes d’une nouvelle renaissance. Soyez tous des artisans de concorde et renouez au nom de l’intérêt commun avec une véritable culture de la rencontre, du vivre ensemble dans la paix, dans la fraternité, ce mot si cher à Saint François, la fraternité. Que cette concorde soit un renouveau de l’intérêt commun. Sur ce fondement on pourra assurer la continuité de la présence chrétienne et votre contribution au pays, au monde arabe et à toute la région, dans un esprit de fraternité entre toutes les traditions religieuses qui existent au Liban.


C’est pour cette raison que je souhaite inviter à vivre une journée universelle de prière et de jeûne pour le Liban vendredi prochain 4 septembre. J’ai l’intention d’envoyer un représentant ce jour-là au Liban pour accompagner la population. Le Secrétaire d’Etat partira au Liban en mon nom. Il ira pour exprimer ma proximité et toute ma solidarité. Offrons nos prières pour tout le Liban et pour Beyrouth. Nous sommes aussi proches avec l’engagement de la charité


Comme dans d’autres occasions semblables, j’invite aussi les frères et sœurs d’autres confessions de traditions religieuses à s’associer à cette initiative dans les modalités qu’ils estimeront les plus opportunes. Et tous ensemble, je vous demande de confier à Marie, Notre-Dame de Harissa, nos angoisses et nos espérances ; qu’elle soit Elle à soutenir ceux qui pleurent leurs proches et à donner du courage à tous ceux qui ont perdu leurs maisons et une partie de leur vie. Qu’Elle intercède auprès du Seigneur Jésus afin que la terre des Cèdres puisse renaître et diffuse le parfum du vivre ensemble dans toute la région du Moyen-Orient.


Maintenant je vous invite, vous tous, à vous mettre debout en silence et à prier pour le Liban en silence ».



Jeudi 3 septembre 2020


09h40 : Je suis à Beyrouth avec le groupe du service de la charité du diocèse qui poursuit sa mission dans la paroisse de Saint Antoine de Padoue dans les quartiers sinistrés. Je suis accompagné par le vicaire général Mgr Pierre Tanios, P. François Harb coordinateur du groupe du Service de la Charité, Dr Charles Zaiter Médecin Maire représentant l’Union des municipalités de Batroun, M. Elie Samarani architecte président de Caritas diocésaine, M. Jospeh Ajaltouni directeur provincial des Conférences de Saint Vincent de Paul, M. Ziad Wakim ingénieur civil représentant les jeunes du Mouvement marial.


Le curé, Père Dany Jalkh, nous accueille dans son église provisoirement remise en état d’accueillir les fidèles alors que le complexe paroissial, que nous avons visité, est toujours en état sinistre. Après avoir prié ensemble pour les victimes, les blessés et les sinistrés, Père Dany nous a expliqué que 7 familles seulement, sur les 400 familles que compte sa petite paroisse de ce Beyrouth dévasté, logent le soir sur les lieux, alors que les autres viennent le jour pour essayer de déblayer leurs maisons ou appartements et de commencer les réparations.


Nous sommes partis ensuite, avec le Père Dany, à la rencontre des gens, de ses paroissiens, pour les écouter dire leurs doléances en visitant leurs maisons :


« Nous avons tout perdu ! Et ce que l’explosion du 4 août n’a pas détruit, des malfaiteurs sont venus voler ce qui restait dans nos maisons ! ». « Un mois après le désastre, nous n’avons pas les moyens de réparer nos maisons ou nos appartements. Un grand nombre d’agents de ONG sont venus enquêter sur notre situation en remplissant des formulaires, mais nous n’avons toujours pas de réponses, ni de financement ». « Nos maisons, comme celles du quartier, sont classées monuments historiques. Nous ne pouvons pas y toucher sans la permission de la Direction générale du Patrimoine qui n’a cependant les moyens pour financer les restaurations ».


« Nous ne voulons pas vendre nos maisons et nous ne voulons pas les quitter. Mais que l’on nous aide à y rester et à réparer avant la saison des pluies ». « Nous rendons grâce au Seigneur pour la présence du Père Dany au milieu de nous ».


A la fin de notre tournée, vers 12h10, nous sommes revenus à l’église pour faire le point avec le Père Dany sur l’aide que nous pouvons apporter. A vrai dire les coûts des réparations sont énormes, mais nous essayons d’assurer une proximité avec les habitants et leur assurer un petit financement mais surtout une main d’œuvre volontaire pour les travaux de réparation. Dimanche prochain je reviendrai célébrer la Messe à Saint Antoine avec des jeunes volontaires de Batroun de toutes les spécialisations et je lancerai une permanence pour assurer l’accompagnement spirituel, social, psychique et familial de ceux que le Père Dany désignera.



Dans l’après-midi, L’envoyé de Sa Sainteté le pape François le Cardinal Secrétaire d’Etat Pietro Parolin arrive à Beyrouth. Il se dirige immédiatement vers le Centre ville, à l’évêché maronite où il est accueilli par S. Exc. Mgr Paul Abdessater, en présence du Nonce apostolique au Liban S. Exc. Mgr Joseph Spiteri ainsi que du Directeur général de l’œuvre d’Orient Mgr Pascal Gollnisch. Ils commencent la visite de la ville dévastée. A la cathédrale maronite de Saint Georges, le Cardinal Parolin rencontre les chefs religieux, chrétiens et musulmans, de la ville. Le Cardinal prononce un mot au nom du pape :


« Nous sommes encore choqués de ce qui s’est passé. Nous demandons à Dieu de donner sa paix à toutes les victimes… Nous prions pour que Dieu nous fortifie afin de prendre soin de tous ceux qui ont été affectés et pour reconstruire Beyrouth ». « Le pape François m’a demandé de venir vous rencontrer ».


« Vous n’êtes pas seuls !… Nous sommes à vos côtés en silence et dans la solidarité… A vos côtés, nous trouvons le courage de crier ensemble : “assez”. Notre souffrance peut nous aider à purifier nos intentions et à renforcer notre résolution à vivre ensemble dans la paix et dans la dignité ».


« Ensemble nous pouvons vaincre la violence et toutes les formes d’autoritarisme, en promouvant une citoyenneté inclusive fondée sur le respect des droits et des devoirs fondamentaux ». « Personne ne devrait manipuler les rêves des jeunes générations, mais plutôt faciliter leur participation active dans la construction de la société ». « Puissiez-vous continuer à offrir un exemple de solidarité sincère, fidèle aux traditions libanaises de résilience, de créativité et de soutien mutuel ». Et de répéter l’appel du pape François à la communauté internationale : « Ne laissez pas le Liban seul ! Le Liban a besoin du monde, mais le monde aussi a besoin de l’expérience unique de pluralisme, de convivialité dans la solidarité et dans la liberté, qu’est le Liban. »


Il a ensuite effectué des visites de solidarité aux cathédrales grecque-orthodoxe où il est accueilli par le métropolite Elias Aideh, et grecque-catholique où il est accueilli par le métropolite Georges Bacouni, ainsi qu’à la mosquée Mohammad el-Amine.



A 20h30 : Le Cardinal Parolin est à Notre-Dame du Liban à Harissa pour présider la célébration eucharistique au nom du Pape François. Et face à une assemblée de jeunes, dont beaucoup en ce moment pensent à l’émigration, (certains avancent le chiffre de 300.000 demandes de visa !), Son Eminence lance :


« Vous n’êtes pas seuls dans vos épreuves, le monde entier se solidarise aujourd’hui avec vous ». « Encore très peu, le Liban se transformera en verger, et le verger en forêt », citation du prophète Isaïe. « Je vous invite à reprendre des forces, à tenir bon, à espérer ». Il a ensuite a répété les mots prononcés par le pape la veille en annonçant la Journée de prière et de jeûne : « Reprenez courage, que la foi et la prière soient votre force. N’abandonnez pas vos maisons et votre héritage, ne brisez pas le rêve de ceux qui ont cru à l’avenir d’un pays beau et prospère ».




Vendredi 4 septembre 2020


La journée de prière et de jeûne recommandée par Sa Sainteté le pape François est suivie dans tout le Liban et à tous les niveaux, mais aussi dans le monde, selon les informations qui nous arrivent un peu de partout. Le Cardinal Parolin a adressé un message vocal enregistré de sa voix au nom du pape François :


« Le pape François invite à faire confiance à la fidélité de Dieu, en priant : Seigneur, nous croyons que tu veilles sur ta Parole, pour la réaliser, et nous espérons, contre toute espérance ou tout malheur. Nous Te remercions pour ton amour qui s’est exprimé par la solidarité de nombreuses personnes. Nous Te confions notre pays, le Liban, son peuple, ses leaders religieux et politiques et ses jeunes, afin qu’ils réalisent sa vocation de message de paix et de fraternité à laquelle tu l’as appelé. Amen. »



10h00 : Le Cardinal Parolin commence sa deuxième journée par une visite au président de la République le général Michel Aoun à Baabda où il a insisté sur l’importance de « préserver l’identité du Liban ». Il est descendu à Beyrouth où il s’est arrêté pour « un moment de prière devant les hangars tordus du port de Beyrouth », à l’issue duquel il a déposé une couronne de fleurs contre la rambarde bordant le trottoir. Il a ensuite visité les deux hôpitaux du Rosaire et de Geitaoui où il a félicité les religieuses et le personnel des deux hôpitaux les considérant comme « les véritables héros de la catastrophe, puisqu’ils ont oublié de panser leurs propres plaies, pour continuer à servir leurs frères et sœurs ». Il a également annoncé qu’une somme de 400 000 euros sera remise à chacun des deux hôpitaux, collectés par L’Œuvre d’Orient. Il a visité aussi l’école du Sacré-Cœur des Frères des Ecoles Chrétiennes à Gemmayzé.


13h00 : Le Cardinal Parolin est arrivé à Bkerké où il était attendu par les Patriarches catholiques du Liban pour une rencontre suivie d’un déjeuner à la table de Sa Béatitude le Patriarche Cardinal Raï. En conversation avec les journalistes, le Cardinal Parolin a répondu à la question de « la neutralité active du Liban » : « C’est une question à l’étude ; mais il importe que le Liban soit mis à l’abri des conflits externes et il importe essentiellement au Vatican que le Liban préserve son identité et son rôle au Moyen-Orient et dans le monde comme modèle de vivre ensemble, de pluralisme et de liberté ». Concernant les craintes nourries par les chrétiens du Liban pour leur avenir, il a affirmé : « Je crois que les chrétiens ne doivent avoir aucune crainte. Notre présent et notre avenir sont entre les mains de Dieu. L’expression “ne crains pas” se retrouve souvent dans les Saintes Écritures. Je n’ai fait que le répéter durant mon court séjour. J’ai pris la mesure de vos souffrances. Les destructions que j’ai vues sont inimaginables. Mais j’ai touché du doigt aussi votre volonté de reconstruction et votre désir de repartir. Je suis sûr qu’avec l’aide de Dieu, toutes les épreuves seront surmontées. Le Liban n’est pas seul. Toute l’Église est à ses côtés ».


Après le déjeuner, il s’est rendu dans le quartier de la Quarantaine et s’est arrêté à la caserne des pompiers de Beyrouth qui ont donné dix victimes. Face aux familles endeuillées, le Cardinal était profondément ému ; il a parlé « de gestes qui vont plus loin que les paroles, et de la prière qui traverse toutes les barrières. le Dieu de toute miséricorde est aussi le Seigneur de l’histoire », a-t-il ajouté. Et s’adressant aux religieux et religieuses qui lui ont consigné une lettre adressée au pape François pour « lui transmettre nos cris, nos larmes et nos souffrances de l’enfantement au pris de beaucoup de vies de nos jeunes, ainsi que nos remerciements filiaux », il a dit :


« Vous avez la capacité de vous en sortir et de trouver le chemin, peut-être avec des compromis. Mais vous pouvez le faire avec la grâce de Dieu. Vous l’avez fait par le passé. Les moments de crise sont aussi des moments d’opportunité pour la foi, la croissance et la solidarité. Je transmettrai vos sentiments au pape. On espère qu’il pourra venir et vous réconforter personnellement par une visite ».


Puis il a quitté pour l’aéroport en direction de Rome.



Tous les Libanais vivent dans l’espoir que la visite du pape François se réalisera un jour prochain, comme ont fait ses prédécesseurs Jean Paul II et Benoît XVI à des moments critiques de l’histoire du Liban !



  • Père Mounir Khairallah

Evêque de Batroun ​

Publié le 01/09/2020

URGENT! SAAD AMPUTE DES DEUX JAMBES ATTEND SES DEUX PROTHESES DE JAMBES = 5000 euros! MERCI POUR LUI ET SA FAMILLE!

AU bord du burn out...la soeur de Saad est venue nous supplier!


Publié le 01/09/2020

MERCI DE CONTINUER A SOUTENIR AVEC NOUS CEUX QUI PLONGENT DANS LE GOUFFRE! "Je veux que ma Maison soit remplie"



Samedi 29 août 2020


Un autre chiffre de l’ONU tire la sonnette d’alarme.


Mme Rola Dashti, chef de la Commission économique et sociale de l'ONU pour l'Asie occidentale (Cesao), a appelé, dans une déclaration, « les autorités libanaises à reconstruire en priorité les silos à grains détruits par la puissante double explosion au port de Beyrouth, le 4 août, qui a ravagé la capitale. Ce port est normalement le principal point d'entrée des marchandises dans un Liban qui dépend lourdement des importations alimentaires ». « Par conséquent, plus de la moitié de la population risque de ne pas pouvoir subvenir à ses besoins alimentaires de base d'ici la fin de l'année ». « Des mesures immédiates devraient être prises pour éviter une crise alimentaire : intensifier la surveillance des prix des denrées alimentaires, fixer un plafond pour les prix et encourager les ventes directes des producteurs locaux aux consommateurs ».


L'organisation a relevé que l'inflation devrait dépasser 50% en 2020, contre 2,9% en 2019, avec des prix moyens de l'alimentation en hausse de 141% par rapport à juillet 2019. Et de souligner que les mesures de confinement pour lutter contre la pandémie de nouveau coronavirus ont aggravé la crise économique qui était déjà engagée, entrainant un bond des taux de pauvreté et de chômage.



Je ne peux terminer cette journée sans revenir à l’évangile de ce jour en Luc 14, 15-24 (la parabole des invités remplacés par les pauvres) :


« Je veux que ma maison soit remplie », dit Jésus au nom du Père Céleste. Ce Maître de maison nous invite tous, tous sans exception, à son « grand dîner dans le Royaume de Dieu ». Ceux qui veulent s’excuser, qu’ils portent la responsabilité, mais le Maître veut que sa maison soit remplie. Comment répondons-nous à cette invitation ? Trouvons-nous des excuses, et il y en a en quantité si l’on veut, ou bien acceptons-nous d’entrer avec nos misères, nos tristesses, nos faiblesses, nos déceptions et nos désespoirs ? Cessons de nous tourmenter de nos besoins quotidiens, Jésus nous dit : « Votre Père sait que vous en avez besoin. Cherchez plutôt son Royaume, et cela vous sera donné par surcroît. Sois sans crainte, petit troupeau, car Votre Père a trouvé bon de vous donner le Royaume » (Luc 12, 31-32).



  • Père Mounir Khairallah

Evêque de Batroun ​

Publié le 19/08/2020

Chacun de nous est auto- évolutionnel, et plus, voulu comme cocréateur. Chers credo funders on vous aime et vous êtes avec nous apôtres du Christ Vivant : Il est le Maître de l'Histoire! CONFIANCE!ADORONS-LE!

Chacun de nous est auto- évolutionnel, et plus, voulu comme cocréateur. L’humanité sort de l’enfance, et une ultra-humanité, unie, adulte et responsable, est en train d'éclore. Nous assistons, dans les difficultés de la mondialisation, dans la pandémie du Covid- 19, à son accouchement, couche de pensée humaine unifiée entourant la Terre, et internet en est un exemple. C’est comme une mise à feu de la fusée « Évolution", qui précipite les évènements sous la poussée active de la conscience humaine. Christ, le Rédempteur n’a pu imbiber le tissu du cosmos, et S’injecter dans le sang de l’univers (phase Alpha), qu’en se fondant d’abord dans la chair pour renaître ensuite (phase Oméga) ». Le Souffle de la Communauté Abana est l’émergence de cette vision du Corps du Christ universel, un corps cosmique en phase de sublimation sous l’action transformatrice des énergies de l’amour, une vision unifiée du réel où chair et esprit en sont les deux faces : une Chair- Esprit. La Communauté Abana au Liban est le lieu « Terre- Mère », le rendez-vous de ceux qui croient en l’Homme, de ceux qui aiment la Terre, et de ceux qui désirent être artisans de cette Nouvelle Pentecôte avec vous tout spécialement chers Credo funders! ​

Publié le 19/08/2020

le Liban, Pays-Message, le redeviendra par la volonté de ses fils les Libanais et l’aide de tous nos amis à travers le monde, et en tête le Vatican et la France.

Lettre aux Amis – 17 août 2020



Vendredi 14 août 2020


Vigile de la fête de l’Assomption


Je suis à Tannourine, dans la haute montagne, à l’autre bout du diocèse par rapport à la ville de Batroun sur le littoral, pour célébrer l’eucharistie de la fête en l’église de Notre- Dame de l’Assomption.


Les fidèles sont venus nombreux malgré les précautions à prendre pour le Corona.


Tout le monde prie et crie : « Ya ‘adra, O vierge Marie, O tendre Mère de Dieu, porte-nous sous ton manteau ». J’ai tellement entendu ce cri comme je l’avais entendu à Beyrouth après la double explosion !


Marie est là, elle veille en silence, comme elle était à la noce de Cana. Elle dit à son fils Jésus : « ils n’ont pas de vin » (Jn. 2,3). Ils n’ont pas de paix, ils n’ont pas de sécurité, ils n’ont pas de quoi vivre dignement, ils n’ont plus de larmes dans les yeux, ils n’ont plus d’espoir pour le lendemain ... Ils n’ont que les guerres, les destructions, la dévastation, la désolation, …. Et une classe politique corrompue !


Puis elle nous dit : « Quoi qu’il vous dise, faites-le ». Nous le ferons.



Sa Béatitude le patriarche Raï a dit dans son homélie de la Messe qu’il a célébrée à la chapelle de l’ancienne résidence patriarcale de la Vallée sainte de Qannoubine :


« Nous sommes heureux de nous joindre aux générations qui proclament Marie Bienheureuse, et de nous joindre aux générations d’ermites et de moines qui ont vécu dans cette vallée sainte, aux Patriarches qui ont vécu ici de 1440 à 1843.


Nous ne pouvons en cette fête que prier Dieu par l’intercession de Marie, Notre-Dame du Liban, et nous confier à Lui. Nous prions spécialement pour les responsables chez nous afin qu’ils tournent la page et soient conscients qu’un temps nouveau commence après la double explosion du port de Beyrouth et que le changement doit se faire. Nous avons tous été atteints par la tristesse et la stupeur lorsque nous avons su que des entremetteurs ont commencé à négocier l’achat de maisons dans le quartier d’Achrafié détruit. Je les qualifie de corbeaux qui planent autour des cadavres sans pudeur. Ceux-ci on peut les freiner ; mais il y a des corbeaux d’une autre espèce, les corbeaux politiques, qui profitent de cette catastrophe pour leurs intérêts personnels. Ceux-ci n’ont pas senti que les choses ont basculé et que la voix de la rue est plus forte que celle des canons. Ils ne peuvent donc rester sur place ».



Le Secrétaire d’État adjoint américain pour les affaires politiques, David Hale, et la ministre française des Armées, Florence Parly, ainsi que le ministre iranien des Affaires étrangères Mohammad Javad Zarif se retrouvent en même temps au Liban. Trois émissaires de poids qui viennent en concurrent pour négocier du Liban de l’après–4 août et de l’après-démission du gouvernement Hassan Diab ; mais aussi du nouveau découpage du Moyen Orient, et un « Nouveau Moyen-Orient » selon les Américains, pour nous rappeler la partition de cette région entre les Anglais et les Français selon les accords de Sykes-Picot (1917-1919).


Ce que je peux dire c’est que les deux géants de ce monde, les Etats-Unis et la Chine, se font la guerre par des pays interposés, Israël pour le premier et l’Iran pour le deuxième, en faveur de leurs intérêts respectifs. Et cette guerre se fait, comme toujours malheureusement, au Liban qui se présente comme la plate-forme facile étant le maillon faible.


Mais je reste convaincu que la France porte le Liban dans son cœur et que les présidents Macron et Poutine peuvent négocier la protection du Liban Pays Message comme leurs pays avaient négocié au XVI° et au XIX° siècle la protection des chrétiens d’Orient.



Déjà à son arrivée hier soir jeudi, M. Zarif avait rencontré le secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah. Aujourd’hui, il vient de déclarer, comme pour mettre en garde : « Si le peuple libanais permet à ceux qui ne veulent pas le bien de son pays de le diviser, alors il y aura des craintes sur l’avenir du Liban ». « La communauté internationale doit reconnaître l’indépendance du Liban et éviter les ingérences dans les affaires du pays ». « Nous soutenons ce que veut le peuple libanais. Nous n’avons jamais imposé quoi que ce soit à qui que ce soit au Liban. L’Iran n’a aucun candidat pour diriger le prochain gouvernement. Nous coopérerons avec toute personne sur laquelle les Libanais s’accordent ».


De son côté, M. Hale, qui a été reçu hier à Baabda par le président Aoun, au Sérail par le Premier ministre démissionnaire M. Diab, et à Aïn el-Tiné par le président de la Chambre M. Berry, sans faire de déclarations, a tenu à rencontrer Sa Béatitude le patriarche maronite Béchara Raï. À sa sortie de Bkerké, après avoir présenté ses condoléances au peuple libanais et l’avoir assuré de l’aide humanitaire de son pays, David Hale a fait le bilan de sa journée et ajouté : « Sur le long terme, nous n’accepterons plus davantage de promesses creuses et de dysfonctionnement dans la gouvernance. Je constate qu’il existe des demandes pour de véritables réformes, pour la transparence et la reddition des comptes. Les États-Unis sont prêts à appuyer un gouvernement libanais qui reflète la volonté populaire, y réponde positivement, et s’engage et agit sincèrement pour un changement réel ».


Quant à Mme Parly, qui avait accueilli le porte-hélicoptères « Tonnerre » transportant de l’aide humanitaire à Beyrouth, elle a souligné « la nécessité de constituer le plus rapidement possible un cabinet de mission, en charge pour une durée limitée de mener des réformes profondes avec efficacité ».



Sur le plan international, les aides internationales et levées de fonds se poursuivent. Les Nations unies ont ainsi lancé un appel de fonds d'un montant de 565 millions de dollars en faveur du Liban. Cette aide sera notamment destinée aux efforts de reconstruction succédant à la phase de première urgence dans la capitale. Il s'agit de financer la remise en état des hôpitaux et des écoles et de fournir un toit aux sinistrés et sans abri.



Samedi 15 août 2020, Fête de l’Assomption


Malgré nos douleurs et nos détresses, nous continuerons de chanter avec Marie : « Mon âme exalte le Seigneur et mon esprit s’est rempli d’allégresse à cause de Dieu mon Sauveur, parce qu’Il a porté son regard sur son humble servante … Il est intervenu de toute la force de son bras ; Il a dispersé les hommes à la pensée orgueilleuse ; Il a jeté les puissants à bas de leurs trônes et Il a élevé les humbles ; les affamés, Il les a comblés de biens et les riches, Il les a renvoyés les mains vides » (Lc. 46-55).



Notons que M. Hale a tenu une conférence de presse dans la soirée pour transmettre un message clair de son gouvernement et dire clairement que « Tous les responsables libanais ont une part de responsabilité dans la catastrophe du 4 août ».


« Nous nous tiendrons aux côtés des Libanais dans le processus de reconstruction et de récupération après cette catastrophe ». « Nous appelons à une enquête transparente et crédible sur les circonstances des explosions », rappelant que des agents du Federal Bureau of Investigation (FBI) arriveraient sous peu pour aider à cette tâche. « Cet événement tragique n'est qu'un symptôme de maux bien plus profonds dont souffre le Liban et qui n'ont que trop duré ». « Toutes les personnes au pouvoir assument d'une façon ou d'une autre des responsabilités dans ce qui s'est passé à cause des décennies de mauvaise gestion, de corruption et les échecs répétés des autorités libanaises à mener des réformes significatives et durables ». « Le Liban vit un moment de vérité, et les responsables libanais doivent répondre enfin aux demandes légitimes du peuple pour une meilleure gouvernance, des réformes économiques et financières et la fin de la corruption endémique. Il ne peut pas y avoir d'échappatoire pour les dirigeants ». « Ce sont les Libanais, pas les pays étrangers, qui doivent établir leur vision de l'avenir du pays ».


Cette dernière phrase est devenue un refrain sur les lèvres des émissaires étrangers. Mais nous laisseront-ils faire ?



Dimanche 16 août 2020


L’évangile du XIIème dimanche de Pentecôte nous raconte « la foi de la Cananéenne » de la région de Tyr et de Sidon qui est venue se prosterner devant Jésus et lui dire : « Seigneur, viens à mon secours » (Mt. 15, 21-28).


Nous sommes toujours émus à la lecture de ce passage, car nous sommes les descendants de cette Cananéenne. Nous voudrions dire avec elle, aujourd’hui : « Seigneur ! Notre cher Liban est cruellement tourmenté par un démon qui sème la haine, la violence, la dévastation et la destruction. Viens à notre secours ! Donne-nous au moins les miettes de tes grâces ! Et nous serons sauvés. Nous attendrons alors ta réponse : Peuple bien aimé ! Votre foi est grande ! ».



Dans son homélie dominicale, Sa Béatitude le patriarche Raï est allé encore plus loin dans sa critique contre la classe politique et dans son soutien aux réclamations du peuple :


« … Les responsables politiques, les groupes parlementaires et les formations politiques se rendent-ils compte de la défiance internationale à leur encontre, de la nécessité de lancer immédiatement le changement, de hâter l'organisation d'élections législatives anticipées sans attendre une nouvelle loi électorale et de former un nouveau gouvernement comme le veut le peuple qui est la source des pouvoirs comme le stipule le préambule de la Constitution ? ».


« Le peuple veut un gouvernement de rupture, pas de continuité, qui rompt avec le passé de la corruption nationale, morale et matérielle. Le peuple veut un gouvernement de sauvetage du Liban, pas de sauvetage du pouvoir et de la classe politique. Le peuple veut un gouvernement en harmonie avec lui, pas avec l’étranger, dont les composantes s'entendent sur un projet de réformes. Des réformes pas seulement administratives, mais concernant la décision nationale sur les plans politique, sécuritaire et militaire ».


« Que tout le monde sache qu'il n'y a pas de gouvernement d'union nationale sans une véritable unité, qu'il n'y a pas de cabinet de sauvetage sans personnalités capables de sauver le pays et qu'il n'y a pas de gouvernement de consensus sans un consensus sur les réformes. Nous voulons, avec le peuple, un gouvernement de l'État et du peuple libanais, pas un gouvernement de partis, de communautés et de pays étrangers ».


« Nous demandons aux forces de sécurité d’embrasser et de protéger les jeunes qui se révoltent. Il n'y a pas de sécurité sans liberté, et pas d'autorité sans le peuple. Nous nous élèverons contre tous les projets préparés au détriment du Liban, comme le patriarcat l'a fait à chaque fois que le pays est en danger. Nous n'accepterons pas que le Liban soit une carte aux mains de pays qui veulent restaurer leurs relations au détriment du peuple libanais ».



Dans l’après-midi, les trois émissaires - américain David Hale, iranien Mohammad Javad Zarif et français Mme Florence Parly, ont quitté le Liban.



Quant au virus Corona Covid 19, il continue de sévir chez nous.


Hier samedi, on avait enregistré un triste record de cas de contamination, 397 cas. Nouveau record ce dimanche avec 439 cas. Ce qui porte le total des cas depuis le 21 février à 8881.


En une semaine, Du dimanche 9 au dimanche 16 août, 2360 cas pour un total de 8881 depuis le 21 février ; 103 décès et 2724 personnes rétablies. C’est trop pour le petit Liban.



Lundi 17 août 2020


11h00 : Je suis à côté de Sa Béatitude le patriarche Cardinal Raï lors de sa conférence de presse depuis Dimane pour lancer officiellement le « Mémorandum sur le Liban et la neutralité active ». Fruit d’un long travail d’experts, ce document se présente en neuf pages et en 5 chapitres.


Après une introduction qui reprend la fameuse homélie du 5 août et le lancement de l’appel à la neutralité du Liban, Sa Béatitude présente dans un premier chapitre, les raisons d’être de la neutralité du Liban ; dans un deuxième chapitre, le concept de la neutralité active ; dans un troisième chapitre, le statut de neutralité source d’indépendance et de stabilité pour le Liban ; dans un quatrième chapitre, les avantages de la neutralité pour le Liban et son économie ; et dans un cinquième chapitre, ce dont nous avons besoin. Et il conclut :


« L’expérience de ces 100 dernières années a démontré qu’il est difficile pour le Liban d’être le 'pays-message' sans adopter le régime de la neutralité ». « Nous appelons les communautés arabe et internationale à comprendre les raisons qui poussent la majorité des Libanais à adopter le système de neutralité active ; comme nous appelons l'ONU et les pays concernés à trouver une solution à la question des réfugiés palestiniens et des déplacés syriens ».


« De par son système démocratique et libéral et ses caractéristiques de diversité religieuse et culturelle consacrée par la Constitution et le Pacte national, et de par sa position géographique entre l'Orient et l'Europe, le Liban a un rôle à jouer dans le renforcement de la paix et de la stabilité dans la région, la défense de la liberté des peuples, la médiation entre les pays arabes de manière à être un espace de dialogue entre les religions, les cultures et les civilisations ».


Nous croyons fermement que le Liban, Pays-Message, le redeviendra par la volonté de ses fils les Libanais et l’aide de tous nos amis à travers le monde, et en tête le Vatican et la France.



  • Père Mounir Khairallah

Evêque de Batroun

Publié le 14/08/2020

hommage aux victimes de la tragédie, pour crier leur colère « contre le crime du siècle » et réclamer la chute des dirigeants.

Lettre aux Amis – 13 août 2020



Mardi 11 août


Tôt le matin, je pars avec les prêtres du diocèse pour une journée spirituelle dans la Vallée sainte de Qanoubine, au monastère de Saint Antoine de Kozhaya. C’était une journée décidée depuis longtemps, et nous n’avons pas voulu la remettre. Au contraire nous avions besoin d’un recul et d’une plongée dans nos racines spirituelles et érémitiques en ces temps difficiles.


J’avais demandé à l’ermite Père Youhanna Khawand de nous prêcher cette halte.


Arrivés sur place, et dans le calme de la vallée sainte, nous avons commencé par la prière du matin dans la chapelle.


Puis l’ermite, Père Khawand bibliste, nous a entretenus sur Marie dans le Nouveau Testament et les qualités qui ont caractérisé sa vie, à la veille de la fête de l’Assomption.


« En cette période de haute tension que nous vivons au Liban, a-t-il dit, et que je qualifie de douleurs de l’enfantement, nous n’avons de meilleur exemple que celui de Marie ». Et il est parti dans une lecture tout à fait nouvelle dans sa simplicité et sa profondeur de la vie de Marie qui a su dire oui à la volonté de Dieu dès le premier signe qui lui est venu de l’Ange Gabriel jusqu’à la mort et la résurrection de son Fils Jésus Christ, et l’accompagnement de la Première Eglise jusqu’à sa dormition.


Une longue discussion a suivi, puis un temps de méditation à la chapelle.


Nous avons ensuite célébré l’Eucharistie à l’intention de notre diocèse, de notre Eglise, de notre peuple, et des victimes, des blessés et des sinistrés de la double explosion de Beyrouth.


Le supérieur nous a invités à déjeuner. Et nous sommes rentrés dans l’après-midi avec une réserve d’oxygène spirituelle pour poursuivre notre mission auprès de notre peuple dans le courage et l’espérance.



Revenant à la situation de Beyrouth et du Liban, une semaine jour pour jour après la catastrophe de la double explosion du port de Beyrouth, je peux dire, d’un côté, que la colère des Libanais ne fait qu’augmenter, et de l’autre, que la classe politique semble toujours apathique et insensible aux conséquences catastrophiques de la tragédie sur la population.


Des centaines de Libanais se sont rassemblés vers 18h00 face au port pour rendre hommage aux victimes de la tragédie, pour crier leur colère « contre le crime du siècle » et réclamer la chute des dirigeants. Ils ont observé une minute de silence, à l'heure exacte de la seconde déflagration, alors que dans la ville de Beyrouth les églises sonnaient leurs cloches et les mosquées lançaient des appels à la prière. Puis, bougies allumées, ils se sont ensuite dirigés vers la place des Martyrs pour rejoindre des milliers de manifestants venus de toute part du Liban.


De l’autre côté, les responsables politiques ne semblent pas conscients de l’ampleur des crises que traverse le pays, ni des conséquences de la catastrophe. Et loin d’avoir compris le message adressé par la rue en colère au cours des derniers jours, ils ne sont pas pressés de faciliter la formation d’un nouveau gouvernement.


L’espoir des Libanais reste cependant accroché à l’initiative du président Macron.



En ce qui me concerne, je crois que le président Macron est conscient que la France est l’interlocuteur, et je dirais peut-être le seul, à pouvoir traiter avec toutes les parties. D’abord avec les Puissances internationales, comme les Etats-Unis, la Russie, l’Europe, la Chine, et ensuite avec les parties régionales, comme l’Iran, l’Arabie Saoudite, la Syrie et Israël, et aussi avec les parties libanaises. La France est la seule à pouvoir réunir le Hezbollah, le Mouvement Amal, le Courant Patriotique libre, le Courant du Futur, le Courant des Marada, la Rencontre démocratique, les Forces libanaises, les Kataëb, le PSNS, etc… autour de la même table. C’est ce que le président Macron a fait à Beyrouth lors de sa visite le jeudi 6 août.



Mercredi 12 août 2020


Concernant les chiffres des conséquences de la catastrophe, on avance aujourd’hui les chiffres de 171 morts et 6.000 blessés ; il reste encore 30 disparus. Les pertes sont estimées à 15 milliards de dollars !


Du côté de la France, on annonce que le président Emmanuel Macron, lors d'un entretien téléphonique avec le président iranien Hassan Rohani, « a mis en garde, contre toute interférence extérieure au Liban », en tappelant « la nécessité, pour toutes les puissances concernées, d'éviter toute escalade des tensions, ainsi que toute interférence extérieure et de soutenir la mise en place d'un gouvernement de mission en charge de gérer l'urgence ». M. Macron a également souligné « l'urgence d'agir dans le cadre mis en place par les Nations Unies lors de la Conférence internationale de soutien et d'appui à Beyrouth et au peuple libanais ».


Le président Macron a également évoqué le dossier libanais dans un entretien téléphonique avec son homologue russe M. Vladimir Poutine en soulignant « l'importance pour les membres permanents du Conseil de sécurité de l'ONU de travailler ensemble à l'apaisement dans l'intérêt de la stabilité du Liban et de toute la région, et de soutenir la mise en place d'un gouvernement de mission ». Et il « a sollicité la participation de la Russie au mécanisme mis en place lors de la Conférence internationale de soutien à Beyrouth et au peuple libanais ».


Je dois signaler que le petit comité issu de la « Cellule de la Charité », présidé par le vicaire général Mgr Pierre Tanios, s’est rendu à Beyrouth pour une rencontre de coordination de la campagne de la charité avec S. Exc. Mgr Paul Abdessater. Ils sont rentrés satisfaits des mesures prises par le diocèse de Beyrouth et forts d’un plan de travail que nous exécuterons, nous diocèse de Batroun avec les municipalités et les élus locaux du département, dans le cadre de la paroisse de Saint Antoine de Gemmayzé.


Entre temps, le virus Corona Covid 19 continue de faire des ravages au Liban en battant tous les records depuis le 25 février. En une semaine, du 6 au 13 août, on a signalé 2.290 cas !


D’un autre côté, et contrairement à toutes les attentes, après la démission du gouvernement, le dollar américain a marqué une baisse sur le marché noir : 1 dollar valait le 5 août 8.500 L.L. ; Le 10 août, il était à 7.500 L.L. ; Le 12 août, à 6.900 L.L. ; le 13 août à 5.700 L.L. ! Ce qui a porté les bureaux de change à fermer leurs portes. Faut-il encore une preuve de plus pour confirmer que le pays est tenu par des mafias ?




Jeudi 13 août 2020


La première information de ce jeudi nous vient du Parlement qui s’est réuni en séance exceptionnelle, qui a duré un peu plus d'une heure, et qui était prévue initialement pour questionner le gouvernement sur la catastrophe de Beyrouth. Elle a été consacrée à entériner l'état d'urgence à Beyrouth décrété après la double explosion du port, et les démissions de huit députés (celles des trois députés Kataëb, Samy Gemayel, Nadim Gemayel et Élias Hankache, de la députée indépendante Paula Yacoubian, ainsi que celle des députés de Zghorta Michel Moawad, du Kesrouan, Nehmat Frem, de Aley, Henri Hélou et du Chouf Marwan Hamadé affiliés à la Rencontre démocratique de Walid Joumblatt).


La question des démissions avait été posée, dès hier, par Dr Samir Geagea, pour les députés des Forces libanaises, qui avait tenté de convaincre les députés de Saad Hariri et de Walid Joumblatt. Mais sans succès. Ce qui l’a porté en matinée à retirer les démissions, « pour ne pas laisser la place libre aux députés du pouvoir d’enfoncer encore plus le pays dans la faillite », a-t-il expliqué.



La deuxième information nous vient de la visite à Beyrouth du Secrétaire d’État adjoint américain pour les affaires politiques, David Hale, et la ministre française des Armées, Florence Parly. Les deux visiteurs de marque se sont notamment rendus, séparément, sur les lieux de l’explosion, puis dans les quartiers dévastés de Gemmayzé et de Mar Mikhaël pour constater les dégâts.


M. Hale a annoncé que le Federal Bureau Investigation (FBI) allait se joindre aux enquêteurs libanais et internationaux, « à l'invitation des libanais, pour aider à répondre aux questions que tout le monde se pose sur les circonstances qui ont mené à l'explosion ». M. Hale devrait s'entretenir demain avec les responsables libanais pour leur demander « de mettre en œuvre les réformes nécessaires au déblocage de toute aide internationale structurelle ».


Il semble que l’initiative de la France entraîne une dynamique diplomatico-politique occidentale qui se met en place.



A la fin de cette journée, je reviens à méditer ce passage de l’évangile de ce matin :


« Et vous, ne cherchez pas ce que vous mangerez ni ce que vous boirez, et ne vous tourmentez pas. Tout cela, les païens de ce monde le recherchent sans répit, mais vous, votre Père sait que vous en avez besoin. Cherchez plutôt son Royaume, et cela vous sera donné par surcroît. Sois sans crainte, petit troupeau, car votre Père a trouvé bon de vous donner le Royaume » (Luc 12, 29-32).


Notre petit troupeau a confiance en Celui qui le guide, et porte l’espérance de renaître après les douleurs de l’enfantement.



  • Père Mounir Khairallah

Evêque de Batroun  

Publié le 11/08/2020

QUE DIEU PROTEGE LE LIBAN! Les Libanais sont épuisés et tremblent...

Dimanche 9 août 2020


Très chers amis,


17h00 : Le président Emmanuel Macron avait promis à Beyrouth le 6 août ; il a tenu parole le dimanche 9 août. Quelle rapidité et quelle efficacité !


M. Macron et M. Antonio Guterres Secrétaire général de l’ONU ont appelé et tenu effectivement à 15h00, heure du Liban, une « Visioconférence de soutien pour la population du Liban », à laquelle ont participé une trentaine de pays amis du Liban, dont le président Donald Trump pour les Etats-Unis, la présidente de la Commission européenne Mme Ursula Von Leyen, L’émir du Qatar cheikh Tamim Ben Hamad al-Thani, et bien d’autres.


L'aide d'urgence « engagée ou mobilisable à brève échéance est de 252,7 millions d'euros, dont 30 millions d'euros de la part de la France », a annoncé l’Elysée.


« Les participants ont convenu que leur assistance devrait (...) être bien coordonnée sous l'égide des Nations Unies et fournie directement à la population libanaise, avec le maximum d'efficacité et de transparence ». Ils ont aussi insisté sur la nécessité d'une « enquête impartiale, crédible et indépendante sur les circonstances de la catastrophe et proposé une assistance aux autorités libanaises en ce sens ».


L'ONU a chiffré à 85 millions de dollars le coût des seuls besoins de santé. « L'objectif immédiat est de pourvoir aux besoins d'urgence du Liban, à des conditions qui permettent que l'aide aille directement à la population », a expliqué l'Élysée, en visant « la consolidation des bâtiments endommagés, l'aide médicale d'urgence, l'aide alimentaire et la restauration des hôpitaux et écoles ». « La méthodologie est celle que les organisations internationales utilisent. Il y a une nécessité qu'on ne fasse pas de chèque en blanc au gouvernement libanais ».


Le président libanais Michel Aoun, qui prenait part à la conférence, a appelé à « un acheminement rapide des aides au Liban pour la reconstruction de Beyrouth ». II a tenu à « remercier le président français et le secrétaire général de l'ONU pour l'organisation de cette conférence après la catastrophe qui a frappé notre capitale ». Il a rappelé que « ce drame était survenu alors que le pays traverse déjà des crises économique et financière, en sus de la crise des réfugiés syriens et des répercussions de la pandémie de coronavirus », soulignant « l'importance d'une solidarité internationale rapide ». « La reconstruction de ce qui a été détruit et les travaux nécessaires pour redonner son éclat à Beyrouth nécessitent beaucoup de choses et les besoins sont très nombreux. Les réponses à ces besoins doivent être envoyées le plus rapidement possible, avant l'hiver, au cours duquel les souffrances des citoyens risquent d'augmenter, surtout ceux qui n'ont plus de domicile ».



Quant à Sa Béatitude le Patriarche Raï, il a été très dur envers les responsables politiques dans son homélie dominicale :


« Les explosions dans le port de Beyrouth sont une catastrophe qui a secoué le monde entier ». Qualifiant l'explosion de « crime contre l'humanité », il a appelé au lancement « d'une enquête internationale sur les causes obscures de ce drame, et notamment les raisons pour lesquelles 2.750 tonnes de nitrate d'ammonium étaient stockées dans un hangar du port ». Il a encore réclamé que « tous les responsables de ce massacre soient traduits en justice ». Il a par ailleurs salué « du fond du cœur toutes les organisations, associations et personnes qui se sont mobilisées pour venir en aide aux sinistrés et déblayer les rues de la capitale ». Ces « jeunes de la révolution civilisée sont le futur prometteur du Liban ». Il a salué « l'initiative lancée par le président français, Emmanuel Macron, et le Secrétaire général des Nations Unies, Antonio Guterres, qui ont invité à une conférence internationale de donateurs cet après-midi, afin de soutenir le Liban en mobilisant des aides à la reconstruction, des vivres, du matériel médical et un soutien à l'éducation ».


Sa Béatitude a réclamé « des décisions courageuses » de la part des dirigeants. « La démission d'un député par-ci et d'un ministre par-là ne suffit pas » ; Invitant les responsables à faire preuve d'empathie avec les Libanais, il a appelé « le gouvernement à démissionner s'il n'est pas capable d'assurer la renaissance du pays ». Il a aussi réclamé « le départ du Parlement devenu incapable de faire son travail », souhaitant « des élections législatives anticipées ».



A midi, Sa Sainteté le pape François est revenu à la catastrophe du Liban en adressant un message plein de tendresse et d’encouragement pour le Liban et les Libanais :


« En ces jours-ci, ma pensée se tourne souvent au Liban. Je vois un drapeau libanais sur la place. Il y a un groupe de Libanais sur la place. La catastrophe du mardi dernier nous rappelle tous comment font les Libanais pour collaborer au bien commun de ce pays très cher.


Le Liban a une identité particulière, fruit de rencontre de plusieurs cultures, qui a fleuri au cours des temps, comme un modèle du vivre ensemble. Cette convivialité est très fragile en ce moment, on le sait.


Je prie pour qu’avec l’aide de Dieu et la participation de tous puisse renaître un Liban plus libre et plus fort. J’invite l’Eglise au Liban à être proche au peuple en ce calvaire qu’il traverse, comme elle le fait ces jours-ci, avec solidarité et compassion, avec le cœur et les mains ouverts au partage. En outre j’appelle à l’aide généreuse de la part de la communauté internationale.


S’il vous plaît, je demande aux Evêques, aux prêtres et tous les religieux du Liban, qu’ils soient proches du peuple avec un style de vie avec l’empreinte de la pauvreté évangélique sans luxe, car votre peuple est dans la souffrance et souffre beaucoup ».


En outre, Sa Sainteté a décidé d’envoyer un don de 250.000 Euros d’aide au Liban.



23h00 : Les manifestations qui avaient repris ce dimanche au centre-ville réclamant le départ de toute la classe politique, et qui ont connu de nouveau le débordement de quelques réfractaires comme hier soir en cassant et brûlant, se sont calmées.


Il faut noter que la ministre de l’Information Manal Abdessamad a présenté sa démission du gouvernement. D’autres ministres voulaient la suivre, tels Damianos Kattar et Raoul Nehmé, mais ils ont été prié par le Premier ministre d’attendre jusqu’à demain, réunion du Conseil des ministres.


Le député de Zghorta Michel Moawad a présenté sa démission, ainsi que le député Neemat Frem qui l’a présenté depuis Dimane après un entretien avec le patriarche Raï.


Samedi, les trois députés du parti Kataëb, avaient annoncé leur départ de la Chambre, ainsi que la députée Paula Yacoubian, issue de la société civile. Mercredi, au lendemain de la catastrophe, le député Marwan Hamadé, du bloc socialiste de Walid Joumblatt, avait déjà annoncé sa démission.



Lundi 10 août 2020


11h50 : J’ai été à Batroun pour prendre part à l’accueil populaire de la dépouille du caporal Estéphan Rouhana, 26 ans, de la Brigade marine du Port de Beyrouth, succombé aux explosions de mardi. La procession a traversé les rues de Batroun, avec la présence massive de militaires camarades d’Estéphan, avant d’arriver à la cathédrale sainte Etienne où j’ai présidé la cérémonie des obsèques. Dans mon homélie, j’ai interpellé les responsables politiques en leur disant : « Dieu vous aime, vous aussi. Ayez le courage de vous repentir avant que ce ne soit trop tard, et de dire avec Zachée : Eh bien, Seigneur, nous faisons don aux pauvres de notre peuple de la moitié de nos biens et, si nous avons fait tort à quelqu’un, nous lui rendons le quadruple. Vous serez alors sauvés ».


16h00 : J’ai présidé la réunion extraordinaire de la « Cellule de Charité » dans le diocèse (qui réunit les responsables des associations et mouvements d’Eglise travaillant dans le domaine du service social, dont la Caritas diocésaine et la Conférence de Saint Vincent de Paul), pour mettre au point une action de secours pour Beyrouth. Il y avait aussi le petit comité représentant l’Union des municipalités du département de Batroun et l’Union des élus locaux, qui veulent collaborer à notre campagne de charité ; et ce n’est pas la première fois que nous travaillons ensemble au service de nos frères et sœurs. Ils veulent tous se donner à l’action charitable « sous l’égide de l’Evêque ».


Nous avons convenu que je contacte l’archevêque de Beyrouth S. Exc. Mgr Paul Abdessater pour lui proposer de prendre en charge une paroisse, qui pourrait être celle de Saint Antoine à Gemmayzé, le quartier le plus détruit, où j’étais avec mes jeunes vendredi dernier (qui y sont toujours), et de dresser une tente qu’on appellerait « Tente Batrounienne de la Charité ». Un grand nombre de nos jeunes, surtout des architectes, des techniciens et des ouvriers du bâtiment, sont déjà prêts à se porter volontaires pour aller assurer une permanence à long terme pour une mission humanitaire et porter toute aide nécessaire aux habitants.


A la fin de la réunion j’appelle Mgr Abdessater pour lui annoncer le projet. Profondément ému, il me dit : « c’est une première ». Et il accepte volontiers la paroisse de Saint Antoine, surtout que le curé, Père Dany Jalkh, est le camarade de promotion de notre Vicaire général Mgr Pierre Tanios, et qu’un bon nombre de Batrouniens habitent ce quartier. J’ai pris alors rendez-vous avec lui, mercredi matin, pour le petit comité issu de la Cellule de Charité.



19h32 : Après une série de démissions de ses ministres dans la journée (Damianos Kattar, Raoul Nehmé, Zeina Abi Acar Vice-Premier ministre), le Premier ministre, Hassan Diab, annonce sa démission en direct à la télévision dans une allocution employant des mots très dure contre la classe politique corrompue ; (la traduction est de l’Orient-Le Jour) :


« Nous sommes toujours sous le choc de la tragédie qui a frappé le Liban. Ce désastre qui a frappé les Libanais au cœur, est le produit d'une corruption endémique au sein de l'Etat. Ce système est profondément enraciné, et je me suis rendu compte qu'il est plus grand que l'Etat qui, les mains liés, n'a pas réussi à le combattre ou à s'en débarrasser ». « Une des nombreuses manifestations de la corruption a explosé dans le port de Beyrouth, et la calamité s'est abattue sur le Liban ; mais les cas de corruption sont répandus dans le paysage politique et administratif du pays ». « La classe politique menace la vie des gens, falsifie les faits, survit grâce aux séditions et exploite le sang des Libanais ».


« L'ampleur de la tragédie est indescriptible, mais certains ne s'en préoccupent pas. Ils vivent dans un autre temps. Ils veulent juste marquer des points politiques, prononcer des discours populistes et détruire ce qui reste de l'Etat. Ils auraient dû avoir honte d'eux car cette catastrophe est le produit de leur corruption, et Dieu sait combien de catastrophes se cachent derrière leur corruption. Ils n'ont rien compris à la révolution du 17 octobre ».


« Il faut les changer car ils sont la véritable catastrophe du pays. Les opposants au gouvernement ont tenté de faire porter au cabinet la responsabilité de l'effondrement économique et de la dette ». « Nous avons combattu avec honneur, mais nous étions seuls face à eux. Ils ont utilisé toutes les armes en leur possession, comme la falsification de la vérité ».


« Mais ce gouvernement n'a épargné aucun effort pour dessiner une feuille de route qui pourrait sauver le pays. Tous ses ministres ont fait de leur mieux, sans intérêt personnel. Tout ce qui nous importait, c'était de sauver le pays. Nous avons été la cible de nombreuses insultes, mais nous avons refusé d'entrer dans des polémiques car nous voulions travailler ». « Mais cette bataille est inégale. Nous étions seuls et ils étaient tous contre nous. Ils ont utilisé toutes leurs armes, déformé les faits, falsifié les preuves, lancé des rumeurs, menti aux gens (...) Ils savaient que nous représentons une menace pour eux, et que le succès de ce gouvernement signifie un réel changement au niveau de la classe dirigeante de longue date ». « Nous voilà aujourd'hui, avec ce séisme qui a frappé le pays. Notre principale préoccupation est de traiter ses conséquences et mener rapidement l'enquête pour déterminer les responsabilités de chacun. Nous sommes aux côtés de ceux qui réclament que les responsables de ce crime soient traduits en justice ». « Nous faisons un pas en arrière pour mener la bataille du changement avec les gens. C'est pour cela que j'annonce aujourd'hui la démission de ce gouvernement. Que Dieu protège le Liban. Vive le Liban ! ».


M. Diab s'est rendu au palais de Baabda pour présenter officiellement la démission de son cabinet au président Michel Aoun, qui l'a accepté, et qui a chargé le gouvernement d'expédier les affaires courantes.


Entre temps, la démission du gouvernement n’a pas satisfait le mouvement de protestation populaire. Les manifestations dans le centre-ville ont même redoublé de violence. Des heurts se déroulaient aux abords du Parlement où certains cherchaient de forcer les barrages de la police et de l’armée pour entrer dans l’enceinte du Parlement. Les manifestants réclament le départ de toute la classe politique, et la démission des députés à l’instar de celle des ministres.



On ne sait pas ce qui nous attend ! Mais nous restons confiants qu’un changement profond est en train de se faire, et que tout enfantement est accompagné de douleurs, comme nous dit Jésus : « Lorsque la femme enfante, elle est dans l’affliction puisque son heure est venue ; mais lorsqu’elle a donné le jour à l’enfant, elle ne se souvient plus de son accablement ; elle est toute à la joie d’avoir mis un homme au monde » (Jn. 16, 21). Oui, un Liban nouveau renaîtra, nous disait hier le Pape François.


  • Père Mounir Khairallah

Evêque de Batroun ​

Publié le 09/08/2020

AMIS FRANÇAIS MERCI DE FAIRE RENAÎTRE LE LIBAN AVEC NOUS...

Lettre aux Amis


Samedi 8 août 2020



20h00 : De grandes manifestations ont lieu au centre-ville de Beyrouth depuis 16h00. Des dizaines de milliers de Libanais sont descendus dans le cœur de Beyrouth, déjà ensanglanté. C’est la « Révolution du 17 octobre » qui reprend son élan. Certains manifestants ont même tourné à la violence et à la casse. Les révolutionnaires ont occupé le Ministère des Affaires étrangères, puis le Ministère de l’Economie, puis le siège de l'Association des banques du Liban, puis le Ministère de l'Environnement, puis celui de l'Energie. Et ils ont l’intention de continuer …


Le déclic a été donné par le président français M. Emmanuel Macron qui avait déclaré clairement et franchement, lors de sa visite de quelques heures au Liban : « C’est le temps des responsabilités aujourd’hui pour le Liban et pour ses dirigeants » ! L’objectif de ce voyage éclair était celui du « soutien au peuple libanais, à un Liban libre, fier et souverain ».


M. Macron était arrivé jeudi 6 août, fête de la Transfiguration, vers midi à l’aéroport de Beyrouth. Accueilli par son homologue libanais le général Michel Aoun, il avait déclaré : « La France ne laissera pas le Liban seul face à cette catastrophe ».


Il est parti rapidement sur le site des explosions au Port ; puis il a effectué une tournée à pied dans les quartiers ravagés de Gemmayzé et Mar Mikhaël où il a pu observer la destruction et l’immense détresse et colère de la population, qui l’a acclamé et lui a demandé « d’aider la Révolution à évincer la classe politique corrompue ». Il s’est permis un bain de foule, comme il sait et il aime faire, prenant le temps de discuter avec les gens et répondant même à leurs questions et doléances.


Il s’est rendu ensuite au palais présidentiel de Baabda où il a rencontré le président Aoun, le président du Parlement M. Nabih Berry et le Premier ministre M. Hassan Diab. Une réunion austère ! A sa sortie M. Macron s’est contenté de déclarer : "Je suis ici pour affirmer la solidarité des Français après les explosions du 4 août. Je suis aussi venu dire et apporter le soutien de la nation française et du peuple français au peuple libanais" (en insistant sur le mot peuple).


Il est enfin descendu à la Résidence des Pins à Beyrouth où il tenu une série de réunions avec les chefs de partis et blocs parlementaires ainsi qu'avec des représentants de la société civile. Et il a terminé par une conférence de presse « claire et franche » et sans faute, avec la fermeté et la diplomatie « sans aucune complaisance ni aucune ingérence ».


Quant au programme qu’il proposé, le voici selon les points essentiels de sa conférence de presse :


1- L’aide en urgence


« La France n'abandonnera jamais les Libanais et les Libanaises ». « L'urgence, c'est d'abord et avant tout l'aide ». Il a tenu à adresser ses condoléances à toutes les familles touchées par cette catastrophe ; et parmi les victimes figurent un tué et au moins « une cinquantaine de Françaises et de Français ».


2- Une Conférence internationale d’appui à Beyrouth et au Liban


« Dans les tout prochains jours, nous organiserons une conférence internationale de soutien et d'appui à Beyrouth et à la population libanaise afin de mobiliser des financements internationaux, des Européens, des Américains, tous les pays de la région et au delà, afin de fournir des médicaments, des soins, de la nourriture ». « Nous mettrons aussi en place une gouvernance claire et transparente pour que l'ensemble de cette aide (...) soit directement acheminée aux populations, aux ONG, aux équipes sur le terrain qui en ont besoin, sans qu'aucune opacité, aucun détournement ne soit possible. Les Nations unies et la Banque mondiale joueront un rôle essentiel en la matière ».


3- Une refondation, un nouveau pacte, un ordre politique nouveau dans les prochaines semaines ; aux Libanais de le décider et de faire le changement


« C'est le temps des responsabilités aujourd'hui pour le Liban et pour ses dirigeants. Je ne peux me substituer aux responsabilités d’un gouvernement souverainement élu, d’un président souverainement élu. Leur responsabilité est immense. C'est celle d'une refondation, d'un nouveau pacte avec les Libanais dans les prochaines semaines. Ce changement profond, c'est celui qui est attendu. Les forces politiques libanaises ont aujourd'hui une démonstration à faire : celle de leur capacité à y répondre. Je le dis avec beaucoup d'humilité et beaucoup d'exigence ». « Il faut rebâtir la confiance (...) mais elle suppose une refondation d'un ordre politique nouveau où chacun, au-delà des divisions dans lesquelles il s'est réfugié, d'un confessionnalisme qui a été parfois capturé, d'un système qui a été lui aussi capturé par une corruption organisée, d'avoir la force de rebâtir une union nationale pour mener les réformes indispensables dont les Libanaises et les Libanais ont besoin »..


« La France ne signera pas de chèques en blanc à des systèmes qui ont perdu la confiance de leur peuple ». « Ce n'est pas à moi de désigner qui est légitime et qui ne l'est pas, ce n'est pas à moi de recomposer la vie politique libanaise. Nous sommes là pour vous soutenir, mais c’est à vous de décider pour votre pays. Ce n'est pas à un président français d'écrire votre histoire ».


4- Retour au Liban le 1er septembre pour faire le point


« J'ai été franc, direct, sincère (en référence aux différentes réunions qu'il a tenues avec les responsables politiques). J'attends des autorités libanaises des réponses claires sur leurs engagements. Je les en crois capables ». « Je ne ferais preuve d'aucune complaisance, ni d'aucune ingérence ». « Je serai de retour le 1er septembre pour marquer le centenaire de la naissance du Liban, mais aussi faire un point d'étape sur l'indispensable sursaut » (attendu des responsables). « Il y a des mesures à court-terme qui sont possibles et qui doivent être lancées le plus rapidement possible ».


Il termine par un coup de cœur : « N'oubliez pas qu'il y a en Europe un peuple, le peuple français, dont le cœur bat au rythme de celui du Liban ». Et de conclure, en arabe, « Liban, je t'aime ».



J’ose espérer que la visite du président Macron, en plus de la colère du peuple après la catastrophe abominable contre la classe dirigeante corrompue, redonneront du souffle à la « Révolution du 17 octobre » et encourageront les Libanais à réclamer tout haut leur droit à avoir enfin un Etat de droit et une gouvernance transparente et efficace pour le changement profond et les réformes tant attendues.



Pour revenir à la situation sur le terrain, on compte ce soir 158 martyrs, 6.000 blessés, 60 disparus, et 300.000 sans-abri.


Notre diocèse de Batroun a sa part de martyrs : une maman de 40 ans, un militaire de 38 ans, une dame de 60 ans, et un employé dans les silos de blé de 42 ans. Une trentaine de blessés, dont le général Tony Salloum commandant la base militaire du port de Beyrouth qui a « échappé par miracle », m’a-t-il raconté. Des hommes d’affaires, des banquiers et des architectes, des propriétaires, ont perdu leurs bureaux ou leurs domiciles.



22h45 : Les manifestants qui occupaient les ministères se sont retirés après l’intervention de l’armée.



Je ne peux terminer ma lettre de ce jour sans rappeler que Sa Sainteté le Pape François a prié, mercredi 5 août à l’issue de l’audience générale, spécialement pour le Liban en disant :


« Hier, à Beyrouth, dans la zone du port, de très fortes explosions ont causé des dizaines de morts et des milliers de blessés, ainsi que de nombreuses graves destructions. Prions pour les victimes et pour leurs familles; et prions pour le Liban, afin qu'avec l'engagement de toutes ses composantes sociales, politiques et religieuses, il puisse affronter ce moment si tragique et douloureux et, avec l'aide de la communauté internationale, surmonter la grave crise qu'il est en train de traverser ».


Et dans l’après-midi, il a été à la basilique Sainte Marie Majeure où il y a prié particulièrement pour le Liban en le confiant à la Très Sainte Vierge Marie.


Je n’oublie pas aussi l’appel lancé par la prestigieuse « Oeuvre d’Orient », présente au Liban depuis 1860, et par son Directeur Mgr Pascal Gollnisch pour l’aide à la population de Beyrouth et du Liban.


J’étais en train de lire avant-hier les détails de l’arrivée, au port de Beyrouth, de la frégate française commandée par le général d’Hautpoul, après la décision des Sept Puissances européennes de l’époque de charger Napoléon III de venir au secours du Liban après les massacres de 1860, et l’œuvre d’Orient était sur les lieux avec son directeur Mgr (cardinal) Lavigerie. D’Hautpoul avait dit : « Nous arrivons en retard ! Notre mission sera celle d’enterrer les morts ?! ». Mais enfin, la France et les pays européens avaient aidé le Liban à renaître.


La journée du jeudi a été consacrée à la prière et à l’adoration dans toutes les paroisses du diocèse de Batroun, comme je l’avais demandé mercredi.


La journée d’aujourd’hui a été consacrée au jeûne, à la prière et à la pénitence, comme nous avons demandé dans notre appel de mercredi, nous Evêques maronites.


C’est, en effet, la prière qui nous sauvera avec notre volonté de nous unir dans ces circonstances désastreuses pour reconstruire notre pays.


Oui, nous le croyons, disent nos jeunes, des décombres un nouveau Liban renaîtra !



Samedi 8 août 2020


  • Père Mounir Khairallah

Evêque de Batroun


Publié le 09/08/2020

NOTRE CŒUR EST ENSANGLANTÉ...

Prot. N°68/2020 Vendredi 07/08/2020


Lettre aux Amis Vendredi 7 août 2020


Très chers amis Je suis à Beyrouth, ville ensanglantée, et sur la scène de la catastrophe, depuis le matin, avec plus de cent jeunes du diocèse, pour nous tenir aux côtés de mon confrère Mgr Paul Abdessater, archevêque de Beyrouth, de ses prêtres et de son peuple et leur exprimer notre solidarité et notre proximité. 8h30 : Mgr Paul Abdessater nous accueille dans son archevêché dévasté par la double explosion de mardi 4 août, avec ses prêtres et les organisateurs des actions de secours. Des centaines d’autres jeunes nous rejoignent de tous les diocèses du Liban. Le responsable indique à nos jeunes les sites où ils doivent aller, en plusieurs groupes, pour aider les gens, dans leurs maisons et appartements, à déblayer les débris de verre, les remblais, les décombres, les éboulis… 8h45 : Les jeunes sont partis, selon les consignes, rejoindre leurs lieux de service.
Restant à l’évêché, Mgr Paul me fait visiter les lieux. Arrivés au quatrième étage, qui est juste en face du port, dans son bureau où tout a sauté, il me dit : « j’ai été sauvé par miracle. Regardez, je devais être là, mais j’ai senti quelqu’un me pousser à me déplacer juste quelques secondes avant la double explosion … ».
Je suis parti ensuite vers l’église historique prestigieuse de Saint Maroun au centre ville, non loin du port. Père Richard Abi Saleh, curé, à qui j’avais téléphoné mardi soir, m’accueille et me fait voir l’église délabrée. Les échafaudages sont déjà installés pour la restauration. Quel courage ! Les murs au-dessus du chœur doivent être consolidés. Puis il me fait visiter le presbytère très ancien ; il ne reste plus rien. Il me dit : « les architectes me recommandent de démolir ». Il suffit de regarder les photos que j’ai prises.
Mon émotion était au comble. Je demande une tasse de café. La secrétaire, toute désolée, me dit : « il n’y a plus de cuisine ; tout a sauté ! ». Mais elle finit par se débrouiller ; et nous avons eu notre café.
Pour continuer mon tour dans les rues de Gemmayzé et rejoindre mes jeunes, Père Richard me propose une moto avec son « chauffeur », car il était impossible d’entrer en voiture, tellement les rues étaient encore dévastées. Je commence mon tour en moto. J’ai le cœur serré en regardant de tous les côtés.
Des scènes qui ensanglantent le cœur : l’horreur, la désolation, la colère, la destruction partout, les rues entassées de remblais, de débris de verre, de centaines de voitures éventrées ou calcinées, des immeubles détruits ou sur le point de tomber …


Mais, également dans les rues et les immeubles, des milliers de jeunes venus de toutes les régions libanaises et de toutes appartenances confondues, dépassant tous les clivages confessionnels, religieux, ou politiques, et se donnant avec joie et enthousiasme à aider les propriétaires et les locataires des magasins, des appartements, ou des immeubles à remédier à leurs blessures et à déblayer ce qui reste de leurs domiciles. Ils sont le Liban de demain et la forte espérance de la résurrection et de la reconstruction ! « Abouna (Mon père), me dit le propriétaire de l’appartement d’un immeuble situé en face du port où un groupe de mes jeunes s’affairaient, ma famille est sauvée par miracle. Dieu soit loué ; mais une jeune fille de l’appartement en face est décédée, et les habitants de l’immeuble ont été blessés et ont tout perdu. Cependant, la présence de ces jeunes nous console, nous réconforte dans notre tragédie, nous encourage dans notre foi en Dieu et nous reconfirme dans notre volonté de reconstruire pour la ennième fois. Nous rendons grâce au Seigneur pour ces jeunes et pour la grande solidarité ! ».


En descendant, tout ému, je n’ai pas pu m’empêcher de dire ma colère et de me demander : Qu’attendent nos responsables de la classe politique corrompue, après cette horrible catastrophe, pour ouvrir grands leurs yeux, leurs oreilles et leurs cœurs, entendre les remords ou la torture de leurs consciences, se repentir et dire avec Zachée : « Eh bien, Seigneur, je fais don aux pauvres de la moitié de mes biens et, si j’ai fait tort à quelqu’un, je lui rends le quadruple » (Lc 19,8) ? Serait-ce possible ? Ils pourront alors accomplir leurs devoirs pour sauver les citoyens, l’Etat et la patrie.
Beyrouth est détruite et il ne reste plus grand-chose ! Le temps de demander des comptes et de juger les responsables est arrivé ; et aussi le temps du changement ! Nous gardons pourtant l’espérance que quelque chose changera. Le déclic a été donné par la visite historique, ô combien importante et symbolique, du Président français Emmanuel Macron au Liban hier qui a dit « clairement et en toute franchise » : « c’est le temps des responsabilités aujourd’hui pour le Liban et pour ses dirigeants ». Les jeunes y croient, et nous aussi, car Dieu n’abandonnera pas son peuple et Notre-Dame du Liban et nos saints nous portent par leur intercession. Nous comptons sur eux. De Beyrouth blessée, le vendredi 7 août 2020 + Père Mounir Khairallah Evêque de Batroun


P.S. 1- Pour voir les photos de notre aventure de ce jour, revenir au site du diocèse de Batroun : www.diocesebatroun.org ou la page Facebook du diocèse : Maronite Eparchy of Batroun 2- Je vous enverrai demain le rapport de la visite du Président Macron


Publié le 07/08/2020

URGENT: AIDEZ-NOUS A RECONSTRUIRE UN LIBAN MESSAGE DE CONVIVIALITE ET DE PARDON


Prot. N°67/2020


Jeudi 06/08/2020



Très chers amis,


Alors que j’étais en train de lire vos réponses à l’envoi de « Mon journal – Lettre aux amis » du 3 août, je suis, comme tous les Libanais, surpris et épouvanté de découvrir grâce aux Média une grande catastrophe !


Mardi 4 août, à 18h05 : on annonce une explosion qui a secoué tout Beyrouth provenant du port, suivie d’une autre deux secondes plus tard ! Je saute à la télévision pour découvrir l’horreur ; et même une vision apocalyptique de Beyrouth ! Les vidéos des deux explosions passées sur toutes les chaînes, vous avez dû les voir vous aussi, donnent l’impression de revoir les effets de la bombe atomique lancée en 1945 sur Hiroshima au japon ! La fumée noire, très noire couvre le ciel de Beyrouth, et le feu est toujours flambant. Tous les pompiers de la ville et de la région sont engagés et ne réussissent pas à éteindre ce feu.


Beyrouth est réduite aux décombres !  


18h40 : J’appelle mon confrère l’archevêque de Beyrouth, Mgr Paul Abdessater. Je réussis à lui parler après plusieurs tentatives. Il me dit la voix tremblante :


« Je suis sorti de l’archevêché, situé en haut du quartier Achrafié, détruit par les déflagrations des deux explosions. L’évêché est atteint de plein fouet : Nous n’avons pas de victimes, mais les dégâts sont énormes. Les murs sont tombés, les portes, les fenêtres, les chaises, les bureaux ont sauté ; les installations électriques, téléphoniques et sanitaires sont coupées. L’église de l’évêché est gravement endommagée ».


Il continue de me parler en marchant, comme si je vivais l’événement en direct :


« Je suis en train de faire mon tour dans les rues dévastées de la ville : les immeubles détruits ou éventrés, les blessés et peut-être des victimes sont jonchés dans les rues. Les gens crient au secours. C’est la désolation. L’hôpital Saint Georges des Orthodoxes à côté est détruit et l’on a fait appel à d’autres hôpitaux de venir prendre les 150 malades déjà hospitalisés. La cathédrale Saint Georges des Orthodoxes et la cathédrale Saint Georges des Maronites ainsi que l’église Saint Maroun du Centre ville et celle de Saint Antoine et d’autres, sont très gravement endommagés ».


Je le laisse, le cœur serré et les larmes aux yeux, en lui disant : « Nous sommes avec toi et avec ton peuple ; nous prions. Nous te confions à la Providence et à la tendresse de la très Sainte Vierge marie. Je vais contacter Sa Béatitude le Patriarche Raï qui demande de tes nouvelles et je vais envoyer un message au groupe des évêques pour leur donner de tes nouvelles ».


19h15 : Le Préfet de Beyrouth, le juge Marwan Abboud (qui est un grand ami, il est de Douma, département de Batroun), qui a pris ses fonctions il y a un peu plus de deux semaines, est le premier à arriver sur les lieux. Il est sur la scène des explosions dans le quartier du port. Il est sidéré par ce qu’il voit ; il essuie ses larmes en remarquant l’étendue des dégâts et déclare Beyrouth « ville sinistrée ».


Peu après arrivent sur les lieux les responsables militaires et politiques. Le ministre de l’Intérieur Mohalmmad Fahmi, puis le Directeur général de la Sûreté générale Abbas Ibrahim. Tous les deux expliquent que les explosions sont dues à « l’explosion dans le Dépôt N°12 du port de Beyrouth où étaient stockées depuis 2014 plus de 2.700 tonnes de nitrate d’ammonium », un produit hautement explosif. Nous ne sommes pas très convaincus étant donné que le nitrate n’est pas facilement explosible, à moins d’être à proximité d’un feu très puissant. D’autres avancent l’hypothèse d’un bombardement israélien du fameux Dépôt N°12 qui servait de dépôt d’armes pour le Hezbollah. Mais Israël n’a pas tardé à nier toute relation avec l’explosion de Beyrouth.


Le très connu bâtiment des silos de blé, jouxtant le dépôt N°12, est détruit complètement et pourtant l’on a toujours dit qu’il était construit avec du béton surarmé et donc indestructible ! L’immeuble de l’EDL, pourtant un peu loin, est devenu un squelette.


21h45 : On découvre en direct sur toutes les chaînes les dégâts, mais aussi des scènes effroyables de blessés courant de toute part dans les rues, et se précipitant vers les hôpitaux. Ils sont soignés sur le champ, car les hôpitaux, déjà endommagés, sont surchargés. On fait appel au don de sang. Les volontaires ne manquent pas. Des milliers de jeunes et de moins jeunes se portent volontaires pour transporter les blessés dans leurs voitures, ou sur les motos ! Oui sur les motos, ou bien pour aider à dégager des personnes coincées dans les décombres des immeubles. Le ministre de la Santé Hamad Hassan, en visite aux hôpitaux de Beyrouth, a déclaré : « C’est une catastrophe dans tous les sens du terme. Les hôpitaux de la capitale sont tous pleins de blessés. J’appelle à les transporter vers des établissements de la banlieue ». Et concernant le bilan provisoire, il parle de 100 morts et 2.500 blessés.


01h45 : je suis encore devant la télévision pour suivre en direct les scènes de désolation. Impossible de dormir.



Mercredi 5 août


Je me lève très tôt. A 7h00 : je célèbre la Messe à l’intention des victimes, des blessés des sans-abri et du Liban. Puis à 8h20 : j’envoie une circulaire aux prêtres de mon diocèse pour leur donner les consignes d’être prêts à donner de l’aide à tous ceux qui viennent de Beyrouth et à décréter une journée de prière et d’adoration demain jeudi 6 août fête de la Transfiguration.


A 9h00 : Je suis à Dimane, siège d’été du Patriarcat maronite, pour prendre part à la réunion des évêques présidée par Sa Béatitude le Patriarche Raï, qui avait déjà rédigé et envoyé un « Appel aux Etats du Monde » dans lequel il demande « une aide immédiate pour sauver Beyrouth ». Il dit notamment :


« Beyrouth est une ville dévastée. Une catastrophe s’y est abattue à cause de la mystérieuse explosion qui s’est produite dans son port. Beyrouth, la fiancée de l’Orient et le phare de l’Occident est blessée. C’est une scène de guerre sans guerre. Destruction et désolation dans toutes ses rues, ses quartiers, et ses maisons. Des dizaines de citoyens et citoyennes ont perdu la vie ; des milliers sont blessés ; des hôpitaux, des églises, des maisons, des institutions, des hôtels, des magasins, et des différents établissements publics et privés sont détruits. Des centaines de familles sont sans abris. Tout ceci arrive et l’Etat est dans une situation de faillite économique et financière qui le rend incapable de faire face à cette catastrophe humaine et urbaine ; et le peuple Libanais est aussi dans un état de pauvreté et d’indigence.


L’Eglise qui a mis en place un réseau de secours sur tout le territoire libanais, se trouve aujourd’hui devant un nouveau grand devoir dont elle est incapable à elle seule de l’assumer, tout en étant totalement solidaire avec les affligés, les familles des victimes, les blessés, et les déplacés qu’elle est prête à les accueillir dans ses institutions.


Au nom de l’Eglise au Liban, je remercie tous les Etats qui ont exprimé leur disponibilité pour aider Beyrouth, ville dévastée, et je m’adresse aux autres pays frères et amis, et aux grands Etats, ainsi qu’aux Nations Unies, pour se mobiliser pour apporter l’aide immédiate afin de sauver la ville de Beyrouth, sans aucune considération politique, parce que ce qui est arrivé est au-delà de la politique et des conflits. J’appelle aussi les organisations caritatives dans les différents pays à aider les familles libanaises, et beyrouthines en particulier, afin qu’elles puissent soigner leurs blessures et restaurer leurs maisons ».



Sa Béatitude commence la réunion par une prière bien particulière pour le Liban et les victimes de la catastrophe. Puis il nous présente l’ordre du jour de cette réunion que nous avons tous voulu consacrer à un seul point : comment pouvons-nous faire face à ce drame inattendu. Enfin le communiqué, déjà préparé, semble hors sujet. Sa Béatitude me charge d’écrire un nouveau texte centré sur le volet pastoral et humanitaire et présenté comme appel, et de le soumettre aux évêques. Ce que j’ai fait.


Pendant ce temps, un Conseil des ministres extraordinaire, présidé par le président de la république, est réuni au palais de Baabda.


Le Président de la république général Michel Aoun, ainsi que le Premier ministre Dr Hassan Diab, ont demandé l’ouverture d’une enquête sur la catastrophe de Beyrouth et ont affirmé « aller jusqu’au bout pour juger les coupables ».


Le ministre de la Santé, Dr Hamad Hassan, a donné un bilan, toujours provisoire, de la tragédie : 125 morts, 4.000 blessés, des dizaines de disparus, et 300.000 sans-abri !


Plusieurs chefs de pays amis du Liban à travers le monde ont déjà annoncé leur soutien au Liban. Les aides ont commencé à affluer vers l’aéroport de Beyrouth en provenance de la France, du Koweit, de l’Irak ; et d’autres arriveront de l’Arabie Saoudite, des Etats-Unis, de la Russie … arriveront bientôt. Le président français M. Emmanuel Macron a annoncé une visite surprise au Liban pour demain jeudi 6 août.




Voici la traduction du communiqué que j’ai lu à la presse à la suite de la réunion :


« Nous avons découvert avec stupéfaction la nouvelle de la terrible explosion qui a secoué la capitale Beyrouth hier soir, et nous avons suivi toute la nuit les détails de la catastrophe qui a causé des dizaines de victimes et des milliers de blessés, une destruction de maisons, d’institutions, d’hôpitaux, d’écoles, d’églises, de couvents, de lieux de prière, et a frappé de plein fouet les citoyens dans leurs propriétés et dans leurs vies. Nous avons été impressionnés par les scènes affreuses passées sur les moyens de communication sociale locales et internationales. Nous avons versé des larmes sur les victimes innocentes et les martyrs de la patrie déjà saignante sous le joug de la crise économique, sociale et vitale. Beyrouth est en ce moment occupée à remédier à ses blessures et essaie de se relever de ses cendres avec des citoyens attachés à la foi et à l’espérance de reconstruire un jour.



Nous ressentons avec les Libanais la tristesse de tout le pays et la souffrance de Beyrouth et de sa banlieue, car nous sommes tous Beyrouth, la capitale ouverte sur le monde, détruite à plusieurs reprises et ressuscitée de ses cendres pour rester le lieu de rencontre des civilisations, des cultures et des religions et la forteresse de la liberté et de la convivialité.


Nous proclamons notre solidarité avec nos frères et sœurs les fils et filles de Beyrouth et les Libanais, notamment les familles des victimes, les blessés, les souffrants, les sans-abri. Nous leur exprimons notre proximité, notre charité et notre fraternité humaine. Notre Eglise, avec ses clercs et ses fidèles, a toujours été pionnière dans le champ humanitaire et la première combattante pour les droits de l’homme, notamment la liberté et la dignité.



Pour incarner cette solidarité, nous déclarons que nous ouvrons nos évêchés, nos institutions et nos couvents, et nous mettons à disposition toutes nos moyens pour aider les sinistrés de la terrible catastrophe, les accueillir et s’occuper d’eux, notamment de leurs besoins urgents en nourriture et en médicaments, en collaboration avec Caritas Liban et les autres associations qui se chargent du service social. Les diocèses et les ordres religieux ont déjà annoncé mettre à la disposition des centres, des écoles et des couvents pour l’accueil des sinistrés.



Nous demandons en outre à nos enfants généreux de se porter au secours des sinistrés par tous les moyens disponibles pour les aider à se relever de leur détresse.


A l’occasion de la fête de la Transfiguration et de celle de l’Assomption, nous demandons aux prêtres et aux fidèles de consacrer une journée de jeûne, de prière et de conversion, le samedi 8 août, à l’intention du Liban ensanglanté. Nous prions ensemble pour le repos des âmes des martyrs et pour leurs familles, pour la guérison des blessés, pour les équipes médicales, les secouristes, les unités des Forces de sécurité intérieure et militaires, de la Défense civile et de la Croix Rouge ; et nous supplions le Seigneur, par l’intercession de la Très Sainte Vierge Marie et de nos saints, de nous procurer, ainsi qu’à nos responsables et concitoyens, le courage nécessaire pour nous repentir et renier nos intérêts personnels en faveur de l’intérêt national afin de reconstruire le Liban, pays de la liberté, de la fraternité et du droit. Nous sommes capables de le faire. Voilà notre espérance ».




A la fin de cette longue journée, et alors que Beyrouth continue de panser ses blessures, grâce à un mouvement extraordinaire de solidarité des Libanais – des milliers de jeunes libanais volontaires sont arrivés en effet dans la journée de toutes les régions du Liban – je peux dire en soupirant : avions-nous vraiment besoin de cette catastrophe pour bénéficier de l’aide internationale ? Nous savons que tout était bloqué à cause de la classe politique pourrie et des responsables faisant la sourde oreille aux appels de tous les pays amis pour initier les réformes. Vont-ils changer de comportement ? Vont-ils abandonner leur politique clientéliste ? Je ne suis pas sûr ! Mais je suis au moins sûr d’une chose : que nous Libanais - forts de notre histoire, de nos liens d’amitié avec tants de pays et de peuples à travers le monde, de notre foi, de notre espérance, de notre solidarité et de nos valeurs communes – nous sommes capables de reconstruire Beyrouth pour la ennième fois et de reconstruire notre cher Liban, comme nous le voulons à l’instar de nos pères, un Pays Message de liberté, de démocratie, de convivialité et du vivre ensemble et de respect des diversités.


5 août 2020


  • Père Mounir Khairallah

Evêque de Batroun

Publié le 07/08/2020

POUR UN LIBAN MESSAGE DE PAIX DE LIBERTE DE CONVIVIALITE


Prot. N°67/2020


Jeudi 06/08/2020



Très chers amis,


Alors que j’étais en train de lire vos réponses à l’envoi de « Mon journal – Lettre aux amis » du 3 août, je suis, comme tous les Libanais, surpris et épouvanté de découvrir grâce aux Média une grande catastrophe !


Mardi 4 août, à 18h05 : on annonce une explosion qui a secoué tout Beyrouth provenant du port, suivie d’une autre deux secondes plus tard ! Je saute à la télévision pour découvrir l’horreur ; et même une vision apocalyptique de Beyrouth ! Les vidéos des deux explosions passées sur toutes les chaînes, vous avez dû les voir vous aussi, donnent l’impression de revoir les effets de la bombe atomique lancée en 1945 sur Hiroshima au japon ! La fumée noire, très noire couvre le ciel de Beyrouth, et le feu est toujours flambant. Tous les pompiers de la ville et de la région sont engagés et ne réussissent pas à éteindre ce feu.


Beyrouth est réduite aux décombres !  


18h40 : J’appelle mon confrère l’archevêque de Beyrouth, Mgr Paul Abdessater. Je réussis à lui parler après plusieurs tentatives. Il me dit la voix tremblante :


« Je suis sorti de l’archevêché, situé en haut du quartier Achrafié, détruit par les déflagrations des deux explosions. L’évêché est atteint de plein fouet : Nous n’avons pas de victimes, mais les dégâts sont énormes. Les murs sont tombés, les portes, les fenêtres, les chaises, les bureaux ont sauté ; les installations électriques, téléphoniques et sanitaires sont coupées. L’église de l’évêché est gravement endommagée ».


Il continue de me parler en marchant, comme si je vivais l’événement en direct :


« Je suis en train de faire mon tour dans les rues dévastées de la ville : les immeubles détruits ou éventrés, les blessés et peut-être des victimes sont jonchés dans les rues. Les gens crient au secours. C’est la désolation. L’hôpital Saint Georges des Orthodoxes à côté est détruit et l’on a fait appel à d’autres hôpitaux de venir prendre les 150 malades déjà hospitalisés. La cathédrale Saint Georges des Orthodoxes et la cathédrale Saint Georges des Maronites ainsi que l’église Saint Maroun du Centre ville et celle de Saint Antoine et d’autres, sont très gravement endommagés ».


Je le laisse, le cœur serré et les larmes aux yeux, en lui disant : « Nous sommes avec toi et avec ton peuple ; nous prions. Nous te confions à la Providence et à la tendresse de la très Sainte Vierge marie. Je vais contacter Sa Béatitude le Patriarche Raï qui demande de tes nouvelles et je vais envoyer un message au groupe des évêques pour leur donner de tes nouvelles ».


19h15 : Le Préfet de Beyrouth, le juge Marwan Abboud (qui est un grand ami, il est de Douma, département de Batroun), qui a pris ses fonctions il y a un peu plus de deux semaines, est le premier à arriver sur les lieux. Il est sur la scène des explosions dans le quartier du port. Il est sidéré par ce qu’il voit ; il essuie ses larmes en remarquant l’étendue des dégâts et déclare Beyrouth « ville sinistrée ».


Peu après arrivent sur les lieux les responsables militaires et politiques. Le ministre de l’Intérieur Mohalmmad Fahmi, puis le Directeur général de la Sûreté générale Abbas Ibrahim. Tous les deux expliquent que les explosions sont dues à « l’explosion dans le Dépôt N°12 du port de Beyrouth où étaient stockées depuis 2014 plus de 2.700 tonnes de nitrate d’ammonium », un produit hautement explosif. Nous ne sommes pas très convaincus étant donné que le nitrate n’est pas facilement explosible, à moins d’être à proximité d’un feu très puissant. D’autres avancent l’hypothèse d’un bombardement israélien du fameux Dépôt N°12 qui servait de dépôt d’armes pour le Hezbollah. Mais Israël n’a pas tardé à nier toute relation avec l’explosion de Beyrouth.


Le très connu bâtiment des silos de blé, jouxtant le dépôt N°12, est détruit complètement et pourtant l’on a toujours dit qu’il était construit avec du béton surarmé et donc indestructible ! L’immeuble de l’EDL, pourtant un peu loin, est devenu un squelette.


21h45 : On découvre en direct sur toutes les chaînes les dégâts, mais aussi des scènes effroyables de blessés courant de toute part dans les rues, et se précipitant vers les hôpitaux. Ils sont soignés sur le champ, car les hôpitaux, déjà endommagés, sont surchargés. On fait appel au don de sang. Les volontaires ne manquent pas. Des milliers de jeunes et de moins jeunes se portent volontaires pour transporter les blessés dans leurs voitures, ou sur les motos ! Oui sur les motos, ou bien pour aider à dégager des personnes coincées dans les décombres des immeubles. Le ministre de la Santé Hamad Hassan, en visite aux hôpitaux de Beyrouth, a déclaré : « C’est une catastrophe dans tous les sens du terme. Les hôpitaux de la capitale sont tous pleins de blessés. J’appelle à les transporter vers des établissements de la banlieue ». Et concernant le bilan provisoire, il parle de 100 morts et 2.500 blessés.


01h45 : je suis encore devant la télévision pour suivre en direct les scènes de désolation. Impossible de dormir.



Mercredi 5 août


Je me lève très tôt. A 7h00 : je célèbre la Messe à l’intention des victimes, des blessés des sans-abri et du Liban. Puis à 8h20 : j’envoie une circulaire aux prêtres de mon diocèse pour leur donner les consignes d’être prêts à donner de l’aide à tous ceux qui viennent de Beyrouth et à décréter une journée de prière et d’adoration demain jeudi 6 août fête de la Transfiguration.


A 9h00 : Je suis à Dimane, siège d’été du Patriarcat maronite, pour prendre part à la réunion des évêques présidée par Sa Béatitude le Patriarche Raï, qui avait déjà rédigé et envoyé un « Appel aux Etats du Monde » dans lequel il demande « une aide immédiate pour sauver Beyrouth ». Il dit notamment :


« Beyrouth est une ville dévastée. Une catastrophe s’y est abattue à cause de la mystérieuse explosion qui s’est produite dans son port. Beyrouth, la fiancée de l’Orient et le phare de l’Occident est blessée. C’est une scène de guerre sans guerre. Destruction et désolation dans toutes ses rues, ses quartiers, et ses maisons. Des dizaines de citoyens et citoyennes ont perdu la vie ; des milliers sont blessés ; des hôpitaux, des églises, des maisons, des institutions, des hôtels, des magasins, et des différents établissements publics et privés sont détruits. Des centaines de familles sont sans abris. Tout ceci arrive et l’Etat est dans une situation de faillite économique et financière qui le rend incapable de faire face à cette catastrophe humaine et urbaine ; et le peuple Libanais est aussi dans un état de pauvreté et d’indigence.


L’Eglise qui a mis en place un réseau de secours sur tout le territoire libanais, se trouve aujourd’hui devant un nouveau grand devoir dont elle est incapable à elle seule de l’assumer, tout en étant totalement solidaire avec les affligés, les familles des victimes, les blessés, et les déplacés qu’elle est prête à les accueillir dans ses institutions.


Au nom de l’Eglise au Liban, je remercie tous les Etats qui ont exprimé leur disponibilité pour aider Beyrouth, ville dévastée, et je m’adresse aux autres pays frères et amis, et aux grands Etats, ainsi qu’aux Nations Unies, pour se mobiliser pour apporter l’aide immédiate afin de sauver la ville de Beyrouth, sans aucune considération politique, parce que ce qui est arrivé est au-delà de la politique et des conflits. J’appelle aussi les organisations caritatives dans les différents pays à aider les familles libanaises, et beyrouthines en particulier, afin qu’elles puissent soigner leurs blessures et restaurer leurs maisons ».



Sa Béatitude commence la réunion par une prière bien particulière pour le Liban et les victimes de la catastrophe. Puis il nous présente l’ordre du jour de cette réunion que nous avons tous voulu consacrer à un seul point : comment pouvons-nous faire face à ce drame inattendu. Enfin le communiqué, déjà préparé, semble hors sujet. Sa Béatitude me charge d’écrire un nouveau texte centré sur le volet pastoral et humanitaire et présenté comme appel, et de le soumettre aux évêques. Ce que j’ai fait.


Pendant ce temps, un Conseil des ministres extraordinaire, présidé par le président de la république, est réuni au palais de Baabda.


Le Président de la république général Michel Aoun, ainsi que le Premier ministre Dr Hassan Diab, ont demandé l’ouverture d’une enquête sur la catastrophe de Beyrouth et ont affirmé « aller jusqu’au bout pour juger les coupables ».


Le ministre de la Santé, Dr Hamad Hassan, a donné un bilan, toujours provisoire, de la tragédie : 125 morts, 4.000 blessés, des dizaines de disparus, et 300.000 sans-abri !


Plusieurs chefs de pays amis du Liban à travers le monde ont déjà annoncé leur soutien au Liban. Les aides ont commencé à affluer vers l’aéroport de Beyrouth en provenance de la France, du Koweit, de l’Irak ; et d’autres arriveront de l’Arabie Saoudite, des Etats-Unis, de la Russie … arriveront bientôt. Le président français M. Emmanuel Macron a annoncé une visite surprise au Liban pour demain jeudi 6 août.




Voici la traduction du communiqué que j’ai lu à la presse à la suite de la réunion :


« Nous avons découvert avec stupéfaction la nouvelle de la terrible explosion qui a secoué la capitale Beyrouth hier soir, et nous avons suivi toute la nuit les détails de la catastrophe qui a causé des dizaines de victimes et des milliers de blessés, une destruction de maisons, d’institutions, d’hôpitaux, d’écoles, d’églises, de couvents, de lieux de prière, et a frappé de plein fouet les citoyens dans leurs propriétés et dans leurs vies. Nous avons été impressionnés par les scènes affreuses passées sur les moyens de communication sociale locales et internationales. Nous avons versé des larmes sur les victimes innocentes et les martyrs de la patrie déjà saignante sous le joug de la crise économique, sociale et vitale. Beyrouth est en ce moment occupée à remédier à ses blessures et essaie de se relever de ses cendres avec des citoyens attachés à la foi et à l’espérance de reconstruire un jour.



Nous ressentons avec les Libanais la tristesse de tout le pays et la souffrance de Beyrouth et de sa banlieue, car nous sommes tous Beyrouth, la capitale ouverte sur le monde, détruite à plusieurs reprises et ressuscitée de ses cendres pour rester le lieu de rencontre des civilisations, des cultures et des religions et la forteresse de la liberté et de la convivialité.


Nous proclamons notre solidarité avec nos frères et sœurs les fils et filles de Beyrouth et les Libanais, notamment les familles des victimes, les blessés, les souffrants, les sans-abri. Nous leur exprimons notre proximité, notre charité et notre fraternité humaine. Notre Eglise, avec ses clercs et ses fidèles, a toujours été pionnière dans le champ humanitaire et la première combattante pour les droits de l’homme, notamment la liberté et la dignité.



Pour incarner cette solidarité, nous déclarons que nous ouvrons nos évêchés, nos institutions et nos couvents, et nous mettons à disposition toutes nos moyens pour aider les sinistrés de la terrible catastrophe, les accueillir et s’occuper d’eux, notamment de leurs besoins urgents en nourriture et en médicaments, en collaboration avec Caritas Liban et les autres associations qui se chargent du service social. Les diocèses et les ordres religieux ont déjà annoncé mettre à la disposition des centres, des écoles et des couvents pour l’accueil des sinistrés.



Nous demandons en outre à nos enfants généreux de se porter au secours des sinistrés par tous les moyens disponibles pour les aider à se relever de leur détresse.


A l’occasion de la fête de la Transfiguration et de celle de l’Assomption, nous demandons aux prêtres et aux fidèles de consacrer une journée de jeûne, de prière et de conversion, le samedi 8 août, à l’intention du Liban ensanglanté. Nous prions ensemble pour le repos des âmes des martyrs et pour leurs familles, pour la guérison des blessés, pour les équipes médicales, les secouristes, les unités des Forces de sécurité intérieure et militaires, de la Défense civile et de la Croix Rouge ; et nous supplions le Seigneur, par l’intercession de la Très Sainte Vierge Marie et de nos saints, de nous procurer, ainsi qu’à nos responsables et concitoyens, le courage nécessaire pour nous repentir et renier nos intérêts personnels en faveur de l’intérêt national afin de reconstruire le Liban, pays de la liberté, de la fraternité et du droit. Nous sommes capables de le faire. Voilà notre espérance ».




A la fin de cette longue journée, et alors que Beyrouth continue de panser ses blessures, grâce à un mouvement extraordinaire de solidarité des Libanais – des milliers de jeunes libanais volontaires sont arrivés en effet dans la journée de toutes les régions du Liban – je peux dire en soupirant : avions-nous vraiment besoin de cette catastrophe pour bénéficier de l’aide internationale ? Nous savons que tout était bloqué à cause de la classe politique pourrie et des responsables faisant la sourde oreille aux appels de tous les pays amis pour initier les réformes. Vont-ils changer de comportement ? Vont-ils abandonner leur politique clientéliste ? Je ne suis pas sûr ! Mais je suis au moins sûr d’une chose : que nous Libanais - forts de notre histoire, de nos liens d’amitié avec tants de pays et de peuples à travers le monde, de notre foi, de notre espérance, de notre solidarité et de nos valeurs communes – nous sommes capables de reconstruire Beyrouth pour la ennième fois et de reconstruire notre cher Liban, comme nous le voulons à l’instar de nos pères, un Pays Message de liberté, de démocratie, de convivialité et du vivre ensemble et de respect des diversités.


5 août 2020


  • Père Mounir Khairallah

Evêque de Batroun

Publié le 05/08/2020

Une scène apocalyptique

Une scène apocalyptique. Il n’y a pas d’autre terme pour qualifier l’effroyable image que donnait Beyrouth hier en fin d’après-midi, après deux explosions massives au hangar numéro 12 du port de la ville. De Dora, dans la banlieue nord de Beyrouth, jusqu’au port, l’autoroute est jonchée de débris en tout genre. Le port lui-même semble dévasté dans des proportions dantesques. Les conteneurs ont explosé, les gigantesques silos à grains ont été soufflés, les grues sont à terre. Au-dessus du port, dans un ballet sonore incessant de sirènes de pompiers et d’ambulances, les hélicoptères tentaient, dans l’après-midi, d’éteindre l’incendie. Les opérations se poursuivaient encore tard en soirée. Sur les bords de la route, les badauds sont hagards. Patil, la vingtaine, tremble. Elle habite dans le quartier de la Quarantaine. « Pendant 15 minutes, on a vu de la fumée s’élever au port de Beyrouth, puis on a entendu les explosions, raconte-t-elle. Je me suis cachée dans la salle de bains, puis brusquement les vitres ont été soufflées. » Elle a vu des gens blessés qui gisaient par terre. Certains dans un état grave. Mohammad, la trentaine, est arrivé sur les lieux du sinistre quelques secondes après les déflagrations. Il confie avoir fait la navette « entre les bâtiments voisins pour sortir des gens blessés ou tués ». Avec l’aide d’autres volontaires, il a dû évacuer une soixantaine de personnes dont une personne âgée « coincée au vingtième étage ». Céline, 20 ans, se trouvait dans un restaurant près de la place Sassine au moment de l’explosion. « J’ai entendu un grand boum, confie-t-elle. J’ai cru que quelque chose était tombé d’un immeuble en construction. Puis j’ai senti la terre trembler. J’ai alors compris que quelque chose d’anormal se passait. J’ai couru vers les toilettes, parce que j’ai eu peur que les vitres du restaurant n’explosent. J’avais tellement peur que je me suis mise à hurler. J’avais vécu l’explosition qui avait eu lieu en 2013 (au centre-ville de Beyrouth, coûtant la vie au ministre Mohammad Chatah, NDLR). Mais cette explosion est bien pire. Je ne voulais pas revivre cette même peur. » Pierre et Carole étaient assis dans leur salon à Sodeco, lorsqu’ils ont entendu un bruit assourdissant et ont senti la terre trembler. Ne comprenant pas ce qu’il se passait, Pierre s’est jeté à plat ventre sur le sol pour se protéger. « Lorsque j’ai vu la poussière, j’ai tout de suite compris qu’il s’agissait d’une explosion », confie-t-il. Pendant ce temps, Carole a vu la poussière entrer par les fenêtres tandis que le lustre dansait au-dessus de leur tête. Elle a juste eu le temps de se lever du fauteuil et de s’éloigner de la fenêtre. Elle était dans un état second, ne comprenant pas ce qu’il se passait. Puis elle a vu son mari au sol entouré de débris de verre et de cadres de fenêtre. Ce n’est que quelques minutes plus tard, après avoir repris leurs esprits, qu’ils ont pu constater l’ampleur des dégâts dans l’immeuble.


Scène d’apocalypse au port de Beyrouth, hier. Issam Abdallah/Reuters


Beyrouth sinistrée C’est tout Beyrouth qui est sinistrée. Les destructions les plus spectaculaires touchent surtout les quartiers limitrophes du port, notamment le centre-ville, Saïfi, Gemmayzé, Achrafieh, Mar Mikhaël, Bourj Hammoud et Dora. Des bâtiments sont soufflés. Des pans entiers de murs sont tombés. De certains immeubles couverts de paroi en verre, il ne reste plus que leur structure. Et partout, sur les trottoirs, dans les décombres, des blessés. Rapidement, les hôpitaux sont débordés et se voient contraints de refouler les blessés légers afin de garder des places pour ceux dans un état grave. Le bilan s’annonce lourd. En soirée, le ministre de la Santé Hamad Hassan annonçait un dernier bilan approximatif et provisoire de plus de soixante-dix morts. Plus de 3 000 personnes sont blessées. Lors d’une tournée dans les hôpitaux, il explique que les médicaments qui se trouvaient à la pharmacie centrale à l’hôpital de la Quarantaine, gravement atteint par l’explosion, sont en train d’être transférés aux dépôts de l’Unrwa. M. Hamad précise aussi que son ministère a demandé à l’Organisation mondiale de la santé de lui dépêcher un avion de médicaments. Un appel a été adressé également au Qatar pour mettre en place des hôpitaux de campagne. Le secrétaire général des Kataëb, grièvement atteint alors qu’il se trouvait dans son bureau au siège du parti à Saïfi, devait succomber à ses blessures. Le député Nadim Gemayel est légèrement blessé. À Électricité du Liban, le directeur général Kamal Hayek et des employés de l’office, blessés, étaient toujours bloqués sous les décombres en soirée. À l’hôpital Notre-Dame du Rosaire à Gemmayzé, fortement endommagé par l’explosion, une infirmière a succombé à ses blessures. Hôpitaux débordés Devant l’Hôtel-Dieu endommagé par l’explosion, c’est le chaos. Des gens vont et viennent et se mêlent aux secouristes, visiblement débordés. Certains cherchent leurs proches. L’air est empli du hurlement des sirènes des ambulances et des cris des proches des victimes. Mohammad, la quarantaine, fume une cigarette avec un ami. « On a entendu dire qu’ils ont besoin de sang, nous sommes venus en donner. J’ai entendu un père hurler que son fils est décédé. » Quelques minutes plus tard, le père affligé sort dans la rue. Il tombe à terre, en pleurs. Trois hommes essaient, en vain, de le consoler. L’Hôtel-Dieu et le Centre médical de l’Université libano-américaine – Clinique Rizk sont submergés. Et pour cause. Fortement endommagés, l’hôpital libanais – Jeïtaoui et le Centre médical universitaire – hôpital Saint-Georges ne sont plus en mesure d’accueillir un grand nombre de blessés. Le Centre médical universitaire – hôpital Saint-Georges a transformé le parking en hôpital de campagne, pour les urgences. Scène de guerre. Les hôpitaux du Chouf ont annoncé en soirée qu’ils ouvraient leurs portes pour accueillir les blessés. Idem à Saïda où des blessés ont été admis à l’hôpital Hammoud et au Centre médical Labib. Des médecins ont de leur côté annoncé qu’ils recevaient dans leur cabinet les cas bénins ayant besoin de traitements. Face à l’apocalypse, la solidarité se met en branle. Les différents partis politiques appellent, eux, leurs partisans et sympathisants à donner du sang. Dans les camps des réfugiés palestiniens à Saïda, des appels similaires sont lancés à travers des haut-parleurs. Panique généralisée Dans les rues, les gens sont paniqués ou hagards. Nombreux sont ceux qui, désemparés, perdus, courent dans tous les sens à la recherche de leurs proches. Un homme de 70 ans, portant des sacs en plastique, raconte que le souffle de l’explosion l’a « fait voler d’une pièce à l’autre ». « Personne n’a été blessé », dit-il, précisant qu’il va passer la nuit chez sa fille à Fanar, parce qu’il ne reste plus rien de sa maison. Sur le bord de la route, des voitures sont écrasées, comme du papier mâché. Certaines ont été retournées par le souffle de l’explosion. Une étrangère est assise sur l’asphalte, les bras lacérés par des bris de verre. Un homme arrive, la fait monter sur sa moto pour l’évacuer vers un hôpital de la ville. Mais vers 21 heures, les hôpitaux de Beyrouth avertissent les équipes de secours et la population qu’ils ne sont plus en mesure d’accueillir des victimes, leurs demandant de se diriger vers des établissements hospitaliers en banlieue et dans les provinces. « Une vieille bâtisse vient de s’effondrer, les pompiers étaient dedans. Elle s’est effondrée sur eux », lâche un militaire, qui semble perdu. Près de l’ancien immeuble de Touch, le toit d’une station-service s’est effondré sur un employé. Tard en soirée, il était toujours sous les décombres. Plus loin, à Mar Mikhaël, un chauffeur de taxi ensanglanté se tient toujours devant sa voiture. « On aurait dit une bombe atomique, dit-il. Je ne voyais plus rien. J’entendais des pierres s’écraser sur le toit du véhicule. » Il attendait que l’un des membres de sa famille vienne l’accompagner au Akkar. Des propriétaires de petits hôtels, des écoles et des couvents ont eux aussi annoncé sur les réseaux sociaux qu’ils ouvraient leurs portes à toute personne dont l’habitation a été endommagée et qui ne trouverait pas de place pour la nuit.Hier soir, Beyrouth, et tout le Liban, était chaos, sonné, par ce énième coup du sort.

Publié le 05/08/2020

Message de Mère Amma

Nous voulons croire que le Sang de ces nouveaux martyrs libanais et autres... est une semence de ressurection immédiate du Liban en agonie. O PERE ECOUTE NOUS,EXAUCE NOUS ET UNIS A CE SANG AU SANG DE JESUS LE CHRIST NOTRE AMOUR.

Publié le 05/08/2020

Quand le soleil se lèvera, Beyrouth, ma ville , n'existera plus.

Gemmayzé, dévasté par le souffle de l’explosion. Marwan Tahtah/AFP


Quand le soleil se lèvera, Beyrouth, ma ville, n’existera plus. Dans la nuit d’hier, des sirènes d’ambulance et le crissement des bris de verre étaient les seuls bruits qu’on entendait dans la ville. Hier, assise à moto derrière un homme que je ne connaissais pas et qui était sorti pour aider ceux qui en ont besoin, je fermais les yeux pour les protéger des bris de glace. Ma ville n’existe plus. Du centre-ville à Gemmayzé jusqu’à Mar Mikhaël en passant par Saïfi et le port, il n’y a plus que des squelettes d’immeubles en béton ou en acier, le reste a volé en éclats. En certains endroits, la structure en acier a fondu. Une destruction digne d’un film de fiction. Plus rien. Il ne reste plus rien de la ville que ses habitants, qui ont appris à survivre, ou vivoter, ou à être résilients. Au début de la rue d’Arménie, dans une épicerie dont le mur s’est écroulé, un jeune homme distribue de l’eau fraîche, en disant aux passants un « hamdellah al-salameh ». Sur un trottoir en face, Georgette, une octogénaire, attend sur une chaise en plastique que son neveu vienne la chercher pour qu’elle dorme à Sabtiyé. Tard dans la soirée d’hier, des personnes aux vêtements ensanglantés se rendaient encore dans des bâtiments branlants de Mar Mikhaël et Gemmayzé, des quartiers aux immeubles complètement soufflés où des pans de murs se sont écroulés sur le sol. Dans la nuit d’hier, il était difficile de se déplacer à Gemmayzé et à Mar Mikhaël, les troncs d’arbre, les bris de verre, les fils électriques jonchent le sol. Dans ces quartiers, de nombreux bâtiments datant du XIXe siècle se sont complètements écroulés. Un homme dans un 4 x 4 raconte que sa grand-tante est morte et qu’elle habite en face du port. « Le souffre de l’explosion l’a tuée », dit-il dans un état de choc. À EDL, un hôpital de camp a été dressé. Un peu plus loin, un soldat trébuche. Il a du mal à se lever dans l’obscurité malgré l’aide de ses amis. Des femmes du troisième âge, blessées, sont transportées sur des chaises vers des ambulances. Accompagné de son épouse, Antranik, 70 ans, porte des sacs en plastique et marche dans la nuit parmi les débris : « Nous avons volé d’une chambre à l’autre. Nous sommes indemnes. Nous irons dormir chez ma fille à Fanar. » Sur l’autoroute et les rues parallèles, des véhicules soufflés ont été laissés par leur chauffeur, certains avec les lumières de détresse allumées. « Mon frère s’appelle Georgio, il est blessé. Je ne sais plus dans quel hôpital il a été transporté, il a douze ans », s’écrit une adolescente dont le visage a été écorché par des bris de glace. Hier jusqu’à tard en soirée à Beyrouth on entendait le bruit du verre brisé. Ceux qui ne cherchent pas leurs bien-aimés, ceux qui n’ont pas été blessés, se sont mis à nettoyer les débris de verre jonchant les entrées de leurs immeubles. Devant les hôpitaux, de nombreuses personnes attendaient encore pour avoir des nouvelles de leurs proches, alors que les ambulances transportant morts et blessés roulaient, sirènes hurlantes, à travers la ville. Il ne reste rien à Beyrouth. Plus rien. Et quand le soleil se lèvera, nous constaterons que la ville n’est plus.


Publié le 04/08/2020

La Croix fondatrice du Sacerdoce lumineux de monseigneur Mounir

Lorsqu'il avait 5 ans, sous ses yeux, ses parents furent assassinés par leur jardinier musulman syrien. Sa chère tante Ursule- religieuse de l'ordre de sainte Rafka- l'éleva. Mounir reçut la vocation de prêtre, et il offrit son sacerdoce pour ses feux parents, et en signe de grand pardon au bourreau de ses parents. Monseigneur Mounir est un grand phare intérieur pour nous et pour beaucoup. Le coeur de Jésus bat dans son coeur.


Ce n'est pas le syrien ou le musulman qui a tué mais le MALADE!


Devenons tous frères en humanité avec le tout-autre sur notre route! Un seul programme: Aimer COMME Jésus- Christ nous aime!


Il n'y a pas celui qui donne et celui qui reçoit, c'est un partage d'amour, c'est TOUT! NE LUTTONS PAS CONTRE DES OMBRES! ALLUMONS JUSTE LA LUMIERE!


Chers credofunders merci d'être là tout simplement COMME vous êtes...ON VOUS AIME!ON VOUS EMMENE AVEC NOUS SUR LES AILES DE L'ESPRIT SAINT pour former avec nous la Communauté des êtres ailés...car il y en a partout! t Un Baiser de Notre Père et de notre Mère pour chacun de vous! Soyez proégés de tout danger intérieur et extérieur!

Publié le 04/08/2020

Parole à monseigneur Mounir, notre Pasteur attentif.

Lundi 3 août 2020



Très chers amis,


Très Chers frères et soeurs dans le Christ.


Merci pour vos messages d'amitié et de proximité; merci aussi pour vos prières. Nos saints et martyrs nous invitent, en ces moments d’épreuve, à garder une totale confiance en la Providence et en Celui qui nous aime et guide nos pas sur le chemin du salut dans le sillage de son fils Jésus Christ mort et ressuscité pour nous donner la Vie. Nous avons à porter la croix en suivant Jésus jusqu'à la mort à nous-mêmes, à nos égoïsmes et à nos intérêts personnels pour mériter la résurrection ; résurrection de notre peuple, de notre pays et de notre classe politique !



La situation du Liban est critique et même "très grave" comme a dit le ministre français des Affaires étrangères M. Jean-Yves le Drian en visite officielle au Liban (22-24 juillet).


La classe politique fait la sourde oreille à tous les appels aux réformes devenues urgentes pour sortir le Liban du gouffre ! Les responsables politiques se jettent mutuellement la responsabilité de l'effondrement mais ne s'activent pas à y remédier. M. Le Drian est rentré contrarié.


La situation ne va pas s'améliorer pour bientôt; et les conflits régionaux et internationaux (attisés par la recrudescence des provocations entre les Etats-Unis et l'Iran) n'arrangent pas les choses.


La démission, ce lundi matin, du Ministre des Affaires étrangères, l’illustre Dr Nassif Hitti, grand ami de M. Le Drian pour avoir été ambassadeur de la Ligue arabe à Paris puis auprès du Saint-Siège, va-t-elle secouer la conscience de nos responsables politiques et déclencher un changement quelconque ?



Au cœur de cette tourmente le Patriarche Cardinal Béchara Raï a haussé le ton ; il est d’ailleurs le seul à oser s’adresser aux responsables politiques en toute liberté pour les réprimander et leur demander des comptes. Dans son homélie du 5 juillet, il dresse le bilan de la situation et lance un appel en trois points et préconise la feuille de route pour construire le Liban de demain qui se résume dans la proclamation de la Neutralité du Liban, une neutralité active et engagée, précise-t-il :



« La pire chose dont nous sommes témoins aujourd'hui chez nous, est que la plupart de ceux qui s'occupent des affaires politiques ne se préoccupent que de leurs propres bénéfices et de leurs intérêts ; par ailleurs, ils sapent la confiance placée en des tiers, en condamnant ceux qui sont aux commandes des institutions constitutionnelles. Plus préjudiciable encore, ils s'efforcent d'être fidèles non pas au Liban, mais à leurs bases populaires et à leurs propres partis. Ils privent ainsi le Liban de la confiance de l’opinion positive des peuples et des gouvernements arabes et internationaux, malgré la conviction de ces derniers de l’importance du Liban, de son rôle, des potentialités et des capacités de son peuple.


Il semble que ces politiciens veulent camoufler leur responsabilité d’avoir vidé les caisses de l’État, et de n’avoir pas entrepris la réforme des structures étatiques demandée par les pays réunis lors de la conférence de Paris, dite « CEDRE », en avril 2018. Au contraire, ils se sont mis d'accord pour se partager les bénéfices et se répartir des gains, au détriment du bien public. Le niveau de pauvreté, de chômage, de corruption et de dette publique n’a cessé d’augmenter, jusqu'à l'explosion de la révolution populaire du 17 octobre 2019…


La situation dans laquelle nous sommes nous a conduits à lancer cet appel :


1- Nous appelons son excellence le président de la République à œuvrer pour lever l’embargo contre la légalité et la libre décision nationale.


2- Nous demandons aux pays amis de se précipiter au chevet du Liban comme ils l'ont fait chaque fois qu'il était en danger.


3- Nous nous tournons vers l'ONU pour qu’elle œuvre à rétablir l'indépendance et l'unité du Liban, à appliquer les résolutions internationales et à déclarer sa neutralité. La neutralité du Liban est la garantie de son unité et de sa position historique dans cette étape de changements géographiques et constitutionnels. La neutralité du Liban est sa force et la garantie de son rôle, aussi bien de stabilisation de la région et de la défense des droits des États arabes au service de la cause de la paix, que dans les relations saines entre les pays du Moyen-Orient d’une part, et l’Europe d’autre part, en raison de sa situation géographique, en bordure de la Méditerranée… ».



Cependant, nous gardons forte notre espérance qu'un jour le Liban revivra dans son rôle de pays oasis de rencontre culturelle, religieuse et politique entre l'Orient et l'Occident et dans son message du vivre ensemble. Notre histoire, qui a connu de conflits beaucoup plus graves, nous permet d'espérer en un avenir meilleur qui naîtra après un enfantement difficile à la suite de la « Révolution populaire du 17 octobre 2019 ».


Entre temps, il faudra supporter la crise sociale, économique et monétaire qui a des conséquences catastrophiques sur la population, notamment les jeunes : la dépréciation inédite de la monnaie (le dollar vaut 8.000 Livres Libanaises alors qu’il valait en octobre 1.520 L.L.), la flambée des prix, les licenciements à grandes échelles et les restrictions bancaires sur les retraits et transferts à l'étranger, les coupures du courant 20 heures sur 24 ! Plus de la moitié des Libanais vivent désormais sous le seuil de la pauvreté ! Près de la moitié de la population active est au chômage. Ceci en plus du poids insupportable de l'accueil d'un million de réfugiés syriens et d'un demi-million de réfugiés palestiniens.



Quant au virus Corona Covid 19, il se propage désormais à toute vitesse. Autant nous avions respecté les directives et les mesures conseillées par le gouvernement et le Ministère de la Santé jusqu’au 1er juillet (en effet du 25 février au 30 juin nous étions à 1778 cas et 34 décès), autant après le 1er juillet , date de la réouverture de l’aéroport de Beyrouth, les contaminations ont grimpé d’une manière vertigineuse (le 1 juillet on avait 1788 cas et 34 décès ; le 12 juillet on avait 2334 cas et 36 décès ; le 19 juillet on avait 2859 cas et 40 décès ; le 26 juillet on avait 3746 cas et 51 décès ; et le 3 août on a 5062 cas, dépassant la barre symbolique des 5.000, et 65 décès).


Ce qui a poussé le ministre de la Santé Dr Hamad Hassan à déplorer « un manque de sérieux dans le respect des mesures de prévention et des règles de la mobilisation générale », alors que le pays s'est reconfiné pour dix jours en deux temps, entre le 30 juillet et le 10 août. Il a fait savoir que « le comité scientifique en charge du coronavirus va recommander un bouclage total de 15 jours si l'évaluation du reconfinement en deux temps s'avère négative ».



Que pouvez-vous faire ?


Priez pour nous et avec nous pour que le Seigneur nous donne la force de résister, par l'intercession de la Très Sainte Vierge Marie et nos saints.


Nous tous dans le diocèse de Batroun, nous vous portons dans nos prières et nous espérons vous donner de meilleures nouvelles prochainement.



  • Père Mounir Khairallah

Evêque de Batroun

Publié le 04/08/2020

Liban : chaos généralisé dans un pays en faillite- article paru dans la Croix 04/08/20

Liban : chaos généralisé dans un pays en faillite Reportage Noyés par la crise, les Libanais se retrouvent souvent sans électricité. En pleine flambée des cas de coronavirus, le système hospitalier menace de s’effondrer. Gravement touché par les licenciements massifs, le personnel hospitalier va se mettre en grève mercredi 5 août.


Jenny Lafond (à Bourj Hammoud, Beyrouth), le 04/08/2020 à 06:33


Liban : chaos généralisé dans un pays en faillite Un manifestant devant le bureau de L’Électricité du Liban, à Beyrouth, le 11 janvier 2020. ANWAR AMRO/AFP COMMENTER ENVOYER PAR MAIL PARTAGER SUR FACEBOOK PARTAGER SUR TWITTER MODIFIER LA TAILLE DU TEXTE TÉLÉCHARGER AU FORMAT PDF LECTURE FACILE IMPRIMERRÉAGIR ENVOYER PARTAGER TWITTER Dans son magasin plongé dans l’obscurité, Ghassan fait défiler nerveusement des photos sur son téléphone. « Vous voyez, lui, c’est mon voisin. Il s’est pendu hier dans son salon, il avait deux enfants », confie-t-il, assis derrière sa caisse enregistreuse devant une tasse de café fumant. « Je crois qu’il n’en pouvait plus, ça faisait des mois qu’il était sans travail », commente l’homme de 50 ans.


Dans l’arrière-boutique, broyeur à café et torréfacteur sont à l’arrêt. « Électricité du Liban (l’entreprise publique qui contrôle 90 % de la production, du transport et de la distribution d’électricité dans le pays NDLR), c’est la plus grande mafia au Liban. Depuis début juillet, on n’a plus de courant », s’agace Ghassan.


→ ANALYSE. Le Liban plonge seul dans la crise


Comme le reste du pays, le quartier arménien de Bourj Hammoud s’est retrouvé dans le noir, les deux centrales qui alimentent le Liban en électricité étant confrontées à une pénurie de carburant. « J’ai dû payer pour obtenir cinq ampères avec le générateur du quartier, et acheter très cher quelques litres de mazout au marché noir pour faire fonctionner mes machines, se lamente Ghassan. Alors qu’avec la crise, je fais à peine 30 % de mes recettes habituelles. »


Liban : chaos généralisé dans un pays en faillite


Rationnement de 21 heures par jour Rodés aux coupures de courant, les Libanais ont cette fois dû gérer un rationnement allant jusqu’à 21 heures par jour. Ceux qui pouvaient se le permettre ont résisté à la vague de chaleur moite sur le pays en s’abonnant à des générateurs de quartier, afin d’obtenir quelques heures d’électricité en plus des deux heures quotidiennes fournies sporadiquement par l’EDL. Les moins nantis se sont éclairés à la bougie.


→ EXPLICATION. Frappé par la crise, le Liban peut-il « s’effondrer » ?


La situation est lourde de conséquences. Le 29 juillet, le luxueux centre-ville de Beyrouth, qui héberge de nombreux ministères, administrations et entreprises, s’est soudain retrouvé sans téléphone ni Internet, le central de téléphonie ayant arrêté de fonctionner à cause d’une panne des générateurs privés qui l’alimentaient, en surchauffe.


Les contaminations au coronavirus ont doublé en un mois Pire, alors qu’en un mois, le nombre de personnes contaminées par le coronavirus a doublé au Liban (4 885 au dimanche 2 août), cette pénurie pourrait participer à la catastrophe sanitaire qui s’annonce. « La hausse du nombre de patients hospitalisés atteints du Covid-19 augmente la consommation du mazout qui risque de s’épuiser dans quelques jours, menaçant l’ensemble du secteur hospitalier », a averti le directeur de l’hôpital gouvernemental Rafic Hariri, Firass Abiad, sur la chaîne Sky News.


À lire aussi

Les Libanais de la diaspora sollicités face à la crise


Les Libanais de la diaspora sollicités face à la criseLe secteur est déjà en butte à de nombreuses difficultés. « Entre les retards de paiement de l’État, qui nous doit 2 400 milliards de livres libanaises (1,34 milliard d’euros), la dévaluation de la livre, la gestion du Covid-19, et maintenant les problèmes d’électricité qui ajoutent un fardeau car nous devons acheter le mazout au taux du marché noir, énonce Sleiman Haroun, président du syndicat des hôpitaux privés, nous allons vers une ruine complète. »


L’hypothèse est plausible d’une « désintégration du secteur hospitalier », pourtant réputé dans tout le Moyen-Orient. « Presque tous les hôpitaux privés ont licencié, coupé les salaires, supprimé des lits, arrêté certains actes et fermé certains services, trop coûteux », déplore-t-il.


Le personnel infirmier en grève mercredi 5 août La situation a poussé le personnel infirmier, gravement touché par les licenciements massifs, à se mettre en grève mercredi 5 août. Inquiet, Sleiman Haroun présage de « nombreuses fermetures d’hôpitaux » à venir, l’État étant « incapable de faire plus sans aide extérieure ». Il dit craindre que, dans quelques mois, « des Libanais meurent par manque de soins ».


→ ANALYSE. Liban : dans un pays en crise, le choix de l’émigration


Cet effondrement annoncé n’effraie pas Akram Nehmé qui, avec son association Achrafieh 2020, distribue des colis alimentaires aux familles démunies, dont beaucoup sont issues de la classe moyenne déliquescente. Entre mars et juillet, le nombre des bénéficiaires est passé de 60 à 692 familles. « Il faut tout recommencer de zéro. Finalement, ce qu’on veut, c’est la dignité de la personne humaine, sans la corruption. »

Publié le 31/07/2020

Plus d'un demi million d'enfants à Beyrouth luttent pour leur survie

Plus d'un demi-million d'enfants à Beyrouth luttent pour leur survie dans un pays en plein naufrage économique, a déploré mercredi l'ONG Save the Children. Le Liban traverse depuis des mois sa pire crise économique et financière dans l'histoire, amplifiée par la pandémie du coronavirus et marquée par une dégringolade de la monnaie nationale, un bond du chômage et une hyperinflation. Dans la région du Grand Beyrouth, qui inclut la capitale et ses banlieues, 910.000 personnes, dont 564.000 enfants, peinent désormais à subvenir à leurs besoins les plus élémentaires, y compris une nourriture suffisante, a averti l'ONG. Depuis septembre dernier, les prix des produits de base ont grimpé de 169%, tandis que le chômage a augmenté de 35% dans le secteur formel et jusqu'à 45% dans le secteur informel, et le pouvoir d'achat des familles a chuté de 85%. "Cette crise frappe tout le monde – les familles libanaises, les réfugiés palestiniens et syriens. Nous commencerons à voir des enfants mourir de faim avant la fin de l'année", a mis en garde Jad Sakr, directeur par intérim de Save the Children au Liban. ou travaillant dans l'économie informelle.

Publié le 31/07/2020

Prions pour le peuple libanais en grande souffrance

Un sexagénaire s'est suicidé vendredi matin dans le quartier de Hamra, à Beyrouth sur le trottoir près d'un café, alors qu'un autre trentenaire a été retrouvé pendu chez lui dans le Sud, dans un contexte marqué par l'aggravation de la pire crise économique que connaît le Liban. Deux suicides qui ont choqué le pays, suscitant une vague de colère. Selon des témoignages recueillis par L'Orient-Le Jour auprès d'une personne qui passait dans le quartier vers dix heures du matin et d'un homme qui travaille au théâtre al-Madina, cet homme, né en 1959 et originaire du Hermel, était assis sur une chaise en plastique à l'entrée de l'immeuble qui abritait le cinéma Saroula, près du café Dunkin Donuts. Il a sorti un pistolet et s'est tiré une balle dans la tête qu'il avait recouverte d'une pièce de tissu. Sur sa poitrine, il avait accroché un extrait de son casier judiciaire, vierge, et une feuille sur laquelle était inscrite la phrase suivante : "Je ne suis pas un mécréant", reprenant les paroles d'une chanson de Ziad Rahbani qui commence par cette phrase : "Je ne suis pas un mécréant, c'est la faim qui est une mécréante". D'autres médias locaux, citant des témoins du drame, indiquent que l'homme a crié "Pour un Liban libre et indépendant" avant de commettre l'irréparable. Ils indiquent également que l'homme vivait dans la rue. Les forces de sécurité se sont rendues sur les lieux pour déterminer les circonstances de ce drame. Plusieurs contestataires se sont rassemblés dans la rue Hamra pour crier leur colère et faire assumer la responsabilité de ce suicide au pouvoir, jusque là incapable d'enrayer l'effondrement économique du pays. "Où sont les autorités ? Nous n'arrivons à acheter de la nourriture. Les gens meurent de faim", a déclaré une manifestante à la télévision. "Je ne suis pas un mécréant. C'est vous les mécréants", peut-on lire sur ce panneau que tient une manifestante sur la rue Hamra. Photo DR "Non, évidemment, vous n'êtes pas un mécréant, cher bon frère citoyen. C'est le pouvoir qui l'est. C'est celui qui est incapable de défendre son honneur qui est le véritable suicidé et le paiera très cher de sa vie", a twitté le secrétaire général du bloc parlementaire des Forces libanaises, Fady Karam. Les FL sont des opposants déclarés au gouvernement.


Pour mémoire


Crise économique : en l'espace de quelques heures, deux hommes tentent de s'immoler par le feu au Liban-Sud


En fin de journée, des dizaines de personnes se sont rassemblées à Hamra, répondant à plusieurs appels lancés sur les réseaux sociaux. Les manifestants ont notamment appelé à "la chute du régime", sous forte surveillance des forces des sécurité, copieusement traitées de "chabbiha" (voyous à la solde du régime). Certains des manifestants portaient des gilets de couleurs vives sur lesquels était imprimé le numéro 1564, la hotline de l'organisation Embrace contre le suicide. "Il ne s'est pas suicidé, le gouvernement l'a tué", pouvait-on lire sur des pancartes brandies par d'autres contestataires. Des femmes brandissant des pancartes avec le numéro de téléphone de l'ONG Embrace contre le suicide, lors d'un sit-in à Hamra, le 3 juillet 2020. Photo D.R. Un chauffeur de van retrouvé pendu non loin de Saïda Par ailleurs, un homme, originaire de Saïda, a été retrouvé pendu dans la localité de Wadi el-Ziné, dans l'Iqlim el-Kharroub, non loin de Saïda, au Liban-Sud. Les forces de sécurité se sont rendues sur les lieux pour conduire une enquête. Selon notre correspondant Mountasser Abdallah, ce chauffeur de van et père d'une fille avait des difficultés financières. Interrogé par notre correspondant, l'oncle de la victime a indiqué avoir appris la triste nouvelle à six heures du matin. Selon ce témoignage, l'épouse du chauffeur a entendu des bruits suspects venant de l'intérieur d'une pièce de leur domicile, qui était fermée à clé. Elle a alors essayé d'y entrer par un autre accès et a découvert son mari. Au nord-est de Saïda, dans le quartier de Charhabil, une cinquantaine de personnes ont organisé un sit-in en hommage aux deux hommes qui se sont suicidés dans la matinée, rapporte notre correspondant sur place, Mountasser Abdallah. "Non à la politique de la famine", pouvait-on notamment lire sur des pancartes brandies par des manifestants, qui ont également scandé le slogan, devenu symbolique, "Je ne suis pas un mécréant, c'est la faim qui est une mécréante". La crise économique que traverse le Liban se traduit notamment par une chute vertigineuse de la livre libanaise face au dollar et une inflation galopante des prix, notamment des denrées alimentaires. Selon la Banque mondiale, près de la moitié de la population libanaise vit sous le seuil de pauvreté. Plusieurs suicides liés à la crise ont déjà eu lieu au Liban depuis octobre dernier.


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Merci aux CredoFunders

10/09/2020 - 13:15
Chère Laurence et Amma Brigitte, Comme prévu je vous envoie les dons d'un ami marcheur qui est très sensibilisé au sort du peuple libanais et à ma soeur Françoise qui a été très touchée par votre appel. En union de prières avec vous et tous les libanais.
Communauté de la Laure Abana- Liban 11/09/2020 - 15:57
Merci...Nous sommes tous en marche et il est si doux de recevoir votre encouragement alors que le Liban sombre dans l'inconnu! Vous etes formidables! on vous aime. Soyez bénis et en paix! prions ensemble...
frdidiermarie 07/09/2020 - 14:59
Chères Soeurs. En ce samedi 5 Septembre, j'ai prié particulièrement pour vous et pour les personnes dont vous vous occupez. Vous étiez avec moi car j'ai reçus le scapulaires des coeurs unis dans le cadre de l'Alliance des coeurs unis à Angers. Je fus aussi interpellé par le petit film qui décrit la visite de quelques membres de l'Alliance des Coeurs unis au Liban. J'eus l'heureuse surprise de vous voir en photo en ce film. Soyez assuré de mes prières et que les Sts Coeurs unis de Jésus et de Marie soeint pour le Liban, votre Cté, et votre diocèse un refuge, une citadelle de l'amour des coeurs unis. Oui, cet engagement me rapproche de vous.
Communauté de la Laure Abana- Liban 11/09/2020 - 15:58
Alleluia! Tout notre Amour!
Communauté de la Laure Abana- Liban 07/09/2020 - 13:56
Merci de les aider avec nous... C'est un partage d'amour sans retour...Que Dieu vous bénisse et vous protège! Gloire à Lui!
frdidiermarie 04/09/2020 - 23:08
C'est avec joie que je vous envois ce petit don. Que Notre Dame du Liban vous aide en votre petite oeuvre auprès des plus pauvres. Que Jésus vous bénisse. Je prie pour vous et vos familles.
Communauté de la Laure Abana- Liban 07/09/2020 - 13:55
Vraiment frère Didier merci de nous soutenir dans cette période très éprouvante pour tous!Tu es notre frère en Christ et je nous recommande à ta précieuse prière! Ta fidèlité nous révèle Dieu...Merciii.Sois béni et protégé de tout danger intérieur et extérieur.
Claudette 27/08/2020 - 16:03
Merci pour votre action envers nos frères Libanais, que ce beau pays sorte de la misère. Merci Seigneur pour tes largesses ici bas pour nous européens, donne à nos frères de vivre plus dignement. Vierge Marie rassemble auprès de toi tous tes enfants dispersés.
Communauté de la Laure Abana- Liban 28/08/2020 - 19:31
OUI chère Claudette, notre soeur de prière, le peuple libanais est le peuple de la grâce et leur martyr est très dur...C'est un peuple otage des grandes Nations! Prions pour la conversion des politiciens du monde entier, et la nôtre!

Publié le 07/09/2020

Lettre à vous tous chers donateurs et aux Amis...

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Lettre aux Amis du 5 septembre 2020



Dimanche 30 août 2020


8h30–13h30 : Je suis en visite pastorale dans deux petites paroisses de montagne (Rachkeddé et Sourate) pour encourager les fidèles en ces temps difficiles et en pleine recrudescence de la propagation du virus Corona Covid 19 qui nous oblige à rester confinés. Et pourtant, ils sont venus nombreux mais en prenant toutes les précautions nécessaires. Ils ont besoin, comme moi d’ailleurs, d’une bouffée d’oxygène spirituel pour reprendre le courage de l’espérance.


L’évangile de ce dimanche dans notre liturgie maronite nous invite à aller avec Jésus « chez Marthe et Marie » (Luc 10, 38-42).


Je voudrais imaginer Jésus entrer ce dimanche dans l’une de nos maisons délabrées de Beyrouth : Il nous trouvera en train de nous « affairer à un service compliqué » ; mais il trouvera aussi qui se mettra « assis au pied du Seigneur » pour l’écouter nous donner confiance en Notre Père céleste dans la tourmente, pour prier avec Lui disant : « Père si Tu veux écarter de nous cette coupe … Pourtant que ce ne soit pas notre volonté mais la tienne qui se réalise » (Luc 22,42) et pour le supplier de raccourcir notre chemin de croix au Liban ! Il écoutera notre supplique et nous dira comme Il a dit à Marie : « Une seule chose est nécessaire. C’est bien vous qui avez choisi la meilleure part en votre foi et votre espérance; elle ne vous sera pas enlevée ».



20h30 : Le président de la République le général Michel Aoun s’adresse aux Libanais, dans un discours télévisé suivi d’un dialogue en direct avec le journaliste Ricardo Karam, à l’occasion de la commémoration du premier centenaire de la déclaration du Grand Liban (faite par le général Henri Gouraud le 1er septembre 1920). Il a affirmé entre autre :


« Pour que le 1er septembre 2020 complète le 1er septembre 1920, et parce que je suis convaincu que seul un État civil est capable de protéger le pluralisme, de le préserver en le transformant en unité réelle, je demande que le Liban soit déclaré État civil. Je m'engage à appeler au dialogue les autorités spirituelles et les dirigeants politiques afin d'arriver à une formule acceptable par tous et pouvant être mise en place à travers des amendements constitutionnels appropriés ». « Il est temps d'améliorer, d'amender ou de changer le système libanais, appelez-le comme vous le voulez. Mais le Liban a besoin d'un nouveau système de gestion de ses affaires, basée sur la citoyenneté et un Etat civil ». « Le système communautaire basé sur les droits des communautés et des quotes-parts a été bon à une certaine époque. Mais aujourd'hui, il constitue un obstacle contre toute avancée ou progression, contre les réformes et la lutte contre la corruption. Il est devenu le terreau de la sédition, de la provocation et des divisions ».



Le président Aoun retrouve ainsi une idée chère au Patriarche Elias Hoyek qui concevait le Liban en 1920 comme un Etat civil où les communautés vivraient dans le respect mutuel de leur diversité. Et c’est ce que le Patriarche Béchara Raï ne cesse de réclamer.


Cette affirmation du président Aoun est prise tout de suite par la presse française, qui rapporte cependant que « le président Aoun appelle à déclarer le Liban Etat laïc » (et non Etat civil, et pour nous la nuance est importante), à la veille de l’arrivée au Liban du président Macron qui a déjà exigé de la classe politique libanaise d’aller vers un nouveau contrat politique et social qui réviserait le système confessionnel


Plus tôt la journée, le secrétaire général du Hezbollah, Sayyed Hassan Nasrallah, qui avait pris l’habitude depuis un bon moment de faire ses interventions télévisées avant toute apparition du président Aoun, a affirmé que son parti « est disposée à discuter d'un nouveau pacte politique au Liban, proposé par le président Macron ». « Nous sommes ouverts à toute discussion constructive sur le sujet mais à la condition que ce soit la volonté de toutes les parties libanaises ». « Ces derniers jours, nous avons entendu de la part de responsables français des critiques sévères contre le système confessionnel libanais. Nous sommes ouverts à toute discussion constructive à ce sujet, pour aboutir à un nouveau pacte politique, mais ce débat doit être le fruit de la volonté de toutes les composantes politiques du pays. Nous devons respecter les appréhensions des autres ».



Lundi 31 août 2020


A 9h00 : Le président Michel Aoun entame au palais de Baabda les consultations parlementaires devant amener à la nomination du Premier ministre, en commençant par les anciens Premiers ministres qui avaient déjà déclaré dans la nuit qu’ils proposeraient le nom du Dr Moustafa ADIB de Tripoli. Les différents blocs parlementaires sont passés successivement à Baabda ; mais on savait déjà qu’il y avait un consensus sur le nom du Dr Adib.


A 13h30 : le Directeur général de la présidence de la République annonce que le président Aoun vient d’appeler Dr Moustafa Adib pour lui signifier, en présence du président du Parlement M. Nabih Berry, comme le veut la Constitution, les résultats des consultations (90 voix sur 120 pour Adib, seul le bloc des Forces libanaises avait nommé M. Nawwaf Salam) et sa nomination comme Nouveau Premier ministre du Liban.



Dr Moustafa Adib est né (curieusement) le 31 août 1972 à Tripoli, deuxième capitale du Liban. Marié avec une française et père de cinq enfants.


Titulaire de diplômes en droit et en sciences politiques de Montpellier - France, il a débuté sa carrière en l’an 2000 comme professeur de droit public international à l'Université libanaise et dans d'autres universités au Liban et en France. En 2004, il devient président du Centre d’études stratégiques pour le Moyen-Orient, au sein duquel il a conduit de nombreuses études dans le domaine politique. Il est président de l’Association libanaise de droit international (ALDI).


De 2000 à 2004, il a été directeur de cabinet de Najib Mikati, alors ministre des Travaux Publics. En 2011, il a été directeur de cabinet de M. Mikati au moment de son deuxième mandat à la tête du gouvernement. Puis tiré de son poste de professeur à l’Université libanaise pour être nommé, hors cadre, ambassadeur du Liban en Allemagne en 2013.


Et de l’Allemagne qu’il est appelé à être Premier ministre à un moment crucial de l’histoire du Liban.


Que dire de cette nomination ? Il est tôt de juger. Mais on peut déjà avancer, à son avantage qu’il est nommé par les anciens Premiers ministres (sunnites) et la majorité des députés sunnites qui le soutiendront, et la majorité des autres blocs parlementaires qui ont acquiescé ! Il est un universitaire, un homme d’Etat et un diplomate reconnu pour sa compétence, sa loyauté, sa transparence et son ouverture. Il faut compter aussi sa formation française qui fait de lui un homme d’analyse et de méthode.


Et à son inconvénient, on peut dire qu’il risque d’être à la solde de ceux qui l’ont nommé, donc qui les couvrira par la suite, avec son gouvernement, de tout jugement pour leur passé (car ils font partie de la classe politique corrompue), et de ne pas être tout à fait indépendant et libre de ses décisions qui seraient, pourtant, décisives pour l’avenir du Liban et pour la crédibilité de son gouvernement. Ils le chargent donc de mettre en marche immédiatement les réformes exigées à condition de ne plus revenir en arrière pour demander des comptes et juger ceux qui ont pillé le trésor public et l’argent des citoyens !


Attendons voir.



Tout de suite après sa nomination, et à l'issue de son entretien avec le président Aoun, le nouveau Premier ministre a fait une courte déclaration :


« En ces circonstances, notamment après la double explosion meurtrière de Beyrouth le 4 août dernier, le temps n'est plus aux paroles, aux promesses ou aux espérances. Le temps est à l'action, avec la coopération de tous, pour que le pays se rétablisse et pour que le peuple retrouve la confiance en l'avenir, car l'inquiétude est grande ». « L'opportunité qui s'offre à nous est mince. Nous voulons former une équipe de travail homogène, formé d'experts et de personnes compétentes, et lancer rapidement, en coopération avec le Parlement, les réformes nécessaires face à la crise économique et financière, avec comme point de départ un accord avec le Fonds monétaire international ».


Il a ensuite rapidement quitté Baabda pour se dirigé vers les quartiers de Gemmayzé et de Mar Mikhaël, dévastés par la double explosion du 4 août.


Aux journalistes qui l’ont suivi, il a affirmé qu’il voulait « effectuer cette visite par solidarité avec les Beyrouthins ». « Il n’y a pas de mots pour exprimer l'ampleur de la dévastation ». « Nous espérons que la reconstruction se fera le plus rapidement possible et que les résultats de l'enquête sur les causes de l'explosion puissent être présentés rapidement devant l'opinion publique ».


Certains habitants de ces quartiers ont accepté de parler brièvement avec lui alors que d’autres ont refusé de lui adresser la parole et ont scandé « Révolution ! » à son passage.



21h00 : le président Emmanuel Macron arrive au Liban pour une deuxième visite en trois semaines ! Son avion atterrit à l’aéroport de Beyrouth. Il est Accompagné du ministre des Affaires étrangères, M. Jean-Yves Le Drian, et du ministre des Solidarités et de la Santé, M. Olivier Véran. A son arrivée il a écrit sur Twitter le message suivant, émouvant et encourageant pour les Libanais :


« Libanais, vous êtes comme des frères pour les Français. Je vous en ai fait la promesse : je reviens à Beyrouth pour faire le point sur l'aide d'urgence et bâtir avec vous les conditions de la reconstruction et de la stabilité ».


Il a été accueilli par le président le général Michel Aoun, avec qui il a eu un entretien au salon d’honneur. Puis il a déclaré aux journalistes :


« Je suis heureux de revenir, comme je l'avais promis, au Liban et d'être ici ce soir à Beyrouth, comme je m'y étais engagé le 6 août dernier. Revenir d'abord pour rendre compte de l'aide internationale, de l'aide humanitaire qui a suivi l'explosion et sur laquelle je m'étais engagé … J'aurai l'occasion demain de me rendre au port pour faire le point sur ce sujet et l'ensemble des projets. On regardera également les éléments de coopération d'urgence en matière sanitaire en allant notamment à l'hôpital Rafic Hariri, car je n'oublie pas que le Liban est touché aussi par le Covid-19. J'aurai l'occasion aussi d'aborder les sujets d'école, d'éducation, de reconstruction (...) et de revenir sur le soutien au peuple libanais. (...).


« Nous aurons l'occasion demain de, non seulement commémorer les cent ans du Grand Liban, mais aussi d'en tirer toutes les leçons et de nous projeter vers l'avenir. Et enfin, et peut-être surtout, l'objectif de cette visite est de faire le point d'étape sur la situation politique. Ma position est toujours la même : l'exigence sans ingérence ».


Il a donc donné son programme très chargé de demain. Il a ensuite salué la nomination du nouveau premier ministre et affirmé qu’il voulait s'assurer « que c'est bien un gouvernement de mission qui sera formé au plus vite pour mettre en œuvre les réformes que nous connaissons au service des Libanaises et des Libanais ». Il a tenu à énumérer ces réformes, qu’il transmettra par écrit demain comme feuille de route aux responsables politiques : « La réforme des marchés publics, de la justice, lutte contre la corruption, la réforme de l'énergie et de l'électricité, la réforme du port, une meilleure gestion de la Banque centrale et du système bancaire. Autant de réformes indispensables sur lesquelles de mon côté je me suis engagé, pour que, si elles sont prises par un gouvernement de mission, la communauté internationale, et en premier chef la France, puisse s'engager en soutien du Liban et des Libanais ».


Il a quitté l’aéroport en direction de Rabieh, non loin d’Antélias à l’Est de Beyrouth, avec un retard d’une heure et demie, où il était attendu à dîner par « l’icône de la chanson libanaise et du monde arabe » la chanteuse Fayrouz qu’il a avait tenu à visiter en premier lieu pour « vénérer le symbole d’unité du Liban et des Libanais en sa personne et confirmer son rôle culturel pour le Liban et le monde arabe. Le dîner est annulé, mais la rencontre fut très amicale et appréciée, alors que Fayrouz avait refusé la présence des Médias ; car elle est enfermée chez elle depuis quinze ans en signe de deuil pour la situation dégradante du Liban.


Le président Macron est enfin redescendu à Beyrouth pour y rencontrer M. Saad Hariri.



Mardi 1er septembre 2020


La journée de la commémoration du premier centenaire de la Déclaration du Grand Liban commence pour le président Macron à 9h30 dans la forêt des Cèdres de Jaj (une des plus anciennes du Liban où on a tiré les cèdres destinés à la construction du temple du roi Salomon à Jérusalem), dans les hauteurs de Jbayl-Byblos, où il est arrivé en hélicoptère pour une petite cérémonie au cours de laquelle il a planté un cèdre.


Il s’est ensuite envolé pour Beyrouth où il s’est rendu dans le secteur dévasté du port pour s’entretenir avec des représentants de l’ONU et des ONG locales sur le porte-hélicoptères « Le Tonnerre » (arrivé le 14 août). A l’issue de la rencontre, il a déclaré : « Il faut qu'on continue à mobiliser toute la communauté internationale (...) Je suis prêt à ce qu'on réorganise, autour peut-être de mi-fin octobre, une conférence internationale de soutien avec les Nations unies ». « Je suis tout à fait prêt même à l'accueillir à Paris (...), qu'on puisse à nouveau demander un soutien à tous les Etats pour financer les besoins sur le terrain ».


Après un tour dans les quartiers dévastés d’Achrafieh où il a écouté les doléances des citoyens, il s’est rendu au palais présidentiel de Baabda où le président Aoun a offert un déjeuner en son honneur en présence de tous les leaders politiques et des ambassadeurs des pays européens et de certains pays arabes.


Au cours du déjeuner, M. Macron a prononcé un discours, émouvant et imbibé de l’histoire de l’amitié franco-libanaise, qui restera pour l’histoire. J’ai réussi à obtenir l’enregistrement de ce discours qui n’a pas été diffusé à la presse. Voici le texte intégral :



« Merci Monsieur le Président, merci à vous tous, de nous accueillir aujourd’hui avec cette délégation composée de plusieurs ministres, de parlementaires, de fonctionnaires, de militaires, d’humanitaires, d’artistes, d’entrepreneurs, vu la richesse qui est la nôtre et la volonté d’être au côté du Liban aujourd’hui.


Vous l’avez rappelé, Monsieur le Président ; c’est un bel anniversaire, c’est un centenaire qui se tient quelques jours à peine après la terrible explosion du 4 août dernier. Vous rappeliez les termes de Gouraud lors de la fondation du Grand Liban, espoir et fierté. Dans ce discours très court, il appelait chacun à servir au-dessus des ses intérêts particuliers ; ce qui est d’ailleurs le principal message de son discours ; et il est d’une actualité aussi virulente que cruelle. Je ne sais ce que donneront les prochaines semaines et les prochains mois. Je sais une chose : c’est que si cet appel à dépasser les intérêts personnels n'est pas exaucé, même cent ans après, la promesse sera trahie, parce que votre pays est une promesse. Une promesse pour lui-même, un pays frère et ami pour le nôtre.


Et cette amitié ne se justifie pas simplement à travers des dates, des engagements, des destins croisés, même si c’est énorme, à travers tant de destins de femmes et d’hommes, artistes, intellectuels, entrepreneurs, contemporains ou passés ; c’est parce qu’il y a quelque chose dans ce message que le Liban est dans le cœur de la France, un amour inconditionnel de la liberté, un attachement à l’égalité entre les citoyens, et un attachement à ce qu’on appelle le pluralisme ; et c’est au fond l’idée de dire que lorsqu’on a décidé d’être citoyen d’un même pays quelque soit son clan, quelque soit sa famille, quelque soit sa religion, quelques soient ses intérêts, on est avant tout citoyen de ce pays, et dans un rapport à l’universel.


Et c’est ce qui fait qu’aujourd’hui, tout particulièrement dans cette région, le message du Liban est encore plus important qu’il y a cent ans , car vous en êtes sans doute parmi les derniers dépositaires, alors que ce qui n’a pas été réussi par d’autres avant dans des temps plus faciles le soit aujourd’hui par vous parce que c’est vous dans des temps plus durs presque impossibles. Nous, nous serons là avec la même amitié, la même fidélité ; fidélité dans cette histoire et dans ce qui l'unit ; c’est une exigence de la souveraineté et de l'amour inconditionnel de la liberté.


Voilà ce que je voulais vous dire en cette journée. Elle n'est pas une simple célébration, mais je l'espère profondément le début d'une nouvelle ère.


Vive le Grand Liban, vive le Liban, vive l’amitié entre le Liban et la France ».



Dans l’après-midi, il a visité l’hôpital gouvernemental Rafic Hariri de Beyrouth, un établissement en première ligne dans la lutte contre le Covid-19.


Puis il est revenu à la Résidence des Pins pour rencontrer les responsables politiques du Liban qu’il avait rencontrés lors de sa première visite. Mais avant ce rendez-vous, il a tenu à rencontrer, à 18h30, notre Patriarche maronite le Cardinal Béchara Raï qui lui a remis le « Mémorandum sur le Liban et la neutralité active », en présence du ministre des Affaires étrangères M. Jean-Yves le Drian et l’ambassadeur de France au Liban M. Bruno Foucher et le Directeur général de l’Oeuvre d’Orient Mgr Pascal Gollnisch.


A 19h00, il a rencontré les leaders politiques en leur consignant « la Feuille de route de la France – Le programme du nouveau gouvernement » qui contient les lignes directrices des réformes à effectuer, « une condition sine qua non pour que le Liban obtienne l’aide internationale promise ».


Je les résume comme suit :


1) La lutte contre le Covid 19 et la protection sociale.


2) L’urgence de remédier aux conséquences de l’explosion du 4 août au niveau de l’aide humanitaire internationale et de sa gouvernance dans la transparence, ainsi que la poursuite de l’enquête indépendante sur les causes de l’explosion.


3) Les réformes urgentes : le secteur de l’électricité et de l’énergie, le Capital Control, la gouvernance publique et une meilleure gestion de la Banque centrale et du système bancaire, l’indépendance de la Justice.


La lutte contre la corruption et la contrebande et la réforme des douanes (des mesures à prendre en l’espace d’un mois).


La réforme des marchés publics et la coopération entre les secteurs public et privé (des mesures à prendre en l’espace d’un mois).


Les finances publiques : le vote d’une loi, en l’espace d’un mois, qui rectifie les comptes publics et revoie les dépenses de 2020 ainsi que la préparation du budget de 2021.


4) Les élections : le nouveau gouvernement réformera la loi électorale de sorte à impliquer la société civile et organisera des élections législatives dans un délai d’un an au maximum.


Ce n’est qu’à 22h30, qu’il a tenu sa conférence de presse avant de quitter le Liban.



Mercredi 2 septembre 2020


9h30 : Nous sommes à Dimane pour la réunion mensuelle de l’Assemblée des Evêques maronites sous la présidence de Sa Béatitude le Patriarche Raï.


Après la prière, Sa Béatitude nous met au courant de sa rencontre avec le président français M. Macron. Il a dit notamment :


« Entouré de son ministre des Affaires étrangères M. Jean-Yves Le Drian, de l’ambassadeur de France au Liban M. Bruno Foucher, et du Directeur général de l’Oeuvre d’Orient M. Pascal Gollnisch, le président Macron nous a accueilli à la Résidence des Pins, là où le général Henri Gouraud avait prononcé, il y a cent ans, la Déclaration du ‘Grand Liban’ réclamé par le Vénérable Patriarche Elias Hoyek au Congrès de Versailles à la fin de la Première Guerre mondiale. Je lui ai présenté le ‘Mémorandum sur le Liban et la neutralité active’, et je lui ai demandé si la France appuie la neutralité du Liban. Il m’a répondu : oui, nous sommes avec la neutralité qui fait partie de la mission et du rôle du Liban dans la région.


Je lui ai parlé ensuite de nos appréhensions majeures :


La première concerne les réfugiés syriens. Nous considérons qu’ils sont des citoyens syriens et ils ne doivent pas perdre leur nationalité, leur appartenance et leur pays. Il faut qu’ils rentrent et qu’ils regagnent leur terre. Le président Macron a avancé des raisons politiques comme conditions au retour des réfugiés.


La deuxième concerne l’éducation. Vu le rôle séculaire de l’Eglise dans l’Education et la Culture en partenariat avec la France, le Liban compte sur l’aide de la France pour permettre aux institutions scolaires et universitaires de réparer les dégâts et reprendre leur mission au service des citoyens libanais et non libanais. Le président Macron a promis de redoubler l’aide de la France dans ce domaine.


La troisième concerne le Hezbollah. Les armes du Hezbollah sont illégales et devaient être remises à l’Etat selon les accords de Taëf (1989) et la nouvelle Constitution. C’est un facteur de déséquilibre national qui empêche les Libanais de se rencontrer autour d’une même table pour discuter de leur avenir. Le président Macron a répété la position de la France qui est celle de considérer le Hezbollah comme parti politique et représentatif d’une partie des Libanais au Parlement et au Gouvernement, mais qui refuse catégoriquement les armes du Hezbollah comme étant illégales et devraient être remises à l’Etat, le seul chargé de défendre le Liban.


Ma quatrième concerne le nouveau contrat politique réclamé par nous-mêmes et dernièrement par le président Macron. Notre crainte réside dans le fait qu’on discute, sous la table, un nouveau système politique basé sur une trilogie de chrétiens, sunnites, chiites. C’est une formule de pouvoir que nous refusons catégoriquement car elle renforce le confessionnalisme ; alors que nous réclamons, depuis le Patriarche Hoyek en 1919, la mise en place de l’Etat civil et la promotion de la citoyenneté. Le président Macron a répété ce qu’il avait dit à Baabda hier que la France est attachée au pluralisme du Liban qui « est au fond l’idée de dire que lorsqu’on a décidé d’être citoyen d’un même pays quelque soit son clan, quelque soit sa famille, quelque soit sa religion, quelques soient ses intérêts, on est avant tout citoyen de ce pays, et dans un rapport à l’universel ».


11h40 : Alors que nous discutions de la situation de notre peuple, et particulièrement de la population de Beyrouth, toujours aussi critique à la suite de la double explosion du 4 août, nous avons reçu du Vatican la surprise de l’appel de Sa Sainteté le Pape Jean-Paul II pour « une journée universelle de prière et de jeûne pour le Liban vendredi prochain 4 septembre » à la fin de son audience générale et l’envoi de son Secrétaire d’Etat le Cardinal Parolin au Liban. La nouvelle nous a soulagés et nous a réconfortés dans nos épreuves. Le Pape, le Vatican et l’Eglise, comme d’ailleurs la France de manière spéciale et les pays amis, ne nous abandonnent pas à notre triste sort. Nous avons alors recommandé à tous nos prêtres et religieux d’organiser cette journée de prière et de jeûne dans nos diocèses et nos couvents.


Voici le texte intégral du mot du Pape François qui se retrouve d’ailleurs avec les messages du Saint Pape Jean-Paul II et du président Emmanuel Macron :


« Chers frères et sœurs,


A un mois de la tragédie qui a touché la ville de Beyrouth, mes pensées vont encore au cher Liban, à sa population particulièrement éprouvée.


Et ce prêtre qui est ici à l’audience, a apporté le drapeau du Liban.


Saint Jean Paul II l’avait dit il y a trente ans à un moment crucial de ce pays.


Moi aussi aujourd’hui je répète, face aux drames répétés que chacun des habitants de cette terre connaît, nous prenons conscience de l'extrême danger qui menace l'existence même du pays. Le Liban ne peut pas être abandonné à sa solitude.


En plus de cent ans le Liban a été un pays d’espérance même durant les périodes les plus sombres de son histoire. Les Libanais ont gardé leur foi en Dieu et démontré leur capacité de faire de leur terre un lieu de tolérance, de respect, de convivialité continue, unique dans cette région. Le Liban représente plus qu'un Etat ; le Liban est un message de liberté et un exemple de pluralisme, aussi bien pour l'Orient que pour l'Occident. Et pour le bien même de ce pays mais aussi du monde entier, nous ne pouvons pas permettre que ce patrimoine soit perdu.


J’encourage tous les Libanais à continuer à espérer et à retrouver la force et l’énergie nécessaire pour repartir.


Je demande aux dirigeants politiques libanais et aux leaders religieux du pays de s'employer avec sincérité et transparence dans l’œuvre de reconstruction, laissant tomber les intérêts de parties et en considérant le bien commun et l’avenir de cette nation. Je renouvelle aussi l’invitation à la communauté internationale à soutenir ce pays pour l'aider à sortir de la grave crise, sans être impliquée dans les tensions régionales.


Tout particulièrement je m’adresse aux habitants de Beyrouth durement éprouvés :


Reprenez courage, frères, la foi et la prière soient votre force ; n'abandonnez-pas vos maisons et votre héritage ! Ne brisez pas le rêve de ceux qui ont cru en l’avenir d’un pays beau et prospère.


Chers pasteurs, évêques, prêtres, consacrés, hommes et femmes laïcs, continuez à accompagner vos fidèles. Vous évêques et prêtres, je vous demande zèle apostolique ; je vous demande pauvreté, pas de luxe, pauvreté avec votre peuple pauvre qui souffre. Donnez l’exemple de pauvreté et d’humilité. Aidez votre peuple et vos fidèles à se relever et à être protagonistes d’une nouvelle renaissance. Soyez tous des artisans de concorde et renouez au nom de l’intérêt commun avec une véritable culture de la rencontre, du vivre ensemble dans la paix, dans la fraternité, ce mot si cher à Saint François, la fraternité. Que cette concorde soit un renouveau de l’intérêt commun. Sur ce fondement on pourra assurer la continuité de la présence chrétienne et votre contribution au pays, au monde arabe et à toute la région, dans un esprit de fraternité entre toutes les traditions religieuses qui existent au Liban.


C’est pour cette raison que je souhaite inviter à vivre une journée universelle de prière et de jeûne pour le Liban vendredi prochain 4 septembre. J’ai l’intention d’envoyer un représentant ce jour-là au Liban pour accompagner la population. Le Secrétaire d’Etat partira au Liban en mon nom. Il ira pour exprimer ma proximité et toute ma solidarité. Offrons nos prières pour tout le Liban et pour Beyrouth. Nous sommes aussi proches avec l’engagement de la charité


Comme dans d’autres occasions semblables, j’invite aussi les frères et sœurs d’autres confessions de traditions religieuses à s’associer à cette initiative dans les modalités qu’ils estimeront les plus opportunes. Et tous ensemble, je vous demande de confier à Marie, Notre-Dame de Harissa, nos angoisses et nos espérances ; qu’elle soit Elle à soutenir ceux qui pleurent leurs proches et à donner du courage à tous ceux qui ont perdu leurs maisons et une partie de leur vie. Qu’Elle intercède auprès du Seigneur Jésus afin que la terre des Cèdres puisse renaître et diffuse le parfum du vivre ensemble dans toute la région du Moyen-Orient.


Maintenant je vous invite, vous tous, à vous mettre debout en silence et à prier pour le Liban en silence ».



Jeudi 3 septembre 2020


09h40 : Je suis à Beyrouth avec le groupe du service de la charité du diocèse qui poursuit sa mission dans la paroisse de Saint Antoine de Padoue dans les quartiers sinistrés. Je suis accompagné par le vicaire général Mgr Pierre Tanios, P. François Harb coordinateur du groupe du Service de la Charité, Dr Charles Zaiter Médecin Maire représentant l’Union des municipalités de Batroun, M. Elie Samarani architecte président de Caritas diocésaine, M. Jospeh Ajaltouni directeur provincial des Conférences de Saint Vincent de Paul, M. Ziad Wakim ingénieur civil représentant les jeunes du Mouvement marial.


Le curé, Père Dany Jalkh, nous accueille dans son église provisoirement remise en état d’accueillir les fidèles alors que le complexe paroissial, que nous avons visité, est toujours en état sinistre. Après avoir prié ensemble pour les victimes, les blessés et les sinistrés, Père Dany nous a expliqué que 7 familles seulement, sur les 400 familles que compte sa petite paroisse de ce Beyrouth dévasté, logent le soir sur les lieux, alors que les autres viennent le jour pour essayer de déblayer leurs maisons ou appartements et de commencer les réparations.


Nous sommes partis ensuite, avec le Père Dany, à la rencontre des gens, de ses paroissiens, pour les écouter dire leurs doléances en visitant leurs maisons :


« Nous avons tout perdu ! Et ce que l’explosion du 4 août n’a pas détruit, des malfaiteurs sont venus voler ce qui restait dans nos maisons ! ». « Un mois après le désastre, nous n’avons pas les moyens de réparer nos maisons ou nos appartements. Un grand nombre d’agents de ONG sont venus enquêter sur notre situation en remplissant des formulaires, mais nous n’avons toujours pas de réponses, ni de financement ». « Nos maisons, comme celles du quartier, sont classées monuments historiques. Nous ne pouvons pas y toucher sans la permission de la Direction générale du Patrimoine qui n’a cependant les moyens pour financer les restaurations ».


« Nous ne voulons pas vendre nos maisons et nous ne voulons pas les quitter. Mais que l’on nous aide à y rester et à réparer avant la saison des pluies ». « Nous rendons grâce au Seigneur pour la présence du Père Dany au milieu de nous ».


A la fin de notre tournée, vers 12h10, nous sommes revenus à l’église pour faire le point avec le Père Dany sur l’aide que nous pouvons apporter. A vrai dire les coûts des réparations sont énormes, mais nous essayons d’assurer une proximité avec les habitants et leur assurer un petit financement mais surtout une main d’œuvre volontaire pour les travaux de réparation. Dimanche prochain je reviendrai célébrer la Messe à Saint Antoine avec des jeunes volontaires de Batroun de toutes les spécialisations et je lancerai une permanence pour assurer l’accompagnement spirituel, social, psychique et familial de ceux que le Père Dany désignera.



Dans l’après-midi, L’envoyé de Sa Sainteté le pape François le Cardinal Secrétaire d’Etat Pietro Parolin arrive à Beyrouth. Il se dirige immédiatement vers le Centre ville, à l’évêché maronite où il est accueilli par S. Exc. Mgr Paul Abdessater, en présence du Nonce apostolique au Liban S. Exc. Mgr Joseph Spiteri ainsi que du Directeur général de l’œuvre d’Orient Mgr Pascal Gollnisch. Ils commencent la visite de la ville dévastée. A la cathédrale maronite de Saint Georges, le Cardinal Parolin rencontre les chefs religieux, chrétiens et musulmans, de la ville. Le Cardinal prononce un mot au nom du pape :


« Nous sommes encore choqués de ce qui s’est passé. Nous demandons à Dieu de donner sa paix à toutes les victimes… Nous prions pour que Dieu nous fortifie afin de prendre soin de tous ceux qui ont été affectés et pour reconstruire Beyrouth ». « Le pape François m’a demandé de venir vous rencontrer ».


« Vous n’êtes pas seuls !… Nous sommes à vos côtés en silence et dans la solidarité… A vos côtés, nous trouvons le courage de crier ensemble : “assez”. Notre souffrance peut nous aider à purifier nos intentions et à renforcer notre résolution à vivre ensemble dans la paix et dans la dignité ».


« Ensemble nous pouvons vaincre la violence et toutes les formes d’autoritarisme, en promouvant une citoyenneté inclusive fondée sur le respect des droits et des devoirs fondamentaux ». « Personne ne devrait manipuler les rêves des jeunes générations, mais plutôt faciliter leur participation active dans la construction de la société ». « Puissiez-vous continuer à offrir un exemple de solidarité sincère, fidèle aux traditions libanaises de résilience, de créativité et de soutien mutuel ». Et de répéter l’appel du pape François à la communauté internationale : « Ne laissez pas le Liban seul ! Le Liban a besoin du monde, mais le monde aussi a besoin de l’expérience unique de pluralisme, de convivialité dans la solidarité et dans la liberté, qu’est le Liban. »


Il a ensuite effectué des visites de solidarité aux cathédrales grecque-orthodoxe où il est accueilli par le métropolite Elias Aideh, et grecque-catholique où il est accueilli par le métropolite Georges Bacouni, ainsi qu’à la mosquée Mohammad el-Amine.



A 20h30 : Le Cardinal Parolin est à Notre-Dame du Liban à Harissa pour présider la célébration eucharistique au nom du Pape François. Et face à une assemblée de jeunes, dont beaucoup en ce moment pensent à l’émigration, (certains avancent le chiffre de 300.000 demandes de visa !), Son Eminence lance :


« Vous n’êtes pas seuls dans vos épreuves, le monde entier se solidarise aujourd’hui avec vous ». « Encore très peu, le Liban se transformera en verger, et le verger en forêt », citation du prophète Isaïe. « Je vous invite à reprendre des forces, à tenir bon, à espérer ». Il a ensuite a répété les mots prononcés par le pape la veille en annonçant la Journée de prière et de jeûne : « Reprenez courage, que la foi et la prière soient votre force. N’abandonnez pas vos maisons et votre héritage, ne brisez pas le rêve de ceux qui ont cru à l’avenir d’un pays beau et prospère ».




Vendredi 4 septembre 2020


La journée de prière et de jeûne recommandée par Sa Sainteté le pape François est suivie dans tout le Liban et à tous les niveaux, mais aussi dans le monde, selon les informations qui nous arrivent un peu de partout. Le Cardinal Parolin a adressé un message vocal enregistré de sa voix au nom du pape François :


« Le pape François invite à faire confiance à la fidélité de Dieu, en priant : Seigneur, nous croyons que tu veilles sur ta Parole, pour la réaliser, et nous espérons, contre toute espérance ou tout malheur. Nous Te remercions pour ton amour qui s’est exprimé par la solidarité de nombreuses personnes. Nous Te confions notre pays, le Liban, son peuple, ses leaders religieux et politiques et ses jeunes, afin qu’ils réalisent sa vocation de message de paix et de fraternité à laquelle tu l’as appelé. Amen. »



10h00 : Le Cardinal Parolin commence sa deuxième journée par une visite au président de la République le général Michel Aoun à Baabda où il a insisté sur l’importance de « préserver l’identité du Liban ». Il est descendu à Beyrouth où il s’est arrêté pour « un moment de prière devant les hangars tordus du port de Beyrouth », à l’issue duquel il a déposé une couronne de fleurs contre la rambarde bordant le trottoir. Il a ensuite visité les deux hôpitaux du Rosaire et de Geitaoui où il a félicité les religieuses et le personnel des deux hôpitaux les considérant comme « les véritables héros de la catastrophe, puisqu’ils ont oublié de panser leurs propres plaies, pour continuer à servir leurs frères et sœurs ». Il a également annoncé qu’une somme de 400 000 euros sera remise à chacun des deux hôpitaux, collectés par L’Œuvre d’Orient. Il a visité aussi l’école du Sacré-Cœur des Frères des Ecoles Chrétiennes à Gemmayzé.


13h00 : Le Cardinal Parolin est arrivé à Bkerké où il était attendu par les Patriarches catholiques du Liban pour une rencontre suivie d’un déjeuner à la table de Sa Béatitude le Patriarche Cardinal Raï. En conversation avec les journalistes, le Cardinal Parolin a répondu à la question de « la neutralité active du Liban » : « C’est une question à l’étude ; mais il importe que le Liban soit mis à l’abri des conflits externes et il importe essentiellement au Vatican que le Liban préserve son identité et son rôle au Moyen-Orient et dans le monde comme modèle de vivre ensemble, de pluralisme et de liberté ». Concernant les craintes nourries par les chrétiens du Liban pour leur avenir, il a affirmé : « Je crois que les chrétiens ne doivent avoir aucune crainte. Notre présent et notre avenir sont entre les mains de Dieu. L’expression “ne crains pas” se retrouve souvent dans les Saintes Écritures. Je n’ai fait que le répéter durant mon court séjour. J’ai pris la mesure de vos souffrances. Les destructions que j’ai vues sont inimaginables. Mais j’ai touché du doigt aussi votre volonté de reconstruction et votre désir de repartir. Je suis sûr qu’avec l’aide de Dieu, toutes les épreuves seront surmontées. Le Liban n’est pas seul. Toute l’Église est à ses côtés ».


Après le déjeuner, il s’est rendu dans le quartier de la Quarantaine et s’est arrêté à la caserne des pompiers de Beyrouth qui ont donné dix victimes. Face aux familles endeuillées, le Cardinal était profondément ému ; il a parlé « de gestes qui vont plus loin que les paroles, et de la prière qui traverse toutes les barrières. le Dieu de toute miséricorde est aussi le Seigneur de l’histoire », a-t-il ajouté. Et s’adressant aux religieux et religieuses qui lui ont consigné une lettre adressée au pape François pour « lui transmettre nos cris, nos larmes et nos souffrances de l’enfantement au pris de beaucoup de vies de nos jeunes, ainsi que nos remerciements filiaux », il a dit :


« Vous avez la capacité de vous en sortir et de trouver le chemin, peut-être avec des compromis. Mais vous pouvez le faire avec la grâce de Dieu. Vous l’avez fait par le passé. Les moments de crise sont aussi des moments d’opportunité pour la foi, la croissance et la solidarité. Je transmettrai vos sentiments au pape. On espère qu’il pourra venir et vous réconforter personnellement par une visite ».


Puis il a quitté pour l’aéroport en direction de Rome.



Tous les Libanais vivent dans l’espoir que la visite du pape François se réalisera un jour prochain, comme ont fait ses prédécesseurs Jean Paul II et Benoît XVI à des moments critiques de l’histoire du Liban !



  • Père Mounir Khairallah

Evêque de Batroun ​Lettre aux Amis du 5 septembre 2020



Dimanche 30 août 2020


8h30–13h30 : Je suis en visite pastorale dans deux petites paroisses de montagne (Rachkeddé et Sourate) pour encourager les fidèles en ces temps difficiles et en pleine recrudescence de la propagation du virus Corona Covid 19 qui nous oblige à rester confinés. Et pourtant, ils sont venus nombreux mais en prenant toutes les précautions nécessaires. Ils ont besoin, comme moi d’ailleurs, d’une bouffée d’oxygène spirituel pour reprendre le courage de l’espérance.


L’évangile de ce dimanche dans notre liturgie maronite nous invite à aller avec Jésus « chez Marthe et Marie » (Luc 10, 38-42).


Je voudrais imaginer Jésus entrer ce dimanche dans l’une de nos maisons délabrées de Beyrouth : Il nous trouvera en train de nous « affairer à un service compliqué » ; mais il trouvera aussi qui se mettra « assis au pied du Seigneur » pour l’écouter nous donner confiance en Notre Père céleste dans la tourmente, pour prier avec Lui disant : « Père si Tu veux écarter de nous cette coupe … Pourtant que ce ne soit pas notre volonté mais la tienne qui se réalise » (Luc 22,42) et pour le supplier de raccourcir notre chemin de croix au Liban ! Il écoutera notre supplique et nous dira comme Il a dit à Marie : « Une seule chose est nécessaire. C’est bien vous qui avez choisi la meilleure part en votre foi et votre espérance; elle ne vous sera pas enlevée ».



20h30 : Le président de la République le général Michel Aoun s’adresse aux Libanais, dans un discours télévisé suivi d’un dialogue en direct avec le journaliste Ricardo Karam, à l’occasion de la commémoration du premier centenaire de la déclaration du Grand Liban (faite par le général Henri Gouraud le 1er septembre 1920). Il a affirmé entre autre :


« Pour que le 1er septembre 2020 complète le 1er septembre 1920, et parce que je suis convaincu que seul un État civil est capable de protéger le pluralisme, de le préserver en le transformant en unité réelle, je demande que le Liban soit déclaré État civil. Je m'engage à appeler au dialogue les autorités spirituelles et les dirigeants politiques afin d'arriver à une formule acceptable par tous et pouvant être mise en place à travers des amendements constitutionnels appropriés ». « Il est temps d'améliorer, d'amender ou de changer le système libanais, appelez-le comme vous le voulez. Mais le Liban a besoin d'un nouveau système de gestion de ses affaires, basée sur la citoyenneté et un Etat civil ». « Le système communautaire basé sur les droits des communautés et des quotes-parts a été bon à une certaine époque. Mais aujourd'hui, il constitue un obstacle contre toute avancée ou progression, contre les réformes et la lutte contre la corruption. Il est devenu le terreau de la sédition, de la provocation et des divisions ».



Le président Aoun retrouve ainsi une idée chère au Patriarche Elias Hoyek qui concevait le Liban en 1920 comme un Etat civil où les communautés vivraient dans le respect mutuel de leur diversité. Et c’est ce que le Patriarche Béchara Raï ne cesse de réclamer.


Cette affirmation du président Aoun est prise tout de suite par la presse française, qui rapporte cependant que « le président Aoun appelle à déclarer le Liban Etat laïc » (et non Etat civil, et pour nous la nuance est importante), à la veille de l’arrivée au Liban du président Macron qui a déjà exigé de la classe politique libanaise d’aller vers un nouveau contrat politique et social qui réviserait le système confessionnel


Plus tôt la journée, le secrétaire général du Hezbollah, Sayyed Hassan Nasrallah, qui avait pris l’habitude depuis un bon moment de faire ses interventions télévisées avant toute apparition du président Aoun, a affirmé que son parti « est disposée à discuter d'un nouveau pacte politique au Liban, proposé par le président Macron ». « Nous sommes ouverts à toute discussion constructive sur le sujet mais à la condition que ce soit la volonté de toutes les parties libanaises ». « Ces derniers jours, nous avons entendu de la part de responsables français des critiques sévères contre le système confessionnel libanais. Nous sommes ouverts à toute discussion constructive à ce sujet, pour aboutir à un nouveau pacte politique, mais ce débat doit être le fruit de la volonté de toutes les composantes politiques du pays. Nous devons respecter les appréhensions des autres ».



Lundi 31 août 2020


A 9h00 : Le président Michel Aoun entame au palais de Baabda les consultations parlementaires devant amener à la nomination du Premier ministre, en commençant par les anciens Premiers ministres qui avaient déjà déclaré dans la nuit qu’ils proposeraient le nom du Dr Moustafa ADIB de Tripoli. Les différents blocs parlementaires sont passés successivement à Baabda ; mais on savait déjà qu’il y avait un consensus sur le nom du Dr Adib.


A 13h30 : le Directeur général de la présidence de la République annonce que le président Aoun vient d’appeler Dr Moustafa Adib pour lui signifier, en présence du président du Parlement M. Nabih Berry, comme le veut la Constitution, les résultats des consultations (90 voix sur 120 pour Adib, seul le bloc des Forces libanaises avait nommé M. Nawwaf Salam) et sa nomination comme Nouveau Premier ministre du Liban.



Dr Moustafa Adib est né (curieusement) le 31 août 1972 à Tripoli, deuxième capitale du Liban. Marié avec une française et père de cinq enfants.


Titulaire de diplômes en droit et en sciences politiques de Montpellier - France, il a débuté sa carrière en l’an 2000 comme professeur de droit public international à l'Université libanaise et dans d'autres universités au Liban et en France. En 2004, il devient président du Centre d’études stratégiques pour le Moyen-Orient, au sein duquel il a conduit de nombreuses études dans le domaine politique. Il est président de l’Association libanaise de droit international (ALDI).


De 2000 à 2004, il a été directeur de cabinet de Najib Mikati, alors ministre des Travaux Publics. En 2011, il a été directeur de cabinet de M. Mikati au moment de son deuxième mandat à la tête du gouvernement. Puis tiré de son poste de professeur à l’Université libanaise pour être nommé, hors cadre, ambassadeur du Liban en Allemagne en 2013.


Et de l’Allemagne qu’il est appelé à être Premier ministre à un moment crucial de l’histoire du Liban.


Que dire de cette nomination ? Il est tôt de juger. Mais on peut déjà avancer, à son avantage qu’il est nommé par les anciens Premiers ministres (sunnites) et la majorité des députés sunnites qui le soutiendront, et la majorité des autres blocs parlementaires qui ont acquiescé ! Il est un universitaire, un homme d’Etat et un diplomate reconnu pour sa compétence, sa loyauté, sa transparence et son ouverture. Il faut compter aussi sa formation française qui fait de lui un homme d’analyse et de méthode.


Et à son inconvénient, on peut dire qu’il risque d’être à la solde de ceux qui l’ont nommé, donc qui les couvrira par la suite, avec son gouvernement, de tout jugement pour leur passé (car ils font partie de la classe politique corrompue), et de ne pas être tout à fait indépendant et libre de ses décisions qui seraient, pourtant, décisives pour l’avenir du Liban et pour la crédibilité de son gouvernement. Ils le chargent donc de mettre en marche immédiatement les réformes exigées à condition de ne plus revenir en arrière pour demander des comptes et juger ceux qui ont pillé le trésor public et l’argent des citoyens !


Attendons voir.



Tout de suite après sa nomination, et à l'issue de son entretien avec le président Aoun, le nouveau Premier ministre a fait une courte déclaration :


« En ces circonstances, notamment après la double explosion meurtrière de Beyrouth le 4 août dernier, le temps n'est plus aux paroles, aux promesses ou aux espérances. Le temps est à l'action, avec la coopération de tous, pour que le pays se rétablisse et pour que le peuple retrouve la confiance en l'avenir, car l'inquiétude est grande ». « L'opportunité qui s'offre à nous est mince. Nous voulons former une équipe de travail homogène, formé d'experts et de personnes compétentes, et lancer rapidement, en coopération avec le Parlement, les réformes nécessaires face à la crise économique et financière, avec comme point de départ un accord avec le Fonds monétaire international ».


Il a ensuite rapidement quitté Baabda pour se dirigé vers les quartiers de Gemmayzé et de Mar Mikhaël, dévastés par la double explosion du 4 août.


Aux journalistes qui l’ont suivi, il a affirmé qu’il voulait « effectuer cette visite par solidarité avec les Beyrouthins ». « Il n’y a pas de mots pour exprimer l'ampleur de la dévastation ». « Nous espérons que la reconstruction se fera le plus rapidement possible et que les résultats de l'enquête sur les causes de l'explosion puissent être présentés rapidement devant l'opinion publique ».


Certains habitants de ces quartiers ont accepté de parler brièvement avec lui alors que d’autres ont refusé de lui adresser la parole et ont scandé « Révolution ! » à son passage.



21h00 : le président Emmanuel Macron arrive au Liban pour une deuxième visite en trois semaines ! Son avion atterrit à l’aéroport de Beyrouth. Il est Accompagné du ministre des Affaires étrangères, M. Jean-Yves Le Drian, et du ministre des Solidarités et de la Santé, M. Olivier Véran. A son arrivée il a écrit sur Twitter le message suivant, émouvant et encourageant pour les Libanais :


« Libanais, vous êtes comme des frères pour les Français. Je vous en ai fait la promesse : je reviens à Beyrouth pour faire le point sur l'aide d'urgence et bâtir avec vous les conditions de la reconstruction et de la stabilité ».


Il a été accueilli par le président le général Michel Aoun, avec qui il a eu un entretien au salon d’honneur. Puis il a déclaré aux journalistes :


« Je suis heureux de revenir, comme je l'avais promis, au Liban et d'être ici ce soir à Beyrouth, comme je m'y étais engagé le 6 août dernier. Revenir d'abord pour rendre compte de l'aide internationale, de l'aide humanitaire qui a suivi l'explosion et sur laquelle je m'étais engagé … J'aurai l'occasion demain de me rendre au port pour faire le point sur ce sujet et l'ensemble des projets. On regardera également les éléments de coopération d'urgence en matière sanitaire en allant notamment à l'hôpital Rafic Hariri, car je n'oublie pas que le Liban est touché aussi par le Covid-19. J'aurai l'occasion aussi d'aborder les sujets d'école, d'éducation, de reconstruction (...) et de revenir sur le soutien au peuple libanais. (...).


« Nous aurons l'occasion demain de, non seulement commémorer les cent ans du Grand Liban, mais aussi d'en tirer toutes les leçons et de nous projeter vers l'avenir. Et enfin, et peut-être surtout, l'objectif de cette visite est de faire le point d'étape sur la situation politique. Ma position est toujours la même : l'exigence sans ingérence ».


Il a donc donné son programme très chargé de demain. Il a ensuite salué la nomination du nouveau premier ministre et affirmé qu’il voulait s'assurer « que c'est bien un gouvernement de mission qui sera formé au plus vite pour mettre en œuvre les réformes que nous connaissons au service des Libanaises et des Libanais ». Il a tenu à énumérer ces réformes, qu’il transmettra par écrit demain comme feuille de route aux responsables politiques : « La réforme des marchés publics, de la justice, lutte contre la corruption, la réforme de l'énergie et de l'électricité, la réforme du port, une meilleure gestion de la Banque centrale et du système bancaire. Autant de réformes indispensables sur lesquelles de mon côté je me suis engagé, pour que, si elles sont prises par un gouvernement de mission, la communauté internationale, et en premier chef la France, puisse s'engager en soutien du Liban et des Libanais ».


Il a quitté l’aéroport en direction de Rabieh, non loin d’Antélias à l’Est de Beyrouth, avec un retard d’une heure et demie, où il était attendu à dîner par « l’icône de la chanson libanaise et du monde arabe » la chanteuse Fayrouz qu’il a avait tenu à visiter en premier lieu pour « vénérer le symbole d’unité du Liban et des Libanais en sa personne et confirmer son rôle culturel pour le Liban et le monde arabe. Le dîner est annulé, mais la rencontre fut très amicale et appréciée, alors que Fayrouz avait refusé la présence des Médias ; car elle est enfermée chez elle depuis quinze ans en signe de deuil pour la situation dégradante du Liban.


Le président Macron est enfin redescendu à Beyrouth pour y rencontrer M. Saad Hariri.



Mardi 1er septembre 2020


La journée de la commémoration du premier centenaire de la Déclaration du Grand Liban commence pour le président Macron à 9h30 dans la forêt des Cèdres de Jaj (une des plus anciennes du Liban où on a tiré les cèdres destinés à la construction du temple du roi Salomon à Jérusalem), dans les hauteurs de Jbayl-Byblos, où il est arrivé en hélicoptère pour une petite cérémonie au cours de laquelle il a planté un cèdre.


Il s’est ensuite envolé pour Beyrouth où il s’est rendu dans le secteur dévasté du port pour s’entretenir avec des représentants de l’ONU et des ONG locales sur le porte-hélicoptères « Le Tonnerre » (arrivé le 14 août). A l’issue de la rencontre, il a déclaré : « Il faut qu'on continue à mobiliser toute la communauté internationale (...) Je suis prêt à ce qu'on réorganise, autour peut-être de mi-fin octobre, une conférence internationale de soutien avec les Nations unies ». « Je suis tout à fait prêt même à l'accueillir à Paris (...), qu'on puisse à nouveau demander un soutien à tous les Etats pour financer les besoins sur le terrain ».


Après un tour dans les quartiers dévastés d’Achrafieh où il a écouté les doléances des citoyens, il s’est rendu au palais présidentiel de Baabda où le président Aoun a offert un déjeuner en son honneur en présence de tous les leaders politiques et des ambassadeurs des pays européens et de certains pays arabes.


Au cours du déjeuner, M. Macron a prononcé un discours, émouvant et imbibé de l’histoire de l’amitié franco-libanaise, qui restera pour l’histoire. J’ai réussi à obtenir l’enregistrement de ce discours qui n’a pas été diffusé à la presse. Voici le texte intégral :



« Merci Monsieur le Président, merci à vous tous, de nous accueillir aujourd’hui avec cette délégation composée de plusieurs ministres, de parlementaires, de fonctionnaires, de militaires, d’humanitaires, d’artistes, d’entrepreneurs, vu la richesse qui est la nôtre et la volonté d’être au côté du Liban aujourd’hui.


Vous l’avez rappelé, Monsieur le Président ; c’est un bel anniversaire, c’est un centenaire qui se tient quelques jours à peine après la terrible explosion du 4 août dernier. Vous rappeliez les termes de Gouraud lors de la fondation du Grand Liban, espoir et fierté. Dans ce discours très court, il appelait chacun à servir au-dessus des ses intérêts particuliers ; ce qui est d’ailleurs le principal message de son discours ; et il est d’une actualité aussi virulente que cruelle. Je ne sais ce que donneront les prochaines semaines et les prochains mois. Je sais une chose : c’est que si cet appel à dépasser les intérêts personnels n'est pas exaucé, même cent ans après, la promesse sera trahie, parce que votre pays est une promesse. Une promesse pour lui-même, un pays frère et ami pour le nôtre.


Et cette amitié ne se justifie pas simplement à travers des dates, des engagements, des destins croisés, même si c’est énorme, à travers tant de destins de femmes et d’hommes, artistes, intellectuels, entrepreneurs, contemporains ou passés ; c’est parce qu’il y a quelque chose dans ce message que le Liban est dans le cœur de la France, un amour inconditionnel de la liberté, un attachement à l’égalité entre les citoyens, et un attachement à ce qu’on appelle le pluralisme ; et c’est au fond l’idée de dire que lorsqu’on a décidé d’être citoyen d’un même pays quelque soit son clan, quelque soit sa famille, quelque soit sa religion, quelques soient ses intérêts, on est avant tout citoyen de ce pays, et dans un rapport à l’universel.


Et c’est ce qui fait qu’aujourd’hui, tout particulièrement dans cette région, le message du Liban est encore plus important qu’il y a cent ans , car vous en êtes sans doute parmi les derniers dépositaires, alors que ce qui n’a pas été réussi par d’autres avant dans des temps plus faciles le soit aujourd’hui par vous parce que c’est vous dans des temps plus durs presque impossibles. Nous, nous serons là avec la même amitié, la même fidélité ; fidélité dans cette histoire et dans ce qui l'unit ; c’est une exigence de la souveraineté et de l'amour inconditionnel de la liberté.


Voilà ce que je voulais vous dire en cette journée. Elle n'est pas une simple célébration, mais je l'espère profondément le début d'une nouvelle ère.


Vive le Grand Liban, vive le Liban, vive l’amitié entre le Liban et la France ».



Dans l’après-midi, il a visité l’hôpital gouvernemental Rafic Hariri de Beyrouth, un établissement en première ligne dans la lutte contre le Covid-19.


Puis il est revenu à la Résidence des Pins pour rencontrer les responsables politiques du Liban qu’il avait rencontrés lors de sa première visite. Mais avant ce rendez-vous, il a tenu à rencontrer, à 18h30, notre Patriarche maronite le Cardinal Béchara Raï qui lui a remis le « Mémorandum sur le Liban et la neutralité active », en présence du ministre des Affaires étrangères M. Jean-Yves le Drian et l’ambassadeur de France au Liban M. Bruno Foucher et le Directeur général de l’Oeuvre d’Orient Mgr Pascal Gollnisch.


A 19h00, il a rencontré les leaders politiques en leur consignant « la Feuille de route de la France – Le programme du nouveau gouvernement » qui contient les lignes directrices des réformes à effectuer, « une condition sine qua non pour que le Liban obtienne l’aide internationale promise ».


Je les résume comme suit :


1) La lutte contre le Covid 19 et la protection sociale.


2) L’urgence de remédier aux conséquences de l’explosion du 4 août au niveau de l’aide humanitaire internationale et de sa gouvernance dans la transparence, ainsi que la poursuite de l’enquête indépendante sur les causes de l’explosion.


3) Les réformes urgentes : le secteur de l’électricité et de l’énergie, le Capital Control, la gouvernance publique et une meilleure gestion de la Banque centrale et du système bancaire, l’indépendance de la Justice.


La lutte contre la corruption et la contrebande et la réforme des douanes (des mesures à prendre en l’espace d’un mois).


La réforme des marchés publics et la coopération entre les secteurs public et privé (des mesures à prendre en l’espace d’un mois).


Les finances publiques : le vote d’une loi, en l’espace d’un mois, qui rectifie les comptes publics et revoie les dépenses de 2020 ainsi que la préparation du budget de 2021.


4) Les élections : le nouveau gouvernement réformera la loi électorale de sorte à impliquer la société civile et organisera des élections législatives dans un délai d’un an au maximum.


Ce n’est qu’à 22h30, qu’il a tenu sa conférence de presse avant de quitter le Liban.



Mercredi 2 septembre 2020


9h30 : Nous sommes à Dimane pour la réunion mensuelle de l’Assemblée des Evêques maronites sous la présidence de Sa Béatitude le Patriarche Raï.


Après la prière, Sa Béatitude nous met au courant de sa rencontre avec le président français M. Macron. Il a dit notamment :


« Entouré de son ministre des Affaires étrangères M. Jean-Yves Le Drian, de l’ambassadeur de France au Liban M. Bruno Foucher, et du Directeur général de l’Oeuvre d’Orient M. Pascal Gollnisch, le président Macron nous a accueilli à la Résidence des Pins, là où le général Henri Gouraud avait prononcé, il y a cent ans, la Déclaration du ‘Grand Liban’ réclamé par le Vénérable Patriarche Elias Hoyek au Congrès de Versailles à la fin de la Première Guerre mondiale. Je lui ai présenté le ‘Mémorandum sur le Liban et la neutralité active’, et je lui ai demandé si la France appuie la neutralité du Liban. Il m’a répondu : oui, nous sommes avec la neutralité qui fait partie de la mission et du rôle du Liban dans la région.


Je lui ai parlé ensuite de nos appréhensions majeures :


La première concerne les réfugiés syriens. Nous considérons qu’ils sont des citoyens syriens et ils ne doivent pas perdre leur nationalité, leur appartenance et leur pays. Il faut qu’ils rentrent et qu’ils regagnent leur terre. Le président Macron a avancé des raisons politiques comme conditions au retour des réfugiés.


La deuxième concerne l’éducation. Vu le rôle séculaire de l’Eglise dans l’Education et la Culture en partenariat avec la France, le Liban compte sur l’aide de la France pour permettre aux institutions scolaires et universitaires de réparer les dégâts et reprendre leur mission au service des citoyens libanais et non libanais. Le président Macron a promis de redoubler l’aide de la France dans ce domaine.


La troisième concerne le Hezbollah. Les armes du Hezbollah sont illégales et devaient être remises à l’Etat selon les accords de Taëf (1989) et la nouvelle Constitution. C’est un facteur de déséquilibre national qui empêche les Libanais de se rencontrer autour d’une même table pour discuter de leur avenir. Le président Macron a répété la position de la France qui est celle de considérer le Hezbollah comme parti politique et représentatif d’une partie des Libanais au Parlement et au Gouvernement, mais qui refuse catégoriquement les armes du Hezbollah comme étant illégales et devraient être remises à l’Etat, le seul chargé de défendre le Liban.


Ma quatrième concerne le nouveau contrat politique réclamé par nous-mêmes et dernièrement par le président Macron. Notre crainte réside dans le fait qu’on discute, sous la table, un nouveau système politique basé sur une trilogie de chrétiens, sunnites, chiites. C’est une formule de pouvoir que nous refusons catégoriquement car elle renforce le confessionnalisme ; alors que nous réclamons, depuis le Patriarche Hoyek en 1919, la mise en place de l’Etat civil et la promotion de la citoyenneté. Le président Macron a répété ce qu’il avait dit à Baabda hier que la France est attachée au pluralisme du Liban qui « est au fond l’idée de dire que lorsqu’on a décidé d’être citoyen d’un même pays quelque soit son clan, quelque soit sa famille, quelque soit sa religion, quelques soient ses intérêts, on est avant tout citoyen de ce pays, et dans un rapport à l’universel ».


11h40 : Alors que nous discutions de la situation de notre peuple, et particulièrement de la population de Beyrouth, toujours aussi critique à la suite de la double explosion du 4 août, nous avons reçu du Vatican la surprise de l’appel de Sa Sainteté le Pape Jean-Paul II pour « une journée universelle de prière et de jeûne pour le Liban vendredi prochain 4 septembre » à la fin de son audience générale et l’envoi de son Secrétaire d’Etat le Cardinal Parolin au Liban. La nouvelle nous a soulagés et nous a réconfortés dans nos épreuves. Le Pape, le Vatican et l’Eglise, comme d’ailleurs la France de manière spéciale et les pays amis, ne nous abandonnent pas à notre triste sort. Nous avons alors recommandé à tous nos prêtres et religieux d’organiser cette journée de prière et de jeûne dans nos diocèses et nos couvents.


Voici le texte intégral du mot du Pape François qui se retrouve d’ailleurs avec les messages du Saint Pape Jean-Paul II et du président Emmanuel Macron :


« Chers frères et sœurs,


A un mois de la tragédie qui a touché la ville de Beyrouth, mes pensées vont encore au cher Liban, à sa population particulièrement éprouvée.


Et ce prêtre qui est ici à l’audience, a apporté le drapeau du Liban.


Saint Jean Paul II l’avait dit il y a trente ans à un moment crucial de ce pays.


Moi aussi aujourd’hui je répète, face aux drames répétés que chacun des habitants de cette terre connaît, nous prenons conscience de l'extrême danger qui menace l'existence même du pays. Le Liban ne peut pas être abandonné à sa solitude.


En plus de cent ans le Liban a été un pays d’espérance même durant les périodes les plus sombres de son histoire. Les Libanais ont gardé leur foi en Dieu et démontré leur capacité de faire de leur terre un lieu de tolérance, de respect, de convivialité continue, unique dans cette région. Le Liban représente plus qu'un Etat ; le Liban est un message de liberté et un exemple de pluralisme, aussi bien pour l'Orient que pour l'Occident. Et pour le bien même de ce pays mais aussi du monde entier, nous ne pouvons pas permettre que ce patrimoine soit perdu.


J’encourage tous les Libanais à continuer à espérer et à retrouver la force et l’énergie nécessaire pour repartir.


Je demande aux dirigeants politiques libanais et aux leaders religieux du pays de s'employer avec sincérité et transparence dans l’œuvre de reconstruction, laissant tomber les intérêts de parties et en considérant le bien commun et l’avenir de cette nation. Je renouvelle aussi l’invitation à la communauté internationale à soutenir ce pays pour l'aider à sortir de la grave crise, sans être impliquée dans les tensions régionales.


Tout particulièrement je m’adresse aux habitants de Beyrouth durement éprouvés :


Reprenez courage, frères, la foi et la prière soient votre force ; n'abandonnez-pas vos maisons et votre héritage ! Ne brisez pas le rêve de ceux qui ont cru en l’avenir d’un pays beau et prospère.


Chers pasteurs, évêques, prêtres, consacrés, hommes et femmes laïcs, continuez à accompagner vos fidèles. Vous évêques et prêtres, je vous demande zèle apostolique ; je vous demande pauvreté, pas de luxe, pauvreté avec votre peuple pauvre qui souffre. Donnez l’exemple de pauvreté et d’humilité. Aidez votre peuple et vos fidèles à se relever et à être protagonistes d’une nouvelle renaissance. Soyez tous des artisans de concorde et renouez au nom de l’intérêt commun avec une véritable culture de la rencontre, du vivre ensemble dans la paix, dans la fraternité, ce mot si cher à Saint François, la fraternité. Que cette concorde soit un renouveau de l’intérêt commun. Sur ce fondement on pourra assurer la continuité de la présence chrétienne et votre contribution au pays, au monde arabe et à toute la région, dans un esprit de fraternité entre toutes les traditions religieuses qui existent au Liban.


C’est pour cette raison que je souhaite inviter à vivre une journée universelle de prière et de jeûne pour le Liban vendredi prochain 4 septembre. J’ai l’intention d’envoyer un représentant ce jour-là au Liban pour accompagner la population. Le Secrétaire d’Etat partira au Liban en mon nom. Il ira pour exprimer ma proximité et toute ma solidarité. Offrons nos prières pour tout le Liban et pour Beyrouth. Nous sommes aussi proches avec l’engagement de la charité


Comme dans d’autres occasions semblables, j’invite aussi les frères et sœurs d’autres confessions de traditions religieuses à s’associer à cette initiative dans les modalités qu’ils estimeront les plus opportunes. Et tous ensemble, je vous demande de confier à Marie, Notre-Dame de Harissa, nos angoisses et nos espérances ; qu’elle soit Elle à soutenir ceux qui pleurent leurs proches et à donner du courage à tous ceux qui ont perdu leurs maisons et une partie de leur vie. Qu’Elle intercède auprès du Seigneur Jésus afin que la terre des Cèdres puisse renaître et diffuse le parfum du vivre ensemble dans toute la région du Moyen-Orient.


Maintenant je vous invite, vous tous, à vous mettre debout en silence et à prier pour le Liban en silence ».



Jeudi 3 septembre 2020


09h40 : Je suis à Beyrouth avec le groupe du service de la charité du diocèse qui poursuit sa mission dans la paroisse de Saint Antoine de Padoue dans les quartiers sinistrés. Je suis accompagné par le vicaire général Mgr Pierre Tanios, P. François Harb coordinateur du groupe du Service de la Charité, Dr Charles Zaiter Médecin Maire représentant l’Union des municipalités de Batroun, M. Elie Samarani architecte président de Caritas diocésaine, M. Jospeh Ajaltouni directeur provincial des Conférences de Saint Vincent de Paul, M. Ziad Wakim ingénieur civil représentant les jeunes du Mouvement marial.


Le curé, Père Dany Jalkh, nous accueille dans son église provisoirement remise en état d’accueillir les fidèles alors que le complexe paroissial, que nous avons visité, est toujours en état sinistre. Après avoir prié ensemble pour les victimes, les blessés et les sinistrés, Père Dany nous a expliqué que 7 familles seulement, sur les 400 familles que compte sa petite paroisse de ce Beyrouth dévasté, logent le soir sur les lieux, alors que les autres viennent le jour pour essayer de déblayer leurs maisons ou appartements et de commencer les réparations.


Nous sommes partis ensuite, avec le Père Dany, à la rencontre des gens, de ses paroissiens, pour les écouter dire leurs doléances en visitant leurs maisons :


« Nous avons tout perdu ! Et ce que l’explosion du 4 août n’a pas détruit, des malfaiteurs sont venus voler ce qui restait dans nos maisons ! ». « Un mois après le désastre, nous n’avons pas les moyens de réparer nos maisons ou nos appartements. Un grand nombre d’agents de ONG sont venus enquêter sur notre situation en remplissant des formulaires, mais nous n’avons toujours pas de réponses, ni de financement ». « Nos maisons, comme celles du quartier, sont classées monuments historiques. Nous ne pouvons pas y toucher sans la permission de la Direction générale du Patrimoine qui n’a cependant les moyens pour financer les restaurations ».


« Nous ne voulons pas vendre nos maisons et nous ne voulons pas les quitter. Mais que l’on nous aide à y rester et à réparer avant la saison des pluies ». « Nous rendons grâce au Seigneur pour la présence du Père Dany au milieu de nous ».


A la fin de notre tournée, vers 12h10, nous sommes revenus à l’église pour faire le point avec le Père Dany sur l’aide que nous pouvons apporter. A vrai dire les coûts des réparations sont énormes, mais nous essayons d’assurer une proximité avec les habitants et leur assurer un petit financement mais surtout une main d’œuvre volontaire pour les travaux de réparation. Dimanche prochain je reviendrai célébrer la Messe à Saint Antoine avec des jeunes volontaires de Batroun de toutes les spécialisations et je lancerai une permanence pour assurer l’accompagnement spirituel, social, psychique et familial de ceux que le Père Dany désignera.



Dans l’après-midi, L’envoyé de Sa Sainteté le pape François le Cardinal Secrétaire d’Etat Pietro Parolin arrive à Beyrouth. Il se dirige immédiatement vers le Centre ville, à l’évêché maronite où il est accueilli par S. Exc. Mgr Paul Abdessater, en présence du Nonce apostolique au Liban S. Exc. Mgr Joseph Spiteri ainsi que du Directeur général de l’œuvre d’Orient Mgr Pascal Gollnisch. Ils commencent la visite de la ville dévastée. A la cathédrale maronite de Saint Georges, le Cardinal Parolin rencontre les chefs religieux, chrétiens et musulmans, de la ville. Le Cardinal prononce un mot au nom du pape :


« Nous sommes encore choqués de ce qui s’est passé. Nous demandons à Dieu de donner sa paix à toutes les victimes… Nous prions pour que Dieu nous fortifie afin de prendre soin de tous ceux qui ont été affectés et pour reconstruire Beyrouth ». « Le pape François m’a demandé de venir vous rencontrer ».


« Vous n’êtes pas seuls !… Nous sommes à vos côtés en silence et dans la solidarité… A vos côtés, nous trouvons le courage de crier ensemble : “assez”. Notre souffrance peut nous aider à purifier nos intentions et à renforcer notre résolution à vivre ensemble dans la paix et dans la dignité ».


« Ensemble nous pouvons vaincre la violence et toutes les formes d’autoritarisme, en promouvant une citoyenneté inclusive fondée sur le respect des droits et des devoirs fondamentaux ». « Personne ne devrait manipuler les rêves des jeunes générations, mais plutôt faciliter leur participation active dans la construction de la société ». « Puissiez-vous continuer à offrir un exemple de solidarité sincère, fidèle aux traditions libanaises de résilience, de créativité et de soutien mutuel ». Et de répéter l’appel du pape François à la communauté internationale : « Ne laissez pas le Liban seul ! Le Liban a besoin du monde, mais le monde aussi a besoin de l’expérience unique de pluralisme, de convivialité dans la solidarité et dans la liberté, qu’est le Liban. »


Il a ensuite effectué des visites de solidarité aux cathédrales grecque-orthodoxe où il est accueilli par le métropolite Elias Aideh, et grecque-catholique où il est accueilli par le métropolite Georges Bacouni, ainsi qu’à la mosquée Mohammad el-Amine.



A 20h30 : Le Cardinal Parolin est à Notre-Dame du Liban à Harissa pour présider la célébration eucharistique au nom du Pape François. Et face à une assemblée de jeunes, dont beaucoup en ce moment pensent à l’émigration, (certains avancent le chiffre de 300.000 demandes de visa !), Son Eminence lance :


« Vous n’êtes pas seuls dans vos épreuves, le monde entier se solidarise aujourd’hui avec vous ». « Encore très peu, le Liban se transformera en verger, et le verger en forêt », citation du prophète Isaïe. « Je vous invite à reprendre des forces, à tenir bon, à espérer ». Il a ensuite a répété les mots prononcés par le pape la veille en annonçant la Journée de prière et de jeûne : « Reprenez courage, que la foi et la prière soient votre force. N’abandonnez pas vos maisons et votre héritage, ne brisez pas le rêve de ceux qui ont cru à l’avenir d’un pays beau et prospère ».




Vendredi 4 septembre 2020


La journée de prière et de jeûne recommandée par Sa Sainteté le pape François est suivie dans tout le Liban et à tous les niveaux, mais aussi dans le monde, selon les informations qui nous arrivent un peu de partout. Le Cardinal Parolin a adressé un message vocal enregistré de sa voix au nom du pape François :


« Le pape François invite à faire confiance à la fidélité de Dieu, en priant : Seigneur, nous croyons que tu veilles sur ta Parole, pour la réaliser, et nous espérons, contre toute espérance ou tout malheur. Nous Te remercions pour ton amour qui s’est exprimé par la solidarité de nombreuses personnes. Nous Te confions notre pays, le Liban, son peuple, ses leaders religieux et politiques et ses jeunes, afin qu’ils réalisent sa vocation de message de paix et de fraternité à laquelle tu l’as appelé. Amen. »



10h00 : Le Cardinal Parolin commence sa deuxième journée par une visite au président de la République le général Michel Aoun à Baabda où il a insisté sur l’importance de « préserver l’identité du Liban ». Il est descendu à Beyrouth où il s’est arrêté pour « un moment de prière devant les hangars tordus du port de Beyrouth », à l’issue duquel il a déposé une couronne de fleurs contre la rambarde bordant le trottoir. Il a ensuite visité les deux hôpitaux du Rosaire et de Geitaoui où il a félicité les religieuses et le personnel des deux hôpitaux les considérant comme « les véritables héros de la catastrophe, puisqu’ils ont oublié de panser leurs propres plaies, pour continuer à servir leurs frères et sœurs ». Il a également annoncé qu’une somme de 400 000 euros sera remise à chacun des deux hôpitaux, collectés par L’Œuvre d’Orient. Il a visité aussi l’école du Sacré-Cœur des Frères des Ecoles Chrétiennes à Gemmayzé.


13h00 : Le Cardinal Parolin est arrivé à Bkerké où il était attendu par les Patriarches catholiques du Liban pour une rencontre suivie d’un déjeuner à la table de Sa Béatitude le Patriarche Cardinal Raï. En conversation avec les journalistes, le Cardinal Parolin a répondu à la question de « la neutralité active du Liban » : « C’est une question à l’étude ; mais il importe que le Liban soit mis à l’abri des conflits externes et il importe essentiellement au Vatican que le Liban préserve son identité et son rôle au Moyen-Orient et dans le monde comme modèle de vivre ensemble, de pluralisme et de liberté ». Concernant les craintes nourries par les chrétiens du Liban pour leur avenir, il a affirmé : « Je crois que les chrétiens ne doivent avoir aucune crainte. Notre présent et notre avenir sont entre les mains de Dieu. L’expression “ne crains pas” se retrouve souvent dans les Saintes Écritures. Je n’ai fait que le répéter durant mon court séjour. J’ai pris la mesure de vos souffrances. Les destructions que j’ai vues sont inimaginables. Mais j’ai touché du doigt aussi votre volonté de reconstruction et votre désir de repartir. Je suis sûr qu’avec l’aide de Dieu, toutes les épreuves seront surmontées. Le Liban n’est pas seul. Toute l’Église est à ses côtés ».


Après le déjeuner, il s’est rendu dans le quartier de la Quarantaine et s’est arrêté à la caserne des pompiers de Beyrouth qui ont donné dix victimes. Face aux familles endeuillées, le Cardinal était profondément ému ; il a parlé « de gestes qui vont plus loin que les paroles, et de la prière qui traverse toutes les barrières. le Dieu de toute miséricorde est aussi le Seigneur de l’histoire », a-t-il ajouté. Et s’adressant aux religieux et religieuses qui lui ont consigné une lettre adressée au pape François pour « lui transmettre nos cris, nos larmes et nos souffrances de l’enfantement au pris de beaucoup de vies de nos jeunes, ainsi que nos remerciements filiaux », il a dit :


« Vous avez la capacité de vous en sortir et de trouver le chemin, peut-être avec des compromis. Mais vous pouvez le faire avec la grâce de Dieu. Vous l’avez fait par le passé. Les moments de crise sont aussi des moments d’opportunité pour la foi, la croissance et la solidarité. Je transmettrai vos sentiments au pape. On espère qu’il pourra venir et vous réconforter personnellement par une visite ».


Puis il a quitté pour l’aéroport en direction de Rome.



Tous les Libanais vivent dans l’espoir que la visite du pape François se réalisera un jour prochain, comme ont fait ses prédécesseurs Jean Paul II et Benoît XVI à des moments critiques de l’histoire du Liban !



  • Père Mounir Khairallah

Evêque de Batroun ​

Publié le 01/09/2020

URGENT! SAAD AMPUTE DES DEUX JAMBES ATTEND SES DEUX PROTHESES DE JAMBES = 5000 euros! MERCI POUR LUI ET SA FAMILLE!

AU bord du burn out...la soeur de Saad est venue nous supplier!


Publié le 01/09/2020

MERCI DE CONTINUER A SOUTENIR AVEC NOUS CEUX QUI PLONGENT DANS LE GOUFFRE! "Je veux que ma Maison soit remplie"



Samedi 29 août 2020


Un autre chiffre de l’ONU tire la sonnette d’alarme.


Mme Rola Dashti, chef de la Commission économique et sociale de l'ONU pour l'Asie occidentale (Cesao), a appelé, dans une déclaration, « les autorités libanaises à reconstruire en priorité les silos à grains détruits par la puissante double explosion au port de Beyrouth, le 4 août, qui a ravagé la capitale. Ce port est normalement le principal point d'entrée des marchandises dans un Liban qui dépend lourdement des importations alimentaires ». « Par conséquent, plus de la moitié de la population risque de ne pas pouvoir subvenir à ses besoins alimentaires de base d'ici la fin de l'année ». « Des mesures immédiates devraient être prises pour éviter une crise alimentaire : intensifier la surveillance des prix des denrées alimentaires, fixer un plafond pour les prix et encourager les ventes directes des producteurs locaux aux consommateurs ».


L'organisation a relevé que l'inflation devrait dépasser 50% en 2020, contre 2,9% en 2019, avec des prix moyens de l'alimentation en hausse de 141% par rapport à juillet 2019. Et de souligner que les mesures de confinement pour lutter contre la pandémie de nouveau coronavirus ont aggravé la crise économique qui était déjà engagée, entrainant un bond des taux de pauvreté et de chômage.



Je ne peux terminer cette journée sans revenir à l’évangile de ce jour en Luc 14, 15-24 (la parabole des invités remplacés par les pauvres) :


« Je veux que ma maison soit remplie », dit Jésus au nom du Père Céleste. Ce Maître de maison nous invite tous, tous sans exception, à son « grand dîner dans le Royaume de Dieu ». Ceux qui veulent s’excuser, qu’ils portent la responsabilité, mais le Maître veut que sa maison soit remplie. Comment répondons-nous à cette invitation ? Trouvons-nous des excuses, et il y en a en quantité si l’on veut, ou bien acceptons-nous d’entrer avec nos misères, nos tristesses, nos faiblesses, nos déceptions et nos désespoirs ? Cessons de nous tourmenter de nos besoins quotidiens, Jésus nous dit : « Votre Père sait que vous en avez besoin. Cherchez plutôt son Royaume, et cela vous sera donné par surcroît. Sois sans crainte, petit troupeau, car Votre Père a trouvé bon de vous donner le Royaume » (Luc 12, 31-32).



  • Père Mounir Khairallah

Evêque de Batroun ​

Publié le 19/08/2020

Chacun de nous est auto- évolutionnel, et plus, voulu comme cocréateur. Chers credo funders on vous aime et vous êtes avec nous apôtres du Christ Vivant : Il est le Maître de l'Histoire! CONFIANCE!ADORONS-LE!

Chacun de nous est auto- évolutionnel, et plus, voulu comme cocréateur. L’humanité sort de l’enfance, et une ultra-humanité, unie, adulte et responsable, est en train d'éclore. Nous assistons, dans les difficultés de la mondialisation, dans la pandémie du Covid- 19, à son accouchement, couche de pensée humaine unifiée entourant la Terre, et internet en est un exemple. C’est comme une mise à feu de la fusée « Évolution", qui précipite les évènements sous la poussée active de la conscience humaine. Christ, le Rédempteur n’a pu imbiber le tissu du cosmos, et S’injecter dans le sang de l’univers (phase Alpha), qu’en se fondant d’abord dans la chair pour renaître ensuite (phase Oméga) ». Le Souffle de la Communauté Abana est l’émergence de cette vision du Corps du Christ universel, un corps cosmique en phase de sublimation sous l’action transformatrice des énergies de l’amour, une vision unifiée du réel où chair et esprit en sont les deux faces : une Chair- Esprit. La Communauté Abana au Liban est le lieu « Terre- Mère », le rendez-vous de ceux qui croient en l’Homme, de ceux qui aiment la Terre, et de ceux qui désirent être artisans de cette Nouvelle Pentecôte avec vous tout spécialement chers Credo funders! ​

Publié le 19/08/2020

le Liban, Pays-Message, le redeviendra par la volonté de ses fils les Libanais et l’aide de tous nos amis à travers le monde, et en tête le Vatican et la France.

Lettre aux Amis – 17 août 2020



Vendredi 14 août 2020


Vigile de la fête de l’Assomption


Je suis à Tannourine, dans la haute montagne, à l’autre bout du diocèse par rapport à la ville de Batroun sur le littoral, pour célébrer l’eucharistie de la fête en l’église de Notre- Dame de l’Assomption.


Les fidèles sont venus nombreux malgré les précautions à prendre pour le Corona.


Tout le monde prie et crie : « Ya ‘adra, O vierge Marie, O tendre Mère de Dieu, porte-nous sous ton manteau ». J’ai tellement entendu ce cri comme je l’avais entendu à Beyrouth après la double explosion !


Marie est là, elle veille en silence, comme elle était à la noce de Cana. Elle dit à son fils Jésus : « ils n’ont pas de vin » (Jn. 2,3). Ils n’ont pas de paix, ils n’ont pas de sécurité, ils n’ont pas de quoi vivre dignement, ils n’ont plus de larmes dans les yeux, ils n’ont plus d’espoir pour le lendemain ... Ils n’ont que les guerres, les destructions, la dévastation, la désolation, …. Et une classe politique corrompue !


Puis elle nous dit : « Quoi qu’il vous dise, faites-le ». Nous le ferons.



Sa Béatitude le patriarche Raï a dit dans son homélie de la Messe qu’il a célébrée à la chapelle de l’ancienne résidence patriarcale de la Vallée sainte de Qannoubine :


« Nous sommes heureux de nous joindre aux générations qui proclament Marie Bienheureuse, et de nous joindre aux générations d’ermites et de moines qui ont vécu dans cette vallée sainte, aux Patriarches qui ont vécu ici de 1440 à 1843.


Nous ne pouvons en cette fête que prier Dieu par l’intercession de Marie, Notre-Dame du Liban, et nous confier à Lui. Nous prions spécialement pour les responsables chez nous afin qu’ils tournent la page et soient conscients qu’un temps nouveau commence après la double explosion du port de Beyrouth et que le changement doit se faire. Nous avons tous été atteints par la tristesse et la stupeur lorsque nous avons su que des entremetteurs ont commencé à négocier l’achat de maisons dans le quartier d’Achrafié détruit. Je les qualifie de corbeaux qui planent autour des cadavres sans pudeur. Ceux-ci on peut les freiner ; mais il y a des corbeaux d’une autre espèce, les corbeaux politiques, qui profitent de cette catastrophe pour leurs intérêts personnels. Ceux-ci n’ont pas senti que les choses ont basculé et que la voix de la rue est plus forte que celle des canons. Ils ne peuvent donc rester sur place ».



Le Secrétaire d’État adjoint américain pour les affaires politiques, David Hale, et la ministre française des Armées, Florence Parly, ainsi que le ministre iranien des Affaires étrangères Mohammad Javad Zarif se retrouvent en même temps au Liban. Trois émissaires de poids qui viennent en concurrent pour négocier du Liban de l’après–4 août et de l’après-démission du gouvernement Hassan Diab ; mais aussi du nouveau découpage du Moyen Orient, et un « Nouveau Moyen-Orient » selon les Américains, pour nous rappeler la partition de cette région entre les Anglais et les Français selon les accords de Sykes-Picot (1917-1919).


Ce que je peux dire c’est que les deux géants de ce monde, les Etats-Unis et la Chine, se font la guerre par des pays interposés, Israël pour le premier et l’Iran pour le deuxième, en faveur de leurs intérêts respectifs. Et cette guerre se fait, comme toujours malheureusement, au Liban qui se présente comme la plate-forme facile étant le maillon faible.


Mais je reste convaincu que la France porte le Liban dans son cœur et que les présidents Macron et Poutine peuvent négocier la protection du Liban Pays Message comme leurs pays avaient négocié au XVI° et au XIX° siècle la protection des chrétiens d’Orient.



Déjà à son arrivée hier soir jeudi, M. Zarif avait rencontré le secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah. Aujourd’hui, il vient de déclarer, comme pour mettre en garde : « Si le peuple libanais permet à ceux qui ne veulent pas le bien de son pays de le diviser, alors il y aura des craintes sur l’avenir du Liban ». « La communauté internationale doit reconnaître l’indépendance du Liban et éviter les ingérences dans les affaires du pays ». « Nous soutenons ce que veut le peuple libanais. Nous n’avons jamais imposé quoi que ce soit à qui que ce soit au Liban. L’Iran n’a aucun candidat pour diriger le prochain gouvernement. Nous coopérerons avec toute personne sur laquelle les Libanais s’accordent ».


De son côté, M. Hale, qui a été reçu hier à Baabda par le président Aoun, au Sérail par le Premier ministre démissionnaire M. Diab, et à Aïn el-Tiné par le président de la Chambre M. Berry, sans faire de déclarations, a tenu à rencontrer Sa Béatitude le patriarche maronite Béchara Raï. À sa sortie de Bkerké, après avoir présenté ses condoléances au peuple libanais et l’avoir assuré de l’aide humanitaire de son pays, David Hale a fait le bilan de sa journée et ajouté : « Sur le long terme, nous n’accepterons plus davantage de promesses creuses et de dysfonctionnement dans la gouvernance. Je constate qu’il existe des demandes pour de véritables réformes, pour la transparence et la reddition des comptes. Les États-Unis sont prêts à appuyer un gouvernement libanais qui reflète la volonté populaire, y réponde positivement, et s’engage et agit sincèrement pour un changement réel ».


Quant à Mme Parly, qui avait accueilli le porte-hélicoptères « Tonnerre » transportant de l’aide humanitaire à Beyrouth, elle a souligné « la nécessité de constituer le plus rapidement possible un cabinet de mission, en charge pour une durée limitée de mener des réformes profondes avec efficacité ».



Sur le plan international, les aides internationales et levées de fonds se poursuivent. Les Nations unies ont ainsi lancé un appel de fonds d'un montant de 565 millions de dollars en faveur du Liban. Cette aide sera notamment destinée aux efforts de reconstruction succédant à la phase de première urgence dans la capitale. Il s'agit de financer la remise en état des hôpitaux et des écoles et de fournir un toit aux sinistrés et sans abri.



Samedi 15 août 2020, Fête de l’Assomption


Malgré nos douleurs et nos détresses, nous continuerons de chanter avec Marie : « Mon âme exalte le Seigneur et mon esprit s’est rempli d’allégresse à cause de Dieu mon Sauveur, parce qu’Il a porté son regard sur son humble servante … Il est intervenu de toute la force de son bras ; Il a dispersé les hommes à la pensée orgueilleuse ; Il a jeté les puissants à bas de leurs trônes et Il a élevé les humbles ; les affamés, Il les a comblés de biens et les riches, Il les a renvoyés les mains vides » (Lc. 46-55).



Notons que M. Hale a tenu une conférence de presse dans la soirée pour transmettre un message clair de son gouvernement et dire clairement que « Tous les responsables libanais ont une part de responsabilité dans la catastrophe du 4 août ».


« Nous nous tiendrons aux côtés des Libanais dans le processus de reconstruction et de récupération après cette catastrophe ». « Nous appelons à une enquête transparente et crédible sur les circonstances des explosions », rappelant que des agents du Federal Bureau of Investigation (FBI) arriveraient sous peu pour aider à cette tâche. « Cet événement tragique n'est qu'un symptôme de maux bien plus profonds dont souffre le Liban et qui n'ont que trop duré ». « Toutes les personnes au pouvoir assument d'une façon ou d'une autre des responsabilités dans ce qui s'est passé à cause des décennies de mauvaise gestion, de corruption et les échecs répétés des autorités libanaises à mener des réformes significatives et durables ». « Le Liban vit un moment de vérité, et les responsables libanais doivent répondre enfin aux demandes légitimes du peuple pour une meilleure gouvernance, des réformes économiques et financières et la fin de la corruption endémique. Il ne peut pas y avoir d'échappatoire pour les dirigeants ». « Ce sont les Libanais, pas les pays étrangers, qui doivent établir leur vision de l'avenir du pays ».


Cette dernière phrase est devenue un refrain sur les lèvres des émissaires étrangers. Mais nous laisseront-ils faire ?



Dimanche 16 août 2020


L’évangile du XIIème dimanche de Pentecôte nous raconte « la foi de la Cananéenne » de la région de Tyr et de Sidon qui est venue se prosterner devant Jésus et lui dire : « Seigneur, viens à mon secours » (Mt. 15, 21-28).


Nous sommes toujours émus à la lecture de ce passage, car nous sommes les descendants de cette Cananéenne. Nous voudrions dire avec elle, aujourd’hui : « Seigneur ! Notre cher Liban est cruellement tourmenté par un démon qui sème la haine, la violence, la dévastation et la destruction. Viens à notre secours ! Donne-nous au moins les miettes de tes grâces ! Et nous serons sauvés. Nous attendrons alors ta réponse : Peuple bien aimé ! Votre foi est grande ! ».



Dans son homélie dominicale, Sa Béatitude le patriarche Raï est allé encore plus loin dans sa critique contre la classe politique et dans son soutien aux réclamations du peuple :


« … Les responsables politiques, les groupes parlementaires et les formations politiques se rendent-ils compte de la défiance internationale à leur encontre, de la nécessité de lancer immédiatement le changement, de hâter l'organisation d'élections législatives anticipées sans attendre une nouvelle loi électorale et de former un nouveau gouvernement comme le veut le peuple qui est la source des pouvoirs comme le stipule le préambule de la Constitution ? ».


« Le peuple veut un gouvernement de rupture, pas de continuité, qui rompt avec le passé de la corruption nationale, morale et matérielle. Le peuple veut un gouvernement de sauvetage du Liban, pas de sauvetage du pouvoir et de la classe politique. Le peuple veut un gouvernement en harmonie avec lui, pas avec l’étranger, dont les composantes s'entendent sur un projet de réformes. Des réformes pas seulement administratives, mais concernant la décision nationale sur les plans politique, sécuritaire et militaire ».


« Que tout le monde sache qu'il n'y a pas de gouvernement d'union nationale sans une véritable unité, qu'il n'y a pas de cabinet de sauvetage sans personnalités capables de sauver le pays et qu'il n'y a pas de gouvernement de consensus sans un consensus sur les réformes. Nous voulons, avec le peuple, un gouvernement de l'État et du peuple libanais, pas un gouvernement de partis, de communautés et de pays étrangers ».


« Nous demandons aux forces de sécurité d’embrasser et de protéger les jeunes qui se révoltent. Il n'y a pas de sécurité sans liberté, et pas d'autorité sans le peuple. Nous nous élèverons contre tous les projets préparés au détriment du Liban, comme le patriarcat l'a fait à chaque fois que le pays est en danger. Nous n'accepterons pas que le Liban soit une carte aux mains de pays qui veulent restaurer leurs relations au détriment du peuple libanais ».



Dans l’après-midi, les trois émissaires - américain David Hale, iranien Mohammad Javad Zarif et français Mme Florence Parly, ont quitté le Liban.



Quant au virus Corona Covid 19, il continue de sévir chez nous.


Hier samedi, on avait enregistré un triste record de cas de contamination, 397 cas. Nouveau record ce dimanche avec 439 cas. Ce qui porte le total des cas depuis le 21 février à 8881.


En une semaine, Du dimanche 9 au dimanche 16 août, 2360 cas pour un total de 8881 depuis le 21 février ; 103 décès et 2724 personnes rétablies. C’est trop pour le petit Liban.



Lundi 17 août 2020


11h00 : Je suis à côté de Sa Béatitude le patriarche Cardinal Raï lors de sa conférence de presse depuis Dimane pour lancer officiellement le « Mémorandum sur le Liban et la neutralité active ». Fruit d’un long travail d’experts, ce document se présente en neuf pages et en 5 chapitres.


Après une introduction qui reprend la fameuse homélie du 5 août et le lancement de l’appel à la neutralité du Liban, Sa Béatitude présente dans un premier chapitre, les raisons d’être de la neutralité du Liban ; dans un deuxième chapitre, le concept de la neutralité active ; dans un troisième chapitre, le statut de neutralité source d’indépendance et de stabilité pour le Liban ; dans un quatrième chapitre, les avantages de la neutralité pour le Liban et son économie ; et dans un cinquième chapitre, ce dont nous avons besoin. Et il conclut :


« L’expérience de ces 100 dernières années a démontré qu’il est difficile pour le Liban d’être le 'pays-message' sans adopter le régime de la neutralité ». « Nous appelons les communautés arabe et internationale à comprendre les raisons qui poussent la majorité des Libanais à adopter le système de neutralité active ; comme nous appelons l'ONU et les pays concernés à trouver une solution à la question des réfugiés palestiniens et des déplacés syriens ».


« De par son système démocratique et libéral et ses caractéristiques de diversité religieuse et culturelle consacrée par la Constitution et le Pacte national, et de par sa position géographique entre l'Orient et l'Europe, le Liban a un rôle à jouer dans le renforcement de la paix et de la stabilité dans la région, la défense de la liberté des peuples, la médiation entre les pays arabes de manière à être un espace de dialogue entre les religions, les cultures et les civilisations ».


Nous croyons fermement que le Liban, Pays-Message, le redeviendra par la volonté de ses fils les Libanais et l’aide de tous nos amis à travers le monde, et en tête le Vatican et la France.



  • Père Mounir Khairallah

Evêque de Batroun

Publié le 14/08/2020

hommage aux victimes de la tragédie, pour crier leur colère « contre le crime du siècle » et réclamer la chute des dirigeants.

Lettre aux Amis – 13 août 2020



Mardi 11 août


Tôt le matin, je pars avec les prêtres du diocèse pour une journée spirituelle dans la Vallée sainte de Qanoubine, au monastère de Saint Antoine de Kozhaya. C’était une journée décidée depuis longtemps, et nous n’avons pas voulu la remettre. Au contraire nous avions besoin d’un recul et d’une plongée dans nos racines spirituelles et érémitiques en ces temps difficiles.


J’avais demandé à l’ermite Père Youhanna Khawand de nous prêcher cette halte.


Arrivés sur place, et dans le calme de la vallée sainte, nous avons commencé par la prière du matin dans la chapelle.


Puis l’ermite, Père Khawand bibliste, nous a entretenus sur Marie dans le Nouveau Testament et les qualités qui ont caractérisé sa vie, à la veille de la fête de l’Assomption.


« En cette période de haute tension que nous vivons au Liban, a-t-il dit, et que je qualifie de douleurs de l’enfantement, nous n’avons de meilleur exemple que celui de Marie ». Et il est parti dans une lecture tout à fait nouvelle dans sa simplicité et sa profondeur de la vie de Marie qui a su dire oui à la volonté de Dieu dès le premier signe qui lui est venu de l’Ange Gabriel jusqu’à la mort et la résurrection de son Fils Jésus Christ, et l’accompagnement de la Première Eglise jusqu’à sa dormition.


Une longue discussion a suivi, puis un temps de méditation à la chapelle.


Nous avons ensuite célébré l’Eucharistie à l’intention de notre diocèse, de notre Eglise, de notre peuple, et des victimes, des blessés et des sinistrés de la double explosion de Beyrouth.


Le supérieur nous a invités à déjeuner. Et nous sommes rentrés dans l’après-midi avec une réserve d’oxygène spirituelle pour poursuivre notre mission auprès de notre peuple dans le courage et l’espérance.



Revenant à la situation de Beyrouth et du Liban, une semaine jour pour jour après la catastrophe de la double explosion du port de Beyrouth, je peux dire, d’un côté, que la colère des Libanais ne fait qu’augmenter, et de l’autre, que la classe politique semble toujours apathique et insensible aux conséquences catastrophiques de la tragédie sur la population.


Des centaines de Libanais se sont rassemblés vers 18h00 face au port pour rendre hommage aux victimes de la tragédie, pour crier leur colère « contre le crime du siècle » et réclamer la chute des dirigeants. Ils ont observé une minute de silence, à l'heure exacte de la seconde déflagration, alors que dans la ville de Beyrouth les églises sonnaient leurs cloches et les mosquées lançaient des appels à la prière. Puis, bougies allumées, ils se sont ensuite dirigés vers la place des Martyrs pour rejoindre des milliers de manifestants venus de toute part du Liban.


De l’autre côté, les responsables politiques ne semblent pas conscients de l’ampleur des crises que traverse le pays, ni des conséquences de la catastrophe. Et loin d’avoir compris le message adressé par la rue en colère au cours des derniers jours, ils ne sont pas pressés de faciliter la formation d’un nouveau gouvernement.


L’espoir des Libanais reste cependant accroché à l’initiative du président Macron.



En ce qui me concerne, je crois que le président Macron est conscient que la France est l’interlocuteur, et je dirais peut-être le seul, à pouvoir traiter avec toutes les parties. D’abord avec les Puissances internationales, comme les Etats-Unis, la Russie, l’Europe, la Chine, et ensuite avec les parties régionales, comme l’Iran, l’Arabie Saoudite, la Syrie et Israël, et aussi avec les parties libanaises. La France est la seule à pouvoir réunir le Hezbollah, le Mouvement Amal, le Courant Patriotique libre, le Courant du Futur, le Courant des Marada, la Rencontre démocratique, les Forces libanaises, les Kataëb, le PSNS, etc… autour de la même table. C’est ce que le président Macron a fait à Beyrouth lors de sa visite le jeudi 6 août.



Mercredi 12 août 2020


Concernant les chiffres des conséquences de la catastrophe, on avance aujourd’hui les chiffres de 171 morts et 6.000 blessés ; il reste encore 30 disparus. Les pertes sont estimées à 15 milliards de dollars !


Du côté de la France, on annonce que le président Emmanuel Macron, lors d'un entretien téléphonique avec le président iranien Hassan Rohani, « a mis en garde, contre toute interférence extérieure au Liban », en tappelant « la nécessité, pour toutes les puissances concernées, d'éviter toute escalade des tensions, ainsi que toute interférence extérieure et de soutenir la mise en place d'un gouvernement de mission en charge de gérer l'urgence ». M. Macron a également souligné « l'urgence d'agir dans le cadre mis en place par les Nations Unies lors de la Conférence internationale de soutien et d'appui à Beyrouth et au peuple libanais ».


Le président Macron a également évoqué le dossier libanais dans un entretien téléphonique avec son homologue russe M. Vladimir Poutine en soulignant « l'importance pour les membres permanents du Conseil de sécurité de l'ONU de travailler ensemble à l'apaisement dans l'intérêt de la stabilité du Liban et de toute la région, et de soutenir la mise en place d'un gouvernement de mission ». Et il « a sollicité la participation de la Russie au mécanisme mis en place lors de la Conférence internationale de soutien à Beyrouth et au peuple libanais ».


Je dois signaler que le petit comité issu de la « Cellule de la Charité », présidé par le vicaire général Mgr Pierre Tanios, s’est rendu à Beyrouth pour une rencontre de coordination de la campagne de la charité avec S. Exc. Mgr Paul Abdessater. Ils sont rentrés satisfaits des mesures prises par le diocèse de Beyrouth et forts d’un plan de travail que nous exécuterons, nous diocèse de Batroun avec les municipalités et les élus locaux du département, dans le cadre de la paroisse de Saint Antoine de Gemmayzé.


Entre temps, le virus Corona Covid 19 continue de faire des ravages au Liban en battant tous les records depuis le 25 février. En une semaine, du 6 au 13 août, on a signalé 2.290 cas !


D’un autre côté, et contrairement à toutes les attentes, après la démission du gouvernement, le dollar américain a marqué une baisse sur le marché noir : 1 dollar valait le 5 août 8.500 L.L. ; Le 10 août, il était à 7.500 L.L. ; Le 12 août, à 6.900 L.L. ; le 13 août à 5.700 L.L. ! Ce qui a porté les bureaux de change à fermer leurs portes. Faut-il encore une preuve de plus pour confirmer que le pays est tenu par des mafias ?




Jeudi 13 août 2020


La première information de ce jeudi nous vient du Parlement qui s’est réuni en séance exceptionnelle, qui a duré un peu plus d'une heure, et qui était prévue initialement pour questionner le gouvernement sur la catastrophe de Beyrouth. Elle a été consacrée à entériner l'état d'urgence à Beyrouth décrété après la double explosion du port, et les démissions de huit députés (celles des trois députés Kataëb, Samy Gemayel, Nadim Gemayel et Élias Hankache, de la députée indépendante Paula Yacoubian, ainsi que celle des députés de Zghorta Michel Moawad, du Kesrouan, Nehmat Frem, de Aley, Henri Hélou et du Chouf Marwan Hamadé affiliés à la Rencontre démocratique de Walid Joumblatt).


La question des démissions avait été posée, dès hier, par Dr Samir Geagea, pour les députés des Forces libanaises, qui avait tenté de convaincre les députés de Saad Hariri et de Walid Joumblatt. Mais sans succès. Ce qui l’a porté en matinée à retirer les démissions, « pour ne pas laisser la place libre aux députés du pouvoir d’enfoncer encore plus le pays dans la faillite », a-t-il expliqué.



La deuxième information nous vient de la visite à Beyrouth du Secrétaire d’État adjoint américain pour les affaires politiques, David Hale, et la ministre française des Armées, Florence Parly. Les deux visiteurs de marque se sont notamment rendus, séparément, sur les lieux de l’explosion, puis dans les quartiers dévastés de Gemmayzé et de Mar Mikhaël pour constater les dégâts.


M. Hale a annoncé que le Federal Bureau Investigation (FBI) allait se joindre aux enquêteurs libanais et internationaux, « à l'invitation des libanais, pour aider à répondre aux questions que tout le monde se pose sur les circonstances qui ont mené à l'explosion ». M. Hale devrait s'entretenir demain avec les responsables libanais pour leur demander « de mettre en œuvre les réformes nécessaires au déblocage de toute aide internationale structurelle ».


Il semble que l’initiative de la France entraîne une dynamique diplomatico-politique occidentale qui se met en place.



A la fin de cette journée, je reviens à méditer ce passage de l’évangile de ce matin :


« Et vous, ne cherchez pas ce que vous mangerez ni ce que vous boirez, et ne vous tourmentez pas. Tout cela, les païens de ce monde le recherchent sans répit, mais vous, votre Père sait que vous en avez besoin. Cherchez plutôt son Royaume, et cela vous sera donné par surcroît. Sois sans crainte, petit troupeau, car votre Père a trouvé bon de vous donner le Royaume » (Luc 12, 29-32).


Notre petit troupeau a confiance en Celui qui le guide, et porte l’espérance de renaître après les douleurs de l’enfantement.



  • Père Mounir Khairallah

Evêque de Batroun  

Publié le 11/08/2020

QUE DIEU PROTEGE LE LIBAN! Les Libanais sont épuisés et tremblent...

Dimanche 9 août 2020


Très chers amis,


17h00 : Le président Emmanuel Macron avait promis à Beyrouth le 6 août ; il a tenu parole le dimanche 9 août. Quelle rapidité et quelle efficacité !


M. Macron et M. Antonio Guterres Secrétaire général de l’ONU ont appelé et tenu effectivement à 15h00, heure du Liban, une « Visioconférence de soutien pour la population du Liban », à laquelle ont participé une trentaine de pays amis du Liban, dont le président Donald Trump pour les Etats-Unis, la présidente de la Commission européenne Mme Ursula Von Leyen, L’émir du Qatar cheikh Tamim Ben Hamad al-Thani, et bien d’autres.


L'aide d'urgence « engagée ou mobilisable à brève échéance est de 252,7 millions d'euros, dont 30 millions d'euros de la part de la France », a annoncé l’Elysée.


« Les participants ont convenu que leur assistance devrait (...) être bien coordonnée sous l'égide des Nations Unies et fournie directement à la population libanaise, avec le maximum d'efficacité et de transparence ». Ils ont aussi insisté sur la nécessité d'une « enquête impartiale, crédible et indépendante sur les circonstances de la catastrophe et proposé une assistance aux autorités libanaises en ce sens ».


L'ONU a chiffré à 85 millions de dollars le coût des seuls besoins de santé. « L'objectif immédiat est de pourvoir aux besoins d'urgence du Liban, à des conditions qui permettent que l'aide aille directement à la population », a expliqué l'Élysée, en visant « la consolidation des bâtiments endommagés, l'aide médicale d'urgence, l'aide alimentaire et la restauration des hôpitaux et écoles ». « La méthodologie est celle que les organisations internationales utilisent. Il y a une nécessité qu'on ne fasse pas de chèque en blanc au gouvernement libanais ».


Le président libanais Michel Aoun, qui prenait part à la conférence, a appelé à « un acheminement rapide des aides au Liban pour la reconstruction de Beyrouth ». II a tenu à « remercier le président français et le secrétaire général de l'ONU pour l'organisation de cette conférence après la catastrophe qui a frappé notre capitale ». Il a rappelé que « ce drame était survenu alors que le pays traverse déjà des crises économique et financière, en sus de la crise des réfugiés syriens et des répercussions de la pandémie de coronavirus », soulignant « l'importance d'une solidarité internationale rapide ». « La reconstruction de ce qui a été détruit et les travaux nécessaires pour redonner son éclat à Beyrouth nécessitent beaucoup de choses et les besoins sont très nombreux. Les réponses à ces besoins doivent être envoyées le plus rapidement possible, avant l'hiver, au cours duquel les souffrances des citoyens risquent d'augmenter, surtout ceux qui n'ont plus de domicile ».



Quant à Sa Béatitude le Patriarche Raï, il a été très dur envers les responsables politiques dans son homélie dominicale :


« Les explosions dans le port de Beyrouth sont une catastrophe qui a secoué le monde entier ». Qualifiant l'explosion de « crime contre l'humanité », il a appelé au lancement « d'une enquête internationale sur les causes obscures de ce drame, et notamment les raisons pour lesquelles 2.750 tonnes de nitrate d'ammonium étaient stockées dans un hangar du port ». Il a encore réclamé que « tous les responsables de ce massacre soient traduits en justice ». Il a par ailleurs salué « du fond du cœur toutes les organisations, associations et personnes qui se sont mobilisées pour venir en aide aux sinistrés et déblayer les rues de la capitale ». Ces « jeunes de la révolution civilisée sont le futur prometteur du Liban ». Il a salué « l'initiative lancée par le président français, Emmanuel Macron, et le Secrétaire général des Nations Unies, Antonio Guterres, qui ont invité à une conférence internationale de donateurs cet après-midi, afin de soutenir le Liban en mobilisant des aides à la reconstruction, des vivres, du matériel médical et un soutien à l'éducation ».


Sa Béatitude a réclamé « des décisions courageuses » de la part des dirigeants. « La démission d'un député par-ci et d'un ministre par-là ne suffit pas » ; Invitant les responsables à faire preuve d'empathie avec les Libanais, il a appelé « le gouvernement à démissionner s'il n'est pas capable d'assurer la renaissance du pays ». Il a aussi réclamé « le départ du Parlement devenu incapable de faire son travail », souhaitant « des élections législatives anticipées ».



A midi, Sa Sainteté le pape François est revenu à la catastrophe du Liban en adressant un message plein de tendresse et d’encouragement pour le Liban et les Libanais :


« En ces jours-ci, ma pensée se tourne souvent au Liban. Je vois un drapeau libanais sur la place. Il y a un groupe de Libanais sur la place. La catastrophe du mardi dernier nous rappelle tous comment font les Libanais pour collaborer au bien commun de ce pays très cher.


Le Liban a une identité particulière, fruit de rencontre de plusieurs cultures, qui a fleuri au cours des temps, comme un modèle du vivre ensemble. Cette convivialité est très fragile en ce moment, on le sait.


Je prie pour qu’avec l’aide de Dieu et la participation de tous puisse renaître un Liban plus libre et plus fort. J’invite l’Eglise au Liban à être proche au peuple en ce calvaire qu’il traverse, comme elle le fait ces jours-ci, avec solidarité et compassion, avec le cœur et les mains ouverts au partage. En outre j’appelle à l’aide généreuse de la part de la communauté internationale.


S’il vous plaît, je demande aux Evêques, aux prêtres et tous les religieux du Liban, qu’ils soient proches du peuple avec un style de vie avec l’empreinte de la pauvreté évangélique sans luxe, car votre peuple est dans la souffrance et souffre beaucoup ».


En outre, Sa Sainteté a décidé d’envoyer un don de 250.000 Euros d’aide au Liban.



23h00 : Les manifestations qui avaient repris ce dimanche au centre-ville réclamant le départ de toute la classe politique, et qui ont connu de nouveau le débordement de quelques réfractaires comme hier soir en cassant et brûlant, se sont calmées.


Il faut noter que la ministre de l’Information Manal Abdessamad a présenté sa démission du gouvernement. D’autres ministres voulaient la suivre, tels Damianos Kattar et Raoul Nehmé, mais ils ont été prié par le Premier ministre d’attendre jusqu’à demain, réunion du Conseil des ministres.


Le député de Zghorta Michel Moawad a présenté sa démission, ainsi que le député Neemat Frem qui l’a présenté depuis Dimane après un entretien avec le patriarche Raï.


Samedi, les trois députés du parti Kataëb, avaient annoncé leur départ de la Chambre, ainsi que la députée Paula Yacoubian, issue de la société civile. Mercredi, au lendemain de la catastrophe, le député Marwan Hamadé, du bloc socialiste de Walid Joumblatt, avait déjà annoncé sa démission.



Lundi 10 août 2020


11h50 : J’ai été à Batroun pour prendre part à l’accueil populaire de la dépouille du caporal Estéphan Rouhana, 26 ans, de la Brigade marine du Port de Beyrouth, succombé aux explosions de mardi. La procession a traversé les rues de Batroun, avec la présence massive de militaires camarades d’Estéphan, avant d’arriver à la cathédrale sainte Etienne où j’ai présidé la cérémonie des obsèques. Dans mon homélie, j’ai interpellé les responsables politiques en leur disant : « Dieu vous aime, vous aussi. Ayez le courage de vous repentir avant que ce ne soit trop tard, et de dire avec Zachée : Eh bien, Seigneur, nous faisons don aux pauvres de notre peuple de la moitié de nos biens et, si nous avons fait tort à quelqu’un, nous lui rendons le quadruple. Vous serez alors sauvés ».


16h00 : J’ai présidé la réunion extraordinaire de la « Cellule de Charité » dans le diocèse (qui réunit les responsables des associations et mouvements d’Eglise travaillant dans le domaine du service social, dont la Caritas diocésaine et la Conférence de Saint Vincent de Paul), pour mettre au point une action de secours pour Beyrouth. Il y avait aussi le petit comité représentant l’Union des municipalités du département de Batroun et l’Union des élus locaux, qui veulent collaborer à notre campagne de charité ; et ce n’est pas la première fois que nous travaillons ensemble au service de nos frères et sœurs. Ils veulent tous se donner à l’action charitable « sous l’égide de l’Evêque ».


Nous avons convenu que je contacte l’archevêque de Beyrouth S. Exc. Mgr Paul Abdessater pour lui proposer de prendre en charge une paroisse, qui pourrait être celle de Saint Antoine à Gemmayzé, le quartier le plus détruit, où j’étais avec mes jeunes vendredi dernier (qui y sont toujours), et de dresser une tente qu’on appellerait « Tente Batrounienne de la Charité ». Un grand nombre de nos jeunes, surtout des architectes, des techniciens et des ouvriers du bâtiment, sont déjà prêts à se porter volontaires pour aller assurer une permanence à long terme pour une mission humanitaire et porter toute aide nécessaire aux habitants.


A la fin de la réunion j’appelle Mgr Abdessater pour lui annoncer le projet. Profondément ému, il me dit : « c’est une première ». Et il accepte volontiers la paroisse de Saint Antoine, surtout que le curé, Père Dany Jalkh, est le camarade de promotion de notre Vicaire général Mgr Pierre Tanios, et qu’un bon nombre de Batrouniens habitent ce quartier. J’ai pris alors rendez-vous avec lui, mercredi matin, pour le petit comité issu de la Cellule de Charité.



19h32 : Après une série de démissions de ses ministres dans la journée (Damianos Kattar, Raoul Nehmé, Zeina Abi Acar Vice-Premier ministre), le Premier ministre, Hassan Diab, annonce sa démission en direct à la télévision dans une allocution employant des mots très dure contre la classe politique corrompue ; (la traduction est de l’Orient-Le Jour) :


« Nous sommes toujours sous le choc de la tragédie qui a frappé le Liban. Ce désastre qui a frappé les Libanais au cœur, est le produit d'une corruption endémique au sein de l'Etat. Ce système est profondément enraciné, et je me suis rendu compte qu'il est plus grand que l'Etat qui, les mains liés, n'a pas réussi à le combattre ou à s'en débarrasser ». « Une des nombreuses manifestations de la corruption a explosé dans le port de Beyrouth, et la calamité s'est abattue sur le Liban ; mais les cas de corruption sont répandus dans le paysage politique et administratif du pays ». « La classe politique menace la vie des gens, falsifie les faits, survit grâce aux séditions et exploite le sang des Libanais ».


« L'ampleur de la tragédie est indescriptible, mais certains ne s'en préoccupent pas. Ils vivent dans un autre temps. Ils veulent juste marquer des points politiques, prononcer des discours populistes et détruire ce qui reste de l'Etat. Ils auraient dû avoir honte d'eux car cette catastrophe est le produit de leur corruption, et Dieu sait combien de catastrophes se cachent derrière leur corruption. Ils n'ont rien compris à la révolution du 17 octobre ».


« Il faut les changer car ils sont la véritable catastrophe du pays. Les opposants au gouvernement ont tenté de faire porter au cabinet la responsabilité de l'effondrement économique et de la dette ». « Nous avons combattu avec honneur, mais nous étions seuls face à eux. Ils ont utilisé toutes les armes en leur possession, comme la falsification de la vérité ».


« Mais ce gouvernement n'a épargné aucun effort pour dessiner une feuille de route qui pourrait sauver le pays. Tous ses ministres ont fait de leur mieux, sans intérêt personnel. Tout ce qui nous importait, c'était de sauver le pays. Nous avons été la cible de nombreuses insultes, mais nous avons refusé d'entrer dans des polémiques car nous voulions travailler ». « Mais cette bataille est inégale. Nous étions seuls et ils étaient tous contre nous. Ils ont utilisé toutes leurs armes, déformé les faits, falsifié les preuves, lancé des rumeurs, menti aux gens (...) Ils savaient que nous représentons une menace pour eux, et que le succès de ce gouvernement signifie un réel changement au niveau de la classe dirigeante de longue date ». « Nous voilà aujourd'hui, avec ce séisme qui a frappé le pays. Notre principale préoccupation est de traiter ses conséquences et mener rapidement l'enquête pour déterminer les responsabilités de chacun. Nous sommes aux côtés de ceux qui réclament que les responsables de ce crime soient traduits en justice ». « Nous faisons un pas en arrière pour mener la bataille du changement avec les gens. C'est pour cela que j'annonce aujourd'hui la démission de ce gouvernement. Que Dieu protège le Liban. Vive le Liban ! ».


M. Diab s'est rendu au palais de Baabda pour présenter officiellement la démission de son cabinet au président Michel Aoun, qui l'a accepté, et qui a chargé le gouvernement d'expédier les affaires courantes.


Entre temps, la démission du gouvernement n’a pas satisfait le mouvement de protestation populaire. Les manifestations dans le centre-ville ont même redoublé de violence. Des heurts se déroulaient aux abords du Parlement où certains cherchaient de forcer les barrages de la police et de l’armée pour entrer dans l’enceinte du Parlement. Les manifestants réclament le départ de toute la classe politique, et la démission des députés à l’instar de celle des ministres.



On ne sait pas ce qui nous attend ! Mais nous restons confiants qu’un changement profond est en train de se faire, et que tout enfantement est accompagné de douleurs, comme nous dit Jésus : « Lorsque la femme enfante, elle est dans l’affliction puisque son heure est venue ; mais lorsqu’elle a donné le jour à l’enfant, elle ne se souvient plus de son accablement ; elle est toute à la joie d’avoir mis un homme au monde » (Jn. 16, 21). Oui, un Liban nouveau renaîtra, nous disait hier le Pape François.


  • Père Mounir Khairallah

Evêque de Batroun ​

Publié le 09/08/2020

AMIS FRANÇAIS MERCI DE FAIRE RENAÎTRE LE LIBAN AVEC NOUS...

Lettre aux Amis


Samedi 8 août 2020



20h00 : De grandes manifestations ont lieu au centre-ville de Beyrouth depuis 16h00. Des dizaines de milliers de Libanais sont descendus dans le cœur de Beyrouth, déjà ensanglanté. C’est la « Révolution du 17 octobre » qui reprend son élan. Certains manifestants ont même tourné à la violence et à la casse. Les révolutionnaires ont occupé le Ministère des Affaires étrangères, puis le Ministère de l’Economie, puis le siège de l'Association des banques du Liban, puis le Ministère de l'Environnement, puis celui de l'Energie. Et ils ont l’intention de continuer …


Le déclic a été donné par le président français M. Emmanuel Macron qui avait déclaré clairement et franchement, lors de sa visite de quelques heures au Liban : « C’est le temps des responsabilités aujourd’hui pour le Liban et pour ses dirigeants » ! L’objectif de ce voyage éclair était celui du « soutien au peuple libanais, à un Liban libre, fier et souverain ».


M. Macron était arrivé jeudi 6 août, fête de la Transfiguration, vers midi à l’aéroport de Beyrouth. Accueilli par son homologue libanais le général Michel Aoun, il avait déclaré : « La France ne laissera pas le Liban seul face à cette catastrophe ».


Il est parti rapidement sur le site des explosions au Port ; puis il a effectué une tournée à pied dans les quartiers ravagés de Gemmayzé et Mar Mikhaël où il a pu observer la destruction et l’immense détresse et colère de la population, qui l’a acclamé et lui a demandé « d’aider la Révolution à évincer la classe politique corrompue ». Il s’est permis un bain de foule, comme il sait et il aime faire, prenant le temps de discuter avec les gens et répondant même à leurs questions et doléances.


Il s’est rendu ensuite au palais présidentiel de Baabda où il a rencontré le président Aoun, le président du Parlement M. Nabih Berry et le Premier ministre M. Hassan Diab. Une réunion austère ! A sa sortie M. Macron s’est contenté de déclarer : "Je suis ici pour affirmer la solidarité des Français après les explosions du 4 août. Je suis aussi venu dire et apporter le soutien de la nation française et du peuple français au peuple libanais" (en insistant sur le mot peuple).


Il est enfin descendu à la Résidence des Pins à Beyrouth où il tenu une série de réunions avec les chefs de partis et blocs parlementaires ainsi qu'avec des représentants de la société civile. Et il a terminé par une conférence de presse « claire et franche » et sans faute, avec la fermeté et la diplomatie « sans aucune complaisance ni aucune ingérence ».


Quant au programme qu’il proposé, le voici selon les points essentiels de sa conférence de presse :


1- L’aide en urgence


« La France n'abandonnera jamais les Libanais et les Libanaises ». « L'urgence, c'est d'abord et avant tout l'aide ». Il a tenu à adresser ses condoléances à toutes les familles touchées par cette catastrophe ; et parmi les victimes figurent un tué et au moins « une cinquantaine de Françaises et de Français ».


2- Une Conférence internationale d’appui à Beyrouth et au Liban


« Dans les tout prochains jours, nous organiserons une conférence internationale de soutien et d'appui à Beyrouth et à la population libanaise afin de mobiliser des financements internationaux, des Européens, des Américains, tous les pays de la région et au delà, afin de fournir des médicaments, des soins, de la nourriture ». « Nous mettrons aussi en place une gouvernance claire et transparente pour que l'ensemble de cette aide (...) soit directement acheminée aux populations, aux ONG, aux équipes sur le terrain qui en ont besoin, sans qu'aucune opacité, aucun détournement ne soit possible. Les Nations unies et la Banque mondiale joueront un rôle essentiel en la matière ».


3- Une refondation, un nouveau pacte, un ordre politique nouveau dans les prochaines semaines ; aux Libanais de le décider et de faire le changement


« C'est le temps des responsabilités aujourd'hui pour le Liban et pour ses dirigeants. Je ne peux me substituer aux responsabilités d’un gouvernement souverainement élu, d’un président souverainement élu. Leur responsabilité est immense. C'est celle d'une refondation, d'un nouveau pacte avec les Libanais dans les prochaines semaines. Ce changement profond, c'est celui qui est attendu. Les forces politiques libanaises ont aujourd'hui une démonstration à faire : celle de leur capacité à y répondre. Je le dis avec beaucoup d'humilité et beaucoup d'exigence ». « Il faut rebâtir la confiance (...) mais elle suppose une refondation d'un ordre politique nouveau où chacun, au-delà des divisions dans lesquelles il s'est réfugié, d'un confessionnalisme qui a été parfois capturé, d'un système qui a été lui aussi capturé par une corruption organisée, d'avoir la force de rebâtir une union nationale pour mener les réformes indispensables dont les Libanaises et les Libanais ont besoin »..


« La France ne signera pas de chèques en blanc à des systèmes qui ont perdu la confiance de leur peuple ». « Ce n'est pas à moi de désigner qui est légitime et qui ne l'est pas, ce n'est pas à moi de recomposer la vie politique libanaise. Nous sommes là pour vous soutenir, mais c’est à vous de décider pour votre pays. Ce n'est pas à un président français d'écrire votre histoire ».


4- Retour au Liban le 1er septembre pour faire le point


« J'ai été franc, direct, sincère (en référence aux différentes réunions qu'il a tenues avec les responsables politiques). J'attends des autorités libanaises des réponses claires sur leurs engagements. Je les en crois capables ». « Je ne ferais preuve d'aucune complaisance, ni d'aucune ingérence ». « Je serai de retour le 1er septembre pour marquer le centenaire de la naissance du Liban, mais aussi faire un point d'étape sur l'indispensable sursaut » (attendu des responsables). « Il y a des mesures à court-terme qui sont possibles et qui doivent être lancées le plus rapidement possible ».


Il termine par un coup de cœur : « N'oubliez pas qu'il y a en Europe un peuple, le peuple français, dont le cœur bat au rythme de celui du Liban ». Et de conclure, en arabe, « Liban, je t'aime ».



J’ose espérer que la visite du président Macron, en plus de la colère du peuple après la catastrophe abominable contre la classe dirigeante corrompue, redonneront du souffle à la « Révolution du 17 octobre » et encourageront les Libanais à réclamer tout haut leur droit à avoir enfin un Etat de droit et une gouvernance transparente et efficace pour le changement profond et les réformes tant attendues.



Pour revenir à la situation sur le terrain, on compte ce soir 158 martyrs, 6.000 blessés, 60 disparus, et 300.000 sans-abri.


Notre diocèse de Batroun a sa part de martyrs : une maman de 40 ans, un militaire de 38 ans, une dame de 60 ans, et un employé dans les silos de blé de 42 ans. Une trentaine de blessés, dont le général Tony Salloum commandant la base militaire du port de Beyrouth qui a « échappé par miracle », m’a-t-il raconté. Des hommes d’affaires, des banquiers et des architectes, des propriétaires, ont perdu leurs bureaux ou leurs domiciles.



22h45 : Les manifestants qui occupaient les ministères se sont retirés après l’intervention de l’armée.



Je ne peux terminer ma lettre de ce jour sans rappeler que Sa Sainteté le Pape François a prié, mercredi 5 août à l’issue de l’audience générale, spécialement pour le Liban en disant :


« Hier, à Beyrouth, dans la zone du port, de très fortes explosions ont causé des dizaines de morts et des milliers de blessés, ainsi que de nombreuses graves destructions. Prions pour les victimes et pour leurs familles; et prions pour le Liban, afin qu'avec l'engagement de toutes ses composantes sociales, politiques et religieuses, il puisse affronter ce moment si tragique et douloureux et, avec l'aide de la communauté internationale, surmonter la grave crise qu'il est en train de traverser ».


Et dans l’après-midi, il a été à la basilique Sainte Marie Majeure où il y a prié particulièrement pour le Liban en le confiant à la Très Sainte Vierge Marie.


Je n’oublie pas aussi l’appel lancé par la prestigieuse « Oeuvre d’Orient », présente au Liban depuis 1860, et par son Directeur Mgr Pascal Gollnisch pour l’aide à la population de Beyrouth et du Liban.


J’étais en train de lire avant-hier les détails de l’arrivée, au port de Beyrouth, de la frégate française commandée par le général d’Hautpoul, après la décision des Sept Puissances européennes de l’époque de charger Napoléon III de venir au secours du Liban après les massacres de 1860, et l’œuvre d’Orient était sur les lieux avec son directeur Mgr (cardinal) Lavigerie. D’Hautpoul avait dit : « Nous arrivons en retard ! Notre mission sera celle d’enterrer les morts ?! ». Mais enfin, la France et les pays européens avaient aidé le Liban à renaître.


La journée du jeudi a été consacrée à la prière et à l’adoration dans toutes les paroisses du diocèse de Batroun, comme je l’avais demandé mercredi.


La journée d’aujourd’hui a été consacrée au jeûne, à la prière et à la pénitence, comme nous avons demandé dans notre appel de mercredi, nous Evêques maronites.


C’est, en effet, la prière qui nous sauvera avec notre volonté de nous unir dans ces circonstances désastreuses pour reconstruire notre pays.


Oui, nous le croyons, disent nos jeunes, des décombres un nouveau Liban renaîtra !



Samedi 8 août 2020


  • Père Mounir Khairallah

Evêque de Batroun


Publié le 09/08/2020

NOTRE CŒUR EST ENSANGLANTÉ...

Prot. N°68/2020 Vendredi 07/08/2020


Lettre aux Amis Vendredi 7 août 2020


Très chers amis Je suis à Beyrouth, ville ensanglantée, et sur la scène de la catastrophe, depuis le matin, avec plus de cent jeunes du diocèse, pour nous tenir aux côtés de mon confrère Mgr Paul Abdessater, archevêque de Beyrouth, de ses prêtres et de son peuple et leur exprimer notre solidarité et notre proximité. 8h30 : Mgr Paul Abdessater nous accueille dans son archevêché dévasté par la double explosion de mardi 4 août, avec ses prêtres et les organisateurs des actions de secours. Des centaines d’autres jeunes nous rejoignent de tous les diocèses du Liban. Le responsable indique à nos jeunes les sites où ils doivent aller, en plusieurs groupes, pour aider les gens, dans leurs maisons et appartements, à déblayer les débris de verre, les remblais, les décombres, les éboulis… 8h45 : Les jeunes sont partis, selon les consignes, rejoindre leurs lieux de service.
Restant à l’évêché, Mgr Paul me fait visiter les lieux. Arrivés au quatrième étage, qui est juste en face du port, dans son bureau où tout a sauté, il me dit : « j’ai été sauvé par miracle. Regardez, je devais être là, mais j’ai senti quelqu’un me pousser à me déplacer juste quelques secondes avant la double explosion … ».
Je suis parti ensuite vers l’église historique prestigieuse de Saint Maroun au centre ville, non loin du port. Père Richard Abi Saleh, curé, à qui j’avais téléphoné mardi soir, m’accueille et me fait voir l’église délabrée. Les échafaudages sont déjà installés pour la restauration. Quel courage ! Les murs au-dessus du chœur doivent être consolidés. Puis il me fait visiter le presbytère très ancien ; il ne reste plus rien. Il me dit : « les architectes me recommandent de démolir ». Il suffit de regarder les photos que j’ai prises.
Mon émotion était au comble. Je demande une tasse de café. La secrétaire, toute désolée, me dit : « il n’y a plus de cuisine ; tout a sauté ! ». Mais elle finit par se débrouiller ; et nous avons eu notre café.
Pour continuer mon tour dans les rues de Gemmayzé et rejoindre mes jeunes, Père Richard me propose une moto avec son « chauffeur », car il était impossible d’entrer en voiture, tellement les rues étaient encore dévastées. Je commence mon tour en moto. J’ai le cœur serré en regardant de tous les côtés.
Des scènes qui ensanglantent le cœur : l’horreur, la désolation, la colère, la destruction partout, les rues entassées de remblais, de débris de verre, de centaines de voitures éventrées ou calcinées, des immeubles détruits ou sur le point de tomber …


Mais, également dans les rues et les immeubles, des milliers de jeunes venus de toutes les régions libanaises et de toutes appartenances confondues, dépassant tous les clivages confessionnels, religieux, ou politiques, et se donnant avec joie et enthousiasme à aider les propriétaires et les locataires des magasins, des appartements, ou des immeubles à remédier à leurs blessures et à déblayer ce qui reste de leurs domiciles. Ils sont le Liban de demain et la forte espérance de la résurrection et de la reconstruction ! « Abouna (Mon père), me dit le propriétaire de l’appartement d’un immeuble situé en face du port où un groupe de mes jeunes s’affairaient, ma famille est sauvée par miracle. Dieu soit loué ; mais une jeune fille de l’appartement en face est décédée, et les habitants de l’immeuble ont été blessés et ont tout perdu. Cependant, la présence de ces jeunes nous console, nous réconforte dans notre tragédie, nous encourage dans notre foi en Dieu et nous reconfirme dans notre volonté de reconstruire pour la ennième fois. Nous rendons grâce au Seigneur pour ces jeunes et pour la grande solidarité ! ».


En descendant, tout ému, je n’ai pas pu m’empêcher de dire ma colère et de me demander : Qu’attendent nos responsables de la classe politique corrompue, après cette horrible catastrophe, pour ouvrir grands leurs yeux, leurs oreilles et leurs cœurs, entendre les remords ou la torture de leurs consciences, se repentir et dire avec Zachée : « Eh bien, Seigneur, je fais don aux pauvres de la moitié de mes biens et, si j’ai fait tort à quelqu’un, je lui rends le quadruple » (Lc 19,8) ? Serait-ce possible ? Ils pourront alors accomplir leurs devoirs pour sauver les citoyens, l’Etat et la patrie.
Beyrouth est détruite et il ne reste plus grand-chose ! Le temps de demander des comptes et de juger les responsables est arrivé ; et aussi le temps du changement ! Nous gardons pourtant l’espérance que quelque chose changera. Le déclic a été donné par la visite historique, ô combien importante et symbolique, du Président français Emmanuel Macron au Liban hier qui a dit « clairement et en toute franchise » : « c’est le temps des responsabilités aujourd’hui pour le Liban et pour ses dirigeants ». Les jeunes y croient, et nous aussi, car Dieu n’abandonnera pas son peuple et Notre-Dame du Liban et nos saints nous portent par leur intercession. Nous comptons sur eux. De Beyrouth blessée, le vendredi 7 août 2020 + Père Mounir Khairallah Evêque de Batroun


P.S. 1- Pour voir les photos de notre aventure de ce jour, revenir au site du diocèse de Batroun : www.diocesebatroun.org ou la page Facebook du diocèse : Maronite Eparchy of Batroun 2- Je vous enverrai demain le rapport de la visite du Président Macron


Publié le 07/08/2020

URGENT: AIDEZ-NOUS A RECONSTRUIRE UN LIBAN MESSAGE DE CONVIVIALITE ET DE PARDON


Prot. N°67/2020


Jeudi 06/08/2020



Très chers amis,


Alors que j’étais en train de lire vos réponses à l’envoi de « Mon journal – Lettre aux amis » du 3 août, je suis, comme tous les Libanais, surpris et épouvanté de découvrir grâce aux Média une grande catastrophe !


Mardi 4 août, à 18h05 : on annonce une explosion qui a secoué tout Beyrouth provenant du port, suivie d’une autre deux secondes plus tard ! Je saute à la télévision pour découvrir l’horreur ; et même une vision apocalyptique de Beyrouth ! Les vidéos des deux explosions passées sur toutes les chaînes, vous avez dû les voir vous aussi, donnent l’impression de revoir les effets de la bombe atomique lancée en 1945 sur Hiroshima au japon ! La fumée noire, très noire couvre le ciel de Beyrouth, et le feu est toujours flambant. Tous les pompiers de la ville et de la région sont engagés et ne réussissent pas à éteindre ce feu.


Beyrouth est réduite aux décombres !  


18h40 : J’appelle mon confrère l’archevêque de Beyrouth, Mgr Paul Abdessater. Je réussis à lui parler après plusieurs tentatives. Il me dit la voix tremblante :


« Je suis sorti de l’archevêché, situé en haut du quartier Achrafié, détruit par les déflagrations des deux explosions. L’évêché est atteint de plein fouet : Nous n’avons pas de victimes, mais les dégâts sont énormes. Les murs sont tombés, les portes, les fenêtres, les chaises, les bureaux ont sauté ; les installations électriques, téléphoniques et sanitaires sont coupées. L’église de l’évêché est gravement endommagée ».


Il continue de me parler en marchant, comme si je vivais l’événement en direct :


« Je suis en train de faire mon tour dans les rues dévastées de la ville : les immeubles détruits ou éventrés, les blessés et peut-être des victimes sont jonchés dans les rues. Les gens crient au secours. C’est la désolation. L’hôpital Saint Georges des Orthodoxes à côté est détruit et l’on a fait appel à d’autres hôpitaux de venir prendre les 150 malades déjà hospitalisés. La cathédrale Saint Georges des Orthodoxes et la cathédrale Saint Georges des Maronites ainsi que l’église Saint Maroun du Centre ville et celle de Saint Antoine et d’autres, sont très gravement endommagés ».


Je le laisse, le cœur serré et les larmes aux yeux, en lui disant : « Nous sommes avec toi et avec ton peuple ; nous prions. Nous te confions à la Providence et à la tendresse de la très Sainte Vierge marie. Je vais contacter Sa Béatitude le Patriarche Raï qui demande de tes nouvelles et je vais envoyer un message au groupe des évêques pour leur donner de tes nouvelles ».


19h15 : Le Préfet de Beyrouth, le juge Marwan Abboud (qui est un grand ami, il est de Douma, département de Batroun), qui a pris ses fonctions il y a un peu plus de deux semaines, est le premier à arriver sur les lieux. Il est sur la scène des explosions dans le quartier du port. Il est sidéré par ce qu’il voit ; il essuie ses larmes en remarquant l’étendue des dégâts et déclare Beyrouth « ville sinistrée ».


Peu après arrivent sur les lieux les responsables militaires et politiques. Le ministre de l’Intérieur Mohalmmad Fahmi, puis le Directeur général de la Sûreté générale Abbas Ibrahim. Tous les deux expliquent que les explosions sont dues à « l’explosion dans le Dépôt N°12 du port de Beyrouth où étaient stockées depuis 2014 plus de 2.700 tonnes de nitrate d’ammonium », un produit hautement explosif. Nous ne sommes pas très convaincus étant donné que le nitrate n’est pas facilement explosible, à moins d’être à proximité d’un feu très puissant. D’autres avancent l’hypothèse d’un bombardement israélien du fameux Dépôt N°12 qui servait de dépôt d’armes pour le Hezbollah. Mais Israël n’a pas tardé à nier toute relation avec l’explosion de Beyrouth.


Le très connu bâtiment des silos de blé, jouxtant le dépôt N°12, est détruit complètement et pourtant l’on a toujours dit qu’il était construit avec du béton surarmé et donc indestructible ! L’immeuble de l’EDL, pourtant un peu loin, est devenu un squelette.


21h45 : On découvre en direct sur toutes les chaînes les dégâts, mais aussi des scènes effroyables de blessés courant de toute part dans les rues, et se précipitant vers les hôpitaux. Ils sont soignés sur le champ, car les hôpitaux, déjà endommagés, sont surchargés. On fait appel au don de sang. Les volontaires ne manquent pas. Des milliers de jeunes et de moins jeunes se portent volontaires pour transporter les blessés dans leurs voitures, ou sur les motos ! Oui sur les motos, ou bien pour aider à dégager des personnes coincées dans les décombres des immeubles. Le ministre de la Santé Hamad Hassan, en visite aux hôpitaux de Beyrouth, a déclaré : « C’est une catastrophe dans tous les sens du terme. Les hôpitaux de la capitale sont tous pleins de blessés. J’appelle à les transporter vers des établissements de la banlieue ». Et concernant le bilan provisoire, il parle de 100 morts et 2.500 blessés.


01h45 : je suis encore devant la télévision pour suivre en direct les scènes de désolation. Impossible de dormir.



Mercredi 5 août


Je me lève très tôt. A 7h00 : je célèbre la Messe à l’intention des victimes, des blessés des sans-abri et du Liban. Puis à 8h20 : j’envoie une circulaire aux prêtres de mon diocèse pour leur donner les consignes d’être prêts à donner de l’aide à tous ceux qui viennent de Beyrouth et à décréter une journée de prière et d’adoration demain jeudi 6 août fête de la Transfiguration.


A 9h00 : Je suis à Dimane, siège d’été du Patriarcat maronite, pour prendre part à la réunion des évêques présidée par Sa Béatitude le Patriarche Raï, qui avait déjà rédigé et envoyé un « Appel aux Etats du Monde » dans lequel il demande « une aide immédiate pour sauver Beyrouth ». Il dit notamment :


« Beyrouth est une ville dévastée. Une catastrophe s’y est abattue à cause de la mystérieuse explosion qui s’est produite dans son port. Beyrouth, la fiancée de l’Orient et le phare de l’Occident est blessée. C’est une scène de guerre sans guerre. Destruction et désolation dans toutes ses rues, ses quartiers, et ses maisons. Des dizaines de citoyens et citoyennes ont perdu la vie ; des milliers sont blessés ; des hôpitaux, des églises, des maisons, des institutions, des hôtels, des magasins, et des différents établissements publics et privés sont détruits. Des centaines de familles sont sans abris. Tout ceci arrive et l’Etat est dans une situation de faillite économique et financière qui le rend incapable de faire face à cette catastrophe humaine et urbaine ; et le peuple Libanais est aussi dans un état de pauvreté et d’indigence.


L’Eglise qui a mis en place un réseau de secours sur tout le territoire libanais, se trouve aujourd’hui devant un nouveau grand devoir dont elle est incapable à elle seule de l’assumer, tout en étant totalement solidaire avec les affligés, les familles des victimes, les blessés, et les déplacés qu’elle est prête à les accueillir dans ses institutions.


Au nom de l’Eglise au Liban, je remercie tous les Etats qui ont exprimé leur disponibilité pour aider Beyrouth, ville dévastée, et je m’adresse aux autres pays frères et amis, et aux grands Etats, ainsi qu’aux Nations Unies, pour se mobiliser pour apporter l’aide immédiate afin de sauver la ville de Beyrouth, sans aucune considération politique, parce que ce qui est arrivé est au-delà de la politique et des conflits. J’appelle aussi les organisations caritatives dans les différents pays à aider les familles libanaises, et beyrouthines en particulier, afin qu’elles puissent soigner leurs blessures et restaurer leurs maisons ».



Sa Béatitude commence la réunion par une prière bien particulière pour le Liban et les victimes de la catastrophe. Puis il nous présente l’ordre du jour de cette réunion que nous avons tous voulu consacrer à un seul point : comment pouvons-nous faire face à ce drame inattendu. Enfin le communiqué, déjà préparé, semble hors sujet. Sa Béatitude me charge d’écrire un nouveau texte centré sur le volet pastoral et humanitaire et présenté comme appel, et de le soumettre aux évêques. Ce que j’ai fait.


Pendant ce temps, un Conseil des ministres extraordinaire, présidé par le président de la république, est réuni au palais de Baabda.


Le Président de la république général Michel Aoun, ainsi que le Premier ministre Dr Hassan Diab, ont demandé l’ouverture d’une enquête sur la catastrophe de Beyrouth et ont affirmé « aller jusqu’au bout pour juger les coupables ».


Le ministre de la Santé, Dr Hamad Hassan, a donné un bilan, toujours provisoire, de la tragédie : 125 morts, 4.000 blessés, des dizaines de disparus, et 300.000 sans-abri !


Plusieurs chefs de pays amis du Liban à travers le monde ont déjà annoncé leur soutien au Liban. Les aides ont commencé à affluer vers l’aéroport de Beyrouth en provenance de la France, du Koweit, de l’Irak ; et d’autres arriveront de l’Arabie Saoudite, des Etats-Unis, de la Russie … arriveront bientôt. Le président français M. Emmanuel Macron a annoncé une visite surprise au Liban pour demain jeudi 6 août.




Voici la traduction du communiqué que j’ai lu à la presse à la suite de la réunion :


« Nous avons découvert avec stupéfaction la nouvelle de la terrible explosion qui a secoué la capitale Beyrouth hier soir, et nous avons suivi toute la nuit les détails de la catastrophe qui a causé des dizaines de victimes et des milliers de blessés, une destruction de maisons, d’institutions, d’hôpitaux, d’écoles, d’églises, de couvents, de lieux de prière, et a frappé de plein fouet les citoyens dans leurs propriétés et dans leurs vies. Nous avons été impressionnés par les scènes affreuses passées sur les moyens de communication sociale locales et internationales. Nous avons versé des larmes sur les victimes innocentes et les martyrs de la patrie déjà saignante sous le joug de la crise économique, sociale et vitale. Beyrouth est en ce moment occupée à remédier à ses blessures et essaie de se relever de ses cendres avec des citoyens attachés à la foi et à l’espérance de reconstruire un jour.



Nous ressentons avec les Libanais la tristesse de tout le pays et la souffrance de Beyrouth et de sa banlieue, car nous sommes tous Beyrouth, la capitale ouverte sur le monde, détruite à plusieurs reprises et ressuscitée de ses cendres pour rester le lieu de rencontre des civilisations, des cultures et des religions et la forteresse de la liberté et de la convivialité.


Nous proclamons notre solidarité avec nos frères et sœurs les fils et filles de Beyrouth et les Libanais, notamment les familles des victimes, les blessés, les souffrants, les sans-abri. Nous leur exprimons notre proximité, notre charité et notre fraternité humaine. Notre Eglise, avec ses clercs et ses fidèles, a toujours été pionnière dans le champ humanitaire et la première combattante pour les droits de l’homme, notamment la liberté et la dignité.



Pour incarner cette solidarité, nous déclarons que nous ouvrons nos évêchés, nos institutions et nos couvents, et nous mettons à disposition toutes nos moyens pour aider les sinistrés de la terrible catastrophe, les accueillir et s’occuper d’eux, notamment de leurs besoins urgents en nourriture et en médicaments, en collaboration avec Caritas Liban et les autres associations qui se chargent du service social. Les diocèses et les ordres religieux ont déjà annoncé mettre à la disposition des centres, des écoles et des couvents pour l’accueil des sinistrés.



Nous demandons en outre à nos enfants généreux de se porter au secours des sinistrés par tous les moyens disponibles pour les aider à se relever de leur détresse.


A l’occasion de la fête de la Transfiguration et de celle de l’Assomption, nous demandons aux prêtres et aux fidèles de consacrer une journée de jeûne, de prière et de conversion, le samedi 8 août, à l’intention du Liban ensanglanté. Nous prions ensemble pour le repos des âmes des martyrs et pour leurs familles, pour la guérison des blessés, pour les équipes médicales, les secouristes, les unités des Forces de sécurité intérieure et militaires, de la Défense civile et de la Croix Rouge ; et nous supplions le Seigneur, par l’intercession de la Très Sainte Vierge Marie et de nos saints, de nous procurer, ainsi qu’à nos responsables et concitoyens, le courage nécessaire pour nous repentir et renier nos intérêts personnels en faveur de l’intérêt national afin de reconstruire le Liban, pays de la liberté, de la fraternité et du droit. Nous sommes capables de le faire. Voilà notre espérance ».




A la fin de cette longue journée, et alors que Beyrouth continue de panser ses blessures, grâce à un mouvement extraordinaire de solidarité des Libanais – des milliers de jeunes libanais volontaires sont arrivés en effet dans la journée de toutes les régions du Liban – je peux dire en soupirant : avions-nous vraiment besoin de cette catastrophe pour bénéficier de l’aide internationale ? Nous savons que tout était bloqué à cause de la classe politique pourrie et des responsables faisant la sourde oreille aux appels de tous les pays amis pour initier les réformes. Vont-ils changer de comportement ? Vont-ils abandonner leur politique clientéliste ? Je ne suis pas sûr ! Mais je suis au moins sûr d’une chose : que nous Libanais - forts de notre histoire, de nos liens d’amitié avec tants de pays et de peuples à travers le monde, de notre foi, de notre espérance, de notre solidarité et de nos valeurs communes – nous sommes capables de reconstruire Beyrouth pour la ennième fois et de reconstruire notre cher Liban, comme nous le voulons à l’instar de nos pères, un Pays Message de liberté, de démocratie, de convivialité et du vivre ensemble et de respect des diversités.


5 août 2020


  • Père Mounir Khairallah

Evêque de Batroun

Publié le 07/08/2020

POUR UN LIBAN MESSAGE DE PAIX DE LIBERTE DE CONVIVIALITE


Prot. N°67/2020


Jeudi 06/08/2020



Très chers amis,


Alors que j’étais en train de lire vos réponses à l’envoi de « Mon journal – Lettre aux amis » du 3 août, je suis, comme tous les Libanais, surpris et épouvanté de découvrir grâce aux Média une grande catastrophe !


Mardi 4 août, à 18h05 : on annonce une explosion qui a secoué tout Beyrouth provenant du port, suivie d’une autre deux secondes plus tard ! Je saute à la télévision pour découvrir l’horreur ; et même une vision apocalyptique de Beyrouth ! Les vidéos des deux explosions passées sur toutes les chaînes, vous avez dû les voir vous aussi, donnent l’impression de revoir les effets de la bombe atomique lancée en 1945 sur Hiroshima au japon ! La fumée noire, très noire couvre le ciel de Beyrouth, et le feu est toujours flambant. Tous les pompiers de la ville et de la région sont engagés et ne réussissent pas à éteindre ce feu.


Beyrouth est réduite aux décombres !  


18h40 : J’appelle mon confrère l’archevêque de Beyrouth, Mgr Paul Abdessater. Je réussis à lui parler après plusieurs tentatives. Il me dit la voix tremblante :


« Je suis sorti de l’archevêché, situé en haut du quartier Achrafié, détruit par les déflagrations des deux explosions. L’évêché est atteint de plein fouet : Nous n’avons pas de victimes, mais les dégâts sont énormes. Les murs sont tombés, les portes, les fenêtres, les chaises, les bureaux ont sauté ; les installations électriques, téléphoniques et sanitaires sont coupées. L’église de l’évêché est gravement endommagée ».


Il continue de me parler en marchant, comme si je vivais l’événement en direct :


« Je suis en train de faire mon tour dans les rues dévastées de la ville : les immeubles détruits ou éventrés, les blessés et peut-être des victimes sont jonchés dans les rues. Les gens crient au secours. C’est la désolation. L’hôpital Saint Georges des Orthodoxes à côté est détruit et l’on a fait appel à d’autres hôpitaux de venir prendre les 150 malades déjà hospitalisés. La cathédrale Saint Georges des Orthodoxes et la cathédrale Saint Georges des Maronites ainsi que l’église Saint Maroun du Centre ville et celle de Saint Antoine et d’autres, sont très gravement endommagés ».


Je le laisse, le cœur serré et les larmes aux yeux, en lui disant : « Nous sommes avec toi et avec ton peuple ; nous prions. Nous te confions à la Providence et à la tendresse de la très Sainte Vierge marie. Je vais contacter Sa Béatitude le Patriarche Raï qui demande de tes nouvelles et je vais envoyer un message au groupe des évêques pour leur donner de tes nouvelles ».


19h15 : Le Préfet de Beyrouth, le juge Marwan Abboud (qui est un grand ami, il est de Douma, département de Batroun), qui a pris ses fonctions il y a un peu plus de deux semaines, est le premier à arriver sur les lieux. Il est sur la scène des explosions dans le quartier du port. Il est sidéré par ce qu’il voit ; il essuie ses larmes en remarquant l’étendue des dégâts et déclare Beyrouth « ville sinistrée ».


Peu après arrivent sur les lieux les responsables militaires et politiques. Le ministre de l’Intérieur Mohalmmad Fahmi, puis le Directeur général de la Sûreté générale Abbas Ibrahim. Tous les deux expliquent que les explosions sont dues à « l’explosion dans le Dépôt N°12 du port de Beyrouth où étaient stockées depuis 2014 plus de 2.700 tonnes de nitrate d’ammonium », un produit hautement explosif. Nous ne sommes pas très convaincus étant donné que le nitrate n’est pas facilement explosible, à moins d’être à proximité d’un feu très puissant. D’autres avancent l’hypothèse d’un bombardement israélien du fameux Dépôt N°12 qui servait de dépôt d’armes pour le Hezbollah. Mais Israël n’a pas tardé à nier toute relation avec l’explosion de Beyrouth.


Le très connu bâtiment des silos de blé, jouxtant le dépôt N°12, est détruit complètement et pourtant l’on a toujours dit qu’il était construit avec du béton surarmé et donc indestructible ! L’immeuble de l’EDL, pourtant un peu loin, est devenu un squelette.


21h45 : On découvre en direct sur toutes les chaînes les dégâts, mais aussi des scènes effroyables de blessés courant de toute part dans les rues, et se précipitant vers les hôpitaux. Ils sont soignés sur le champ, car les hôpitaux, déjà endommagés, sont surchargés. On fait appel au don de sang. Les volontaires ne manquent pas. Des milliers de jeunes et de moins jeunes se portent volontaires pour transporter les blessés dans leurs voitures, ou sur les motos ! Oui sur les motos, ou bien pour aider à dégager des personnes coincées dans les décombres des immeubles. Le ministre de la Santé Hamad Hassan, en visite aux hôpitaux de Beyrouth, a déclaré : « C’est une catastrophe dans tous les sens du terme. Les hôpitaux de la capitale sont tous pleins de blessés. J’appelle à les transporter vers des établissements de la banlieue ». Et concernant le bilan provisoire, il parle de 100 morts et 2.500 blessés.


01h45 : je suis encore devant la télévision pour suivre en direct les scènes de désolation. Impossible de dormir.



Mercredi 5 août


Je me lève très tôt. A 7h00 : je célèbre la Messe à l’intention des victimes, des blessés des sans-abri et du Liban. Puis à 8h20 : j’envoie une circulaire aux prêtres de mon diocèse pour leur donner les consignes d’être prêts à donner de l’aide à tous ceux qui viennent de Beyrouth et à décréter une journée de prière et d’adoration demain jeudi 6 août fête de la Transfiguration.


A 9h00 : Je suis à Dimane, siège d’été du Patriarcat maronite, pour prendre part à la réunion des évêques présidée par Sa Béatitude le Patriarche Raï, qui avait déjà rédigé et envoyé un « Appel aux Etats du Monde » dans lequel il demande « une aide immédiate pour sauver Beyrouth ». Il dit notamment :


« Beyrouth est une ville dévastée. Une catastrophe s’y est abattue à cause de la mystérieuse explosion qui s’est produite dans son port. Beyrouth, la fiancée de l’Orient et le phare de l’Occident est blessée. C’est une scène de guerre sans guerre. Destruction et désolation dans toutes ses rues, ses quartiers, et ses maisons. Des dizaines de citoyens et citoyennes ont perdu la vie ; des milliers sont blessés ; des hôpitaux, des églises, des maisons, des institutions, des hôtels, des magasins, et des différents établissements publics et privés sont détruits. Des centaines de familles sont sans abris. Tout ceci arrive et l’Etat est dans une situation de faillite économique et financière qui le rend incapable de faire face à cette catastrophe humaine et urbaine ; et le peuple Libanais est aussi dans un état de pauvreté et d’indigence.


L’Eglise qui a mis en place un réseau de secours sur tout le territoire libanais, se trouve aujourd’hui devant un nouveau grand devoir dont elle est incapable à elle seule de l’assumer, tout en étant totalement solidaire avec les affligés, les familles des victimes, les blessés, et les déplacés qu’elle est prête à les accueillir dans ses institutions.


Au nom de l’Eglise au Liban, je remercie tous les Etats qui ont exprimé leur disponibilité pour aider Beyrouth, ville dévastée, et je m’adresse aux autres pays frères et amis, et aux grands Etats, ainsi qu’aux Nations Unies, pour se mobiliser pour apporter l’aide immédiate afin de sauver la ville de Beyrouth, sans aucune considération politique, parce que ce qui est arrivé est au-delà de la politique et des conflits. J’appelle aussi les organisations caritatives dans les différents pays à aider les familles libanaises, et beyrouthines en particulier, afin qu’elles puissent soigner leurs blessures et restaurer leurs maisons ».



Sa Béatitude commence la réunion par une prière bien particulière pour le Liban et les victimes de la catastrophe. Puis il nous présente l’ordre du jour de cette réunion que nous avons tous voulu consacrer à un seul point : comment pouvons-nous faire face à ce drame inattendu. Enfin le communiqué, déjà préparé, semble hors sujet. Sa Béatitude me charge d’écrire un nouveau texte centré sur le volet pastoral et humanitaire et présenté comme appel, et de le soumettre aux évêques. Ce que j’ai fait.


Pendant ce temps, un Conseil des ministres extraordinaire, présidé par le président de la république, est réuni au palais de Baabda.


Le Président de la république général Michel Aoun, ainsi que le Premier ministre Dr Hassan Diab, ont demandé l’ouverture d’une enquête sur la catastrophe de Beyrouth et ont affirmé « aller jusqu’au bout pour juger les coupables ».


Le ministre de la Santé, Dr Hamad Hassan, a donné un bilan, toujours provisoire, de la tragédie : 125 morts, 4.000 blessés, des dizaines de disparus, et 300.000 sans-abri !


Plusieurs chefs de pays amis du Liban à travers le monde ont déjà annoncé leur soutien au Liban. Les aides ont commencé à affluer vers l’aéroport de Beyrouth en provenance de la France, du Koweit, de l’Irak ; et d’autres arriveront de l’Arabie Saoudite, des Etats-Unis, de la Russie … arriveront bientôt. Le président français M. Emmanuel Macron a annoncé une visite surprise au Liban pour demain jeudi 6 août.




Voici la traduction du communiqué que j’ai lu à la presse à la suite de la réunion :


« Nous avons découvert avec stupéfaction la nouvelle de la terrible explosion qui a secoué la capitale Beyrouth hier soir, et nous avons suivi toute la nuit les détails de la catastrophe qui a causé des dizaines de victimes et des milliers de blessés, une destruction de maisons, d’institutions, d’hôpitaux, d’écoles, d’églises, de couvents, de lieux de prière, et a frappé de plein fouet les citoyens dans leurs propriétés et dans leurs vies. Nous avons été impressionnés par les scènes affreuses passées sur les moyens de communication sociale locales et internationales. Nous avons versé des larmes sur les victimes innocentes et les martyrs de la patrie déjà saignante sous le joug de la crise économique, sociale et vitale. Beyrouth est en ce moment occupée à remédier à ses blessures et essaie de se relever de ses cendres avec des citoyens attachés à la foi et à l’espérance de reconstruire un jour.



Nous ressentons avec les Libanais la tristesse de tout le pays et la souffrance de Beyrouth et de sa banlieue, car nous sommes tous Beyrouth, la capitale ouverte sur le monde, détruite à plusieurs reprises et ressuscitée de ses cendres pour rester le lieu de rencontre des civilisations, des cultures et des religions et la forteresse de la liberté et de la convivialité.


Nous proclamons notre solidarité avec nos frères et sœurs les fils et filles de Beyrouth et les Libanais, notamment les familles des victimes, les blessés, les souffrants, les sans-abri. Nous leur exprimons notre proximité, notre charité et notre fraternité humaine. Notre Eglise, avec ses clercs et ses fidèles, a toujours été pionnière dans le champ humanitaire et la première combattante pour les droits de l’homme, notamment la liberté et la dignité.



Pour incarner cette solidarité, nous déclarons que nous ouvrons nos évêchés, nos institutions et nos couvents, et nous mettons à disposition toutes nos moyens pour aider les sinistrés de la terrible catastrophe, les accueillir et s’occuper d’eux, notamment de leurs besoins urgents en nourriture et en médicaments, en collaboration avec Caritas Liban et les autres associations qui se chargent du service social. Les diocèses et les ordres religieux ont déjà annoncé mettre à la disposition des centres, des écoles et des couvents pour l’accueil des sinistrés.



Nous demandons en outre à nos enfants généreux de se porter au secours des sinistrés par tous les moyens disponibles pour les aider à se relever de leur détresse.


A l’occasion de la fête de la Transfiguration et de celle de l’Assomption, nous demandons aux prêtres et aux fidèles de consacrer une journée de jeûne, de prière et de conversion, le samedi 8 août, à l’intention du Liban ensanglanté. Nous prions ensemble pour le repos des âmes des martyrs et pour leurs familles, pour la guérison des blessés, pour les équipes médicales, les secouristes, les unités des Forces de sécurité intérieure et militaires, de la Défense civile et de la Croix Rouge ; et nous supplions le Seigneur, par l’intercession de la Très Sainte Vierge Marie et de nos saints, de nous procurer, ainsi qu’à nos responsables et concitoyens, le courage nécessaire pour nous repentir et renier nos intérêts personnels en faveur de l’intérêt national afin de reconstruire le Liban, pays de la liberté, de la fraternité et du droit. Nous sommes capables de le faire. Voilà notre espérance ».




A la fin de cette longue journée, et alors que Beyrouth continue de panser ses blessures, grâce à un mouvement extraordinaire de solidarité des Libanais – des milliers de jeunes libanais volontaires sont arrivés en effet dans la journée de toutes les régions du Liban – je peux dire en soupirant : avions-nous vraiment besoin de cette catastrophe pour bénéficier de l’aide internationale ? Nous savons que tout était bloqué à cause de la classe politique pourrie et des responsables faisant la sourde oreille aux appels de tous les pays amis pour initier les réformes. Vont-ils changer de comportement ? Vont-ils abandonner leur politique clientéliste ? Je ne suis pas sûr ! Mais je suis au moins sûr d’une chose : que nous Libanais - forts de notre histoire, de nos liens d’amitié avec tants de pays et de peuples à travers le monde, de notre foi, de notre espérance, de notre solidarité et de nos valeurs communes – nous sommes capables de reconstruire Beyrouth pour la ennième fois et de reconstruire notre cher Liban, comme nous le voulons à l’instar de nos pères, un Pays Message de liberté, de démocratie, de convivialité et du vivre ensemble et de respect des diversités.


5 août 2020


  • Père Mounir Khairallah

Evêque de Batroun

Publié le 05/08/2020

Une scène apocalyptique

Une scène apocalyptique. Il n’y a pas d’autre terme pour qualifier l’effroyable image que donnait Beyrouth hier en fin d’après-midi, après deux explosions massives au hangar numéro 12 du port de la ville. De Dora, dans la banlieue nord de Beyrouth, jusqu’au port, l’autoroute est jonchée de débris en tout genre. Le port lui-même semble dévasté dans des proportions dantesques. Les conteneurs ont explosé, les gigantesques silos à grains ont été soufflés, les grues sont à terre. Au-dessus du port, dans un ballet sonore incessant de sirènes de pompiers et d’ambulances, les hélicoptères tentaient, dans l’après-midi, d’éteindre l’incendie. Les opérations se poursuivaient encore tard en soirée. Sur les bords de la route, les badauds sont hagards. Patil, la vingtaine, tremble. Elle habite dans le quartier de la Quarantaine. « Pendant 15 minutes, on a vu de la fumée s’élever au port de Beyrouth, puis on a entendu les explosions, raconte-t-elle. Je me suis cachée dans la salle de bains, puis brusquement les vitres ont été soufflées. » Elle a vu des gens blessés qui gisaient par terre. Certains dans un état grave. Mohammad, la trentaine, est arrivé sur les lieux du sinistre quelques secondes après les déflagrations. Il confie avoir fait la navette « entre les bâtiments voisins pour sortir des gens blessés ou tués ». Avec l’aide d’autres volontaires, il a dû évacuer une soixantaine de personnes dont une personne âgée « coincée au vingtième étage ». Céline, 20 ans, se trouvait dans un restaurant près de la place Sassine au moment de l’explosion. « J’ai entendu un grand boum, confie-t-elle. J’ai cru que quelque chose était tombé d’un immeuble en construction. Puis j’ai senti la terre trembler. J’ai alors compris que quelque chose d’anormal se passait. J’ai couru vers les toilettes, parce que j’ai eu peur que les vitres du restaurant n’explosent. J’avais tellement peur que je me suis mise à hurler. J’avais vécu l’explosition qui avait eu lieu en 2013 (au centre-ville de Beyrouth, coûtant la vie au ministre Mohammad Chatah, NDLR). Mais cette explosion est bien pire. Je ne voulais pas revivre cette même peur. » Pierre et Carole étaient assis dans leur salon à Sodeco, lorsqu’ils ont entendu un bruit assourdissant et ont senti la terre trembler. Ne comprenant pas ce qu’il se passait, Pierre s’est jeté à plat ventre sur le sol pour se protéger. « Lorsque j’ai vu la poussière, j’ai tout de suite compris qu’il s’agissait d’une explosion », confie-t-il. Pendant ce temps, Carole a vu la poussière entrer par les fenêtres tandis que le lustre dansait au-dessus de leur tête. Elle a juste eu le temps de se lever du fauteuil et de s’éloigner de la fenêtre. Elle était dans un état second, ne comprenant pas ce qu’il se passait. Puis elle a vu son mari au sol entouré de débris de verre et de cadres de fenêtre. Ce n’est que quelques minutes plus tard, après avoir repris leurs esprits, qu’ils ont pu constater l’ampleur des dégâts dans l’immeuble.


Scène d’apocalypse au port de Beyrouth, hier. Issam Abdallah/Reuters


Beyrouth sinistrée C’est tout Beyrouth qui est sinistrée. Les destructions les plus spectaculaires touchent surtout les quartiers limitrophes du port, notamment le centre-ville, Saïfi, Gemmayzé, Achrafieh, Mar Mikhaël, Bourj Hammoud et Dora. Des bâtiments sont soufflés. Des pans entiers de murs sont tombés. De certains immeubles couverts de paroi en verre, il ne reste plus que leur structure. Et partout, sur les trottoirs, dans les décombres, des blessés. Rapidement, les hôpitaux sont débordés et se voient contraints de refouler les blessés légers afin de garder des places pour ceux dans un état grave. Le bilan s’annonce lourd. En soirée, le ministre de la Santé Hamad Hassan annonçait un dernier bilan approximatif et provisoire de plus de soixante-dix morts. Plus de 3 000 personnes sont blessées. Lors d’une tournée dans les hôpitaux, il explique que les médicaments qui se trouvaient à la pharmacie centrale à l’hôpital de la Quarantaine, gravement atteint par l’explosion, sont en train d’être transférés aux dépôts de l’Unrwa. M. Hamad précise aussi que son ministère a demandé à l’Organisation mondiale de la santé de lui dépêcher un avion de médicaments. Un appel a été adressé également au Qatar pour mettre en place des hôpitaux de campagne. Le secrétaire général des Kataëb, grièvement atteint alors qu’il se trouvait dans son bureau au siège du parti à Saïfi, devait succomber à ses blessures. Le député Nadim Gemayel est légèrement blessé. À Électricité du Liban, le directeur général Kamal Hayek et des employés de l’office, blessés, étaient toujours bloqués sous les décombres en soirée. À l’hôpital Notre-Dame du Rosaire à Gemmayzé, fortement endommagé par l’explosion, une infirmière a succombé à ses blessures. Hôpitaux débordés Devant l’Hôtel-Dieu endommagé par l’explosion, c’est le chaos. Des gens vont et viennent et se mêlent aux secouristes, visiblement débordés. Certains cherchent leurs proches. L’air est empli du hurlement des sirènes des ambulances et des cris des proches des victimes. Mohammad, la quarantaine, fume une cigarette avec un ami. « On a entendu dire qu’ils ont besoin de sang, nous sommes venus en donner. J’ai entendu un père hurler que son fils est décédé. » Quelques minutes plus tard, le père affligé sort dans la rue. Il tombe à terre, en pleurs. Trois hommes essaient, en vain, de le consoler. L’Hôtel-Dieu et le Centre médical de l’Université libano-américaine – Clinique Rizk sont submergés. Et pour cause. Fortement endommagés, l’hôpital libanais – Jeïtaoui et le Centre médical universitaire – hôpital Saint-Georges ne sont plus en mesure d’accueillir un grand nombre de blessés. Le Centre médical universitaire – hôpital Saint-Georges a transformé le parking en hôpital de campagne, pour les urgences. Scène de guerre. Les hôpitaux du Chouf ont annoncé en soirée qu’ils ouvraient leurs portes pour accueillir les blessés. Idem à Saïda où des blessés ont été admis à l’hôpital Hammoud et au Centre médical Labib. Des médecins ont de leur côté annoncé qu’ils recevaient dans leur cabinet les cas bénins ayant besoin de traitements. Face à l’apocalypse, la solidarité se met en branle. Les différents partis politiques appellent, eux, leurs partisans et sympathisants à donner du sang. Dans les camps des réfugiés palestiniens à Saïda, des appels similaires sont lancés à travers des haut-parleurs. Panique généralisée Dans les rues, les gens sont paniqués ou hagards. Nombreux sont ceux qui, désemparés, perdus, courent dans tous les sens à la recherche de leurs proches. Un homme de 70 ans, portant des sacs en plastique, raconte que le souffle de l’explosion l’a « fait voler d’une pièce à l’autre ». « Personne n’a été blessé », dit-il, précisant qu’il va passer la nuit chez sa fille à Fanar, parce qu’il ne reste plus rien de sa maison. Sur le bord de la route, des voitures sont écrasées, comme du papier mâché. Certaines ont été retournées par le souffle de l’explosion. Une étrangère est assise sur l’asphalte, les bras lacérés par des bris de verre. Un homme arrive, la fait monter sur sa moto pour l’évacuer vers un hôpital de la ville. Mais vers 21 heures, les hôpitaux de Beyrouth avertissent les équipes de secours et la population qu’ils ne sont plus en mesure d’accueillir des victimes, leurs demandant de se diriger vers des établissements hospitaliers en banlieue et dans les provinces. « Une vieille bâtisse vient de s’effondrer, les pompiers étaient dedans. Elle s’est effondrée sur eux », lâche un militaire, qui semble perdu. Près de l’ancien immeuble de Touch, le toit d’une station-service s’est effondré sur un employé. Tard en soirée, il était toujours sous les décombres. Plus loin, à Mar Mikhaël, un chauffeur de taxi ensanglanté se tient toujours devant sa voiture. « On aurait dit une bombe atomique, dit-il. Je ne voyais plus rien. J’entendais des pierres s’écraser sur le toit du véhicule. » Il attendait que l’un des membres de sa famille vienne l’accompagner au Akkar. Des propriétaires de petits hôtels, des écoles et des couvents ont eux aussi annoncé sur les réseaux sociaux qu’ils ouvraient leurs portes à toute personne dont l’habitation a été endommagée et qui ne trouverait pas de place pour la nuit.Hier soir, Beyrouth, et tout le Liban, était chaos, sonné, par ce énième coup du sort.

Publié le 05/08/2020

Message de Mère Amma

Nous voulons croire que le Sang de ces nouveaux martyrs libanais et autres... est une semence de ressurection immédiate du Liban en agonie. O PERE ECOUTE NOUS,EXAUCE NOUS ET UNIS A CE SANG AU SANG DE JESUS LE CHRIST NOTRE AMOUR.

Publié le 05/08/2020

Quand le soleil se lèvera, Beyrouth, ma ville , n'existera plus.

Gemmayzé, dévasté par le souffle de l’explosion. Marwan Tahtah/AFP


Quand le soleil se lèvera, Beyrouth, ma ville, n’existera plus. Dans la nuit d’hier, des sirènes d’ambulance et le crissement des bris de verre étaient les seuls bruits qu’on entendait dans la ville. Hier, assise à moto derrière un homme que je ne connaissais pas et qui était sorti pour aider ceux qui en ont besoin, je fermais les yeux pour les protéger des bris de glace. Ma ville n’existe plus. Du centre-ville à Gemmayzé jusqu’à Mar Mikhaël en passant par Saïfi et le port, il n’y a plus que des squelettes d’immeubles en béton ou en acier, le reste a volé en éclats. En certains endroits, la structure en acier a fondu. Une destruction digne d’un film de fiction. Plus rien. Il ne reste plus rien de la ville que ses habitants, qui ont appris à survivre, ou vivoter, ou à être résilients. Au début de la rue d’Arménie, dans une épicerie dont le mur s’est écroulé, un jeune homme distribue de l’eau fraîche, en disant aux passants un « hamdellah al-salameh ». Sur un trottoir en face, Georgette, une octogénaire, attend sur une chaise en plastique que son neveu vienne la chercher pour qu’elle dorme à Sabtiyé. Tard dans la soirée d’hier, des personnes aux vêtements ensanglantés se rendaient encore dans des bâtiments branlants de Mar Mikhaël et Gemmayzé, des quartiers aux immeubles complètement soufflés où des pans de murs se sont écroulés sur le sol. Dans la nuit d’hier, il était difficile de se déplacer à Gemmayzé et à Mar Mikhaël, les troncs d’arbre, les bris de verre, les fils électriques jonchent le sol. Dans ces quartiers, de nombreux bâtiments datant du XIXe siècle se sont complètements écroulés. Un homme dans un 4 x 4 raconte que sa grand-tante est morte et qu’elle habite en face du port. « Le souffre de l’explosion l’a tuée », dit-il dans un état de choc. À EDL, un hôpital de camp a été dressé. Un peu plus loin, un soldat trébuche. Il a du mal à se lever dans l’obscurité malgré l’aide de ses amis. Des femmes du troisième âge, blessées, sont transportées sur des chaises vers des ambulances. Accompagné de son épouse, Antranik, 70 ans, porte des sacs en plastique et marche dans la nuit parmi les débris : « Nous avons volé d’une chambre à l’autre. Nous sommes indemnes. Nous irons dormir chez ma fille à Fanar. » Sur l’autoroute et les rues parallèles, des véhicules soufflés ont été laissés par leur chauffeur, certains avec les lumières de détresse allumées. « Mon frère s’appelle Georgio, il est blessé. Je ne sais plus dans quel hôpital il a été transporté, il a douze ans », s’écrit une adolescente dont le visage a été écorché par des bris de glace. Hier jusqu’à tard en soirée à Beyrouth on entendait le bruit du verre brisé. Ceux qui ne cherchent pas leurs bien-aimés, ceux qui n’ont pas été blessés, se sont mis à nettoyer les débris de verre jonchant les entrées de leurs immeubles. Devant les hôpitaux, de nombreuses personnes attendaient encore pour avoir des nouvelles de leurs proches, alors que les ambulances transportant morts et blessés roulaient, sirènes hurlantes, à travers la ville. Il ne reste rien à Beyrouth. Plus rien. Et quand le soleil se lèvera, nous constaterons que la ville n’est plus.


Publié le 04/08/2020

La Croix fondatrice du Sacerdoce lumineux de monseigneur Mounir

Lorsqu'il avait 5 ans, sous ses yeux, ses parents furent assassinés par leur jardinier musulman syrien. Sa chère tante Ursule- religieuse de l'ordre de sainte Rafka- l'éleva. Mounir reçut la vocation de prêtre, et il offrit son sacerdoce pour ses feux parents, et en signe de grand pardon au bourreau de ses parents. Monseigneur Mounir est un grand phare intérieur pour nous et pour beaucoup. Le coeur de Jésus bat dans son coeur.


Ce n'est pas le syrien ou le musulman qui a tué mais le MALADE!


Devenons tous frères en humanité avec le tout-autre sur notre route! Un seul programme: Aimer COMME Jésus- Christ nous aime!


Il n'y a pas celui qui donne et celui qui reçoit, c'est un partage d'amour, c'est TOUT! NE LUTTONS PAS CONTRE DES OMBRES! ALLUMONS JUSTE LA LUMIERE!


Chers credofunders merci d'être là tout simplement COMME vous êtes...ON VOUS AIME!ON VOUS EMMENE AVEC NOUS SUR LES AILES DE L'ESPRIT SAINT pour former avec nous la Communauté des êtres ailés...car il y en a partout! t Un Baiser de Notre Père et de notre Mère pour chacun de vous! Soyez proégés de tout danger intérieur et extérieur!

Publié le 04/08/2020

Parole à monseigneur Mounir, notre Pasteur attentif.

Lundi 3 août 2020



Très chers amis,


Très Chers frères et soeurs dans le Christ.


Merci pour vos messages d'amitié et de proximité; merci aussi pour vos prières. Nos saints et martyrs nous invitent, en ces moments d’épreuve, à garder une totale confiance en la Providence et en Celui qui nous aime et guide nos pas sur le chemin du salut dans le sillage de son fils Jésus Christ mort et ressuscité pour nous donner la Vie. Nous avons à porter la croix en suivant Jésus jusqu'à la mort à nous-mêmes, à nos égoïsmes et à nos intérêts personnels pour mériter la résurrection ; résurrection de notre peuple, de notre pays et de notre classe politique !



La situation du Liban est critique et même "très grave" comme a dit le ministre français des Affaires étrangères M. Jean-Yves le Drian en visite officielle au Liban (22-24 juillet).


La classe politique fait la sourde oreille à tous les appels aux réformes devenues urgentes pour sortir le Liban du gouffre ! Les responsables politiques se jettent mutuellement la responsabilité de l'effondrement mais ne s'activent pas à y remédier. M. Le Drian est rentré contrarié.


La situation ne va pas s'améliorer pour bientôt; et les conflits régionaux et internationaux (attisés par la recrudescence des provocations entre les Etats-Unis et l'Iran) n'arrangent pas les choses.


La démission, ce lundi matin, du Ministre des Affaires étrangères, l’illustre Dr Nassif Hitti, grand ami de M. Le Drian pour avoir été ambassadeur de la Ligue arabe à Paris puis auprès du Saint-Siège, va-t-elle secouer la conscience de nos responsables politiques et déclencher un changement quelconque ?



Au cœur de cette tourmente le Patriarche Cardinal Béchara Raï a haussé le ton ; il est d’ailleurs le seul à oser s’adresser aux responsables politiques en toute liberté pour les réprimander et leur demander des comptes. Dans son homélie du 5 juillet, il dresse le bilan de la situation et lance un appel en trois points et préconise la feuille de route pour construire le Liban de demain qui se résume dans la proclamation de la Neutralité du Liban, une neutralité active et engagée, précise-t-il :



« La pire chose dont nous sommes témoins aujourd'hui chez nous, est que la plupart de ceux qui s'occupent des affaires politiques ne se préoccupent que de leurs propres bénéfices et de leurs intérêts ; par ailleurs, ils sapent la confiance placée en des tiers, en condamnant ceux qui sont aux commandes des institutions constitutionnelles. Plus préjudiciable encore, ils s'efforcent d'être fidèles non pas au Liban, mais à leurs bases populaires et à leurs propres partis. Ils privent ainsi le Liban de la confiance de l’opinion positive des peuples et des gouvernements arabes et internationaux, malgré la conviction de ces derniers de l’importance du Liban, de son rôle, des potentialités et des capacités de son peuple.


Il semble que ces politiciens veulent camoufler leur responsabilité d’avoir vidé les caisses de l’État, et de n’avoir pas entrepris la réforme des structures étatiques demandée par les pays réunis lors de la conférence de Paris, dite « CEDRE », en avril 2018. Au contraire, ils se sont mis d'accord pour se partager les bénéfices et se répartir des gains, au détriment du bien public. Le niveau de pauvreté, de chômage, de corruption et de dette publique n’a cessé d’augmenter, jusqu'à l'explosion de la révolution populaire du 17 octobre 2019…


La situation dans laquelle nous sommes nous a conduits à lancer cet appel :


1- Nous appelons son excellence le président de la République à œuvrer pour lever l’embargo contre la légalité et la libre décision nationale.


2- Nous demandons aux pays amis de se précipiter au chevet du Liban comme ils l'ont fait chaque fois qu'il était en danger.


3- Nous nous tournons vers l'ONU pour qu’elle œuvre à rétablir l'indépendance et l'unité du Liban, à appliquer les résolutions internationales et à déclarer sa neutralité. La neutralité du Liban est la garantie de son unité et de sa position historique dans cette étape de changements géographiques et constitutionnels. La neutralité du Liban est sa force et la garantie de son rôle, aussi bien de stabilisation de la région et de la défense des droits des États arabes au service de la cause de la paix, que dans les relations saines entre les pays du Moyen-Orient d’une part, et l’Europe d’autre part, en raison de sa situation géographique, en bordure de la Méditerranée… ».



Cependant, nous gardons forte notre espérance qu'un jour le Liban revivra dans son rôle de pays oasis de rencontre culturelle, religieuse et politique entre l'Orient et l'Occident et dans son message du vivre ensemble. Notre histoire, qui a connu de conflits beaucoup plus graves, nous permet d'espérer en un avenir meilleur qui naîtra après un enfantement difficile à la suite de la « Révolution populaire du 17 octobre 2019 ».


Entre temps, il faudra supporter la crise sociale, économique et monétaire qui a des conséquences catastrophiques sur la population, notamment les jeunes : la dépréciation inédite de la monnaie (le dollar vaut 8.000 Livres Libanaises alors qu’il valait en octobre 1.520 L.L.), la flambée des prix, les licenciements à grandes échelles et les restrictions bancaires sur les retraits et transferts à l'étranger, les coupures du courant 20 heures sur 24 ! Plus de la moitié des Libanais vivent désormais sous le seuil de la pauvreté ! Près de la moitié de la population active est au chômage. Ceci en plus du poids insupportable de l'accueil d'un million de réfugiés syriens et d'un demi-million de réfugiés palestiniens.



Quant au virus Corona Covid 19, il se propage désormais à toute vitesse. Autant nous avions respecté les directives et les mesures conseillées par le gouvernement et le Ministère de la Santé jusqu’au 1er juillet (en effet du 25 février au 30 juin nous étions à 1778 cas et 34 décès), autant après le 1er juillet , date de la réouverture de l’aéroport de Beyrouth, les contaminations ont grimpé d’une manière vertigineuse (le 1 juillet on avait 1788 cas et 34 décès ; le 12 juillet on avait 2334 cas et 36 décès ; le 19 juillet on avait 2859 cas et 40 décès ; le 26 juillet on avait 3746 cas et 51 décès ; et le 3 août on a 5062 cas, dépassant la barre symbolique des 5.000, et 65 décès).


Ce qui a poussé le ministre de la Santé Dr Hamad Hassan à déplorer « un manque de sérieux dans le respect des mesures de prévention et des règles de la mobilisation générale », alors que le pays s'est reconfiné pour dix jours en deux temps, entre le 30 juillet et le 10 août. Il a fait savoir que « le comité scientifique en charge du coronavirus va recommander un bouclage total de 15 jours si l'évaluation du reconfinement en deux temps s'avère négative ».



Que pouvez-vous faire ?


Priez pour nous et avec nous pour que le Seigneur nous donne la force de résister, par l'intercession de la Très Sainte Vierge Marie et nos saints.


Nous tous dans le diocèse de Batroun, nous vous portons dans nos prières et nous espérons vous donner de meilleures nouvelles prochainement.



  • Père Mounir Khairallah

Evêque de Batroun

Publié le 04/08/2020

Liban : chaos généralisé dans un pays en faillite- article paru dans la Croix 04/08/20

Liban : chaos généralisé dans un pays en faillite Reportage Noyés par la crise, les Libanais se retrouvent souvent sans électricité. En pleine flambée des cas de coronavirus, le système hospitalier menace de s’effondrer. Gravement touché par les licenciements massifs, le personnel hospitalier va se mettre en grève mercredi 5 août.


Jenny Lafond (à Bourj Hammoud, Beyrouth), le 04/08/2020 à 06:33


Liban : chaos généralisé dans un pays en faillite Un manifestant devant le bureau de L’Électricité du Liban, à Beyrouth, le 11 janvier 2020. ANWAR AMRO/AFP COMMENTER ENVOYER PAR MAIL PARTAGER SUR FACEBOOK PARTAGER SUR TWITTER MODIFIER LA TAILLE DU TEXTE TÉLÉCHARGER AU FORMAT PDF LECTURE FACILE IMPRIMERRÉAGIR ENVOYER PARTAGER TWITTER Dans son magasin plongé dans l’obscurité, Ghassan fait défiler nerveusement des photos sur son téléphone. « Vous voyez, lui, c’est mon voisin. Il s’est pendu hier dans son salon, il avait deux enfants », confie-t-il, assis derrière sa caisse enregistreuse devant une tasse de café fumant. « Je crois qu’il n’en pouvait plus, ça faisait des mois qu’il était sans travail », commente l’homme de 50 ans.


Dans l’arrière-boutique, broyeur à café et torréfacteur sont à l’arrêt. « Électricité du Liban (l’entreprise publique qui contrôle 90 % de la production, du transport et de la distribution d’électricité dans le pays NDLR), c’est la plus grande mafia au Liban. Depuis début juillet, on n’a plus de courant », s’agace Ghassan.


→ ANALYSE. Le Liban plonge seul dans la crise


Comme le reste du pays, le quartier arménien de Bourj Hammoud s’est retrouvé dans le noir, les deux centrales qui alimentent le Liban en électricité étant confrontées à une pénurie de carburant. « J’ai dû payer pour obtenir cinq ampères avec le générateur du quartier, et acheter très cher quelques litres de mazout au marché noir pour faire fonctionner mes machines, se lamente Ghassan. Alors qu’avec la crise, je fais à peine 30 % de mes recettes habituelles. »


Liban : chaos généralisé dans un pays en faillite


Rationnement de 21 heures par jour Rodés aux coupures de courant, les Libanais ont cette fois dû gérer un rationnement allant jusqu’à 21 heures par jour. Ceux qui pouvaient se le permettre ont résisté à la vague de chaleur moite sur le pays en s’abonnant à des générateurs de quartier, afin d’obtenir quelques heures d’électricité en plus des deux heures quotidiennes fournies sporadiquement par l’EDL. Les moins nantis se sont éclairés à la bougie.


→ EXPLICATION. Frappé par la crise, le Liban peut-il « s’effondrer » ?


La situation est lourde de conséquences. Le 29 juillet, le luxueux centre-ville de Beyrouth, qui héberge de nombreux ministères, administrations et entreprises, s’est soudain retrouvé sans téléphone ni Internet, le central de téléphonie ayant arrêté de fonctionner à cause d’une panne des générateurs privés qui l’alimentaient, en surchauffe.


Les contaminations au coronavirus ont doublé en un mois Pire, alors qu’en un mois, le nombre de personnes contaminées par le coronavirus a doublé au Liban (4 885 au dimanche 2 août), cette pénurie pourrait participer à la catastrophe sanitaire qui s’annonce. « La hausse du nombre de patients hospitalisés atteints du Covid-19 augmente la consommation du mazout qui risque de s’épuiser dans quelques jours, menaçant l’ensemble du secteur hospitalier », a averti le directeur de l’hôpital gouvernemental Rafic Hariri, Firass Abiad, sur la chaîne Sky News.


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Les Libanais de la diaspora sollicités face à la crise


Les Libanais de la diaspora sollicités face à la criseLe secteur est déjà en butte à de nombreuses difficultés. « Entre les retards de paiement de l’État, qui nous doit 2 400 milliards de livres libanaises (1,34 milliard d’euros), la dévaluation de la livre, la gestion du Covid-19, et maintenant les problèmes d’électricité qui ajoutent un fardeau car nous devons acheter le mazout au taux du marché noir, énonce Sleiman Haroun, président du syndicat des hôpitaux privés, nous allons vers une ruine complète. »


L’hypothèse est plausible d’une « désintégration du secteur hospitalier », pourtant réputé dans tout le Moyen-Orient. « Presque tous les hôpitaux privés ont licencié, coupé les salaires, supprimé des lits, arrêté certains actes et fermé certains services, trop coûteux », déplore-t-il.


Le personnel infirmier en grève mercredi 5 août La situation a poussé le personnel infirmier, gravement touché par les licenciements massifs, à se mettre en grève mercredi 5 août. Inquiet, Sleiman Haroun présage de « nombreuses fermetures d’hôpitaux » à venir, l’État étant « incapable de faire plus sans aide extérieure ». Il dit craindre que, dans quelques mois, « des Libanais meurent par manque de soins ».


→ ANALYSE. Liban : dans un pays en crise, le choix de l’émigration


Cet effondrement annoncé n’effraie pas Akram Nehmé qui, avec son association Achrafieh 2020, distribue des colis alimentaires aux familles démunies, dont beaucoup sont issues de la classe moyenne déliquescente. Entre mars et juillet, le nombre des bénéficiaires est passé de 60 à 692 familles. « Il faut tout recommencer de zéro. Finalement, ce qu’on veut, c’est la dignité de la personne humaine, sans la corruption. »

Publié le 31/07/2020

Plus d'un demi million d'enfants à Beyrouth luttent pour leur survie

Plus d'un demi-million d'enfants à Beyrouth luttent pour leur survie dans un pays en plein naufrage économique, a déploré mercredi l'ONG Save the Children. Le Liban traverse depuis des mois sa pire crise économique et financière dans l'histoire, amplifiée par la pandémie du coronavirus et marquée par une dégringolade de la monnaie nationale, un bond du chômage et une hyperinflation. Dans la région du Grand Beyrouth, qui inclut la capitale et ses banlieues, 910.000 personnes, dont 564.000 enfants, peinent désormais à subvenir à leurs besoins les plus élémentaires, y compris une nourriture suffisante, a averti l'ONG. Depuis septembre dernier, les prix des produits de base ont grimpé de 169%, tandis que le chômage a augmenté de 35% dans le secteur formel et jusqu'à 45% dans le secteur informel, et le pouvoir d'achat des familles a chuté de 85%. "Cette crise frappe tout le monde – les familles libanaises, les réfugiés palestiniens et syriens. Nous commencerons à voir des enfants mourir de faim avant la fin de l'année", a mis en garde Jad Sakr, directeur par intérim de Save the Children au Liban. ou travaillant dans l'économie informelle.

Publié le 31/07/2020

Prions pour le peuple libanais en grande souffrance

Un sexagénaire s'est suicidé vendredi matin dans le quartier de Hamra, à Beyrouth sur le trottoir près d'un café, alors qu'un autre trentenaire a été retrouvé pendu chez lui dans le Sud, dans un contexte marqué par l'aggravation de la pire crise économique que connaît le Liban. Deux suicides qui ont choqué le pays, suscitant une vague de colère. Selon des témoignages recueillis par L'Orient-Le Jour auprès d'une personne qui passait dans le quartier vers dix heures du matin et d'un homme qui travaille au théâtre al-Madina, cet homme, né en 1959 et originaire du Hermel, était assis sur une chaise en plastique à l'entrée de l'immeuble qui abritait le cinéma Saroula, près du café Dunkin Donuts. Il a sorti un pistolet et s'est tiré une balle dans la tête qu'il avait recouverte d'une pièce de tissu. Sur sa poitrine, il avait accroché un extrait de son casier judiciaire, vierge, et une feuille sur laquelle était inscrite la phrase suivante : "Je ne suis pas un mécréant", reprenant les paroles d'une chanson de Ziad Rahbani qui commence par cette phrase : "Je ne suis pas un mécréant, c'est la faim qui est une mécréante". D'autres médias locaux, citant des témoins du drame, indiquent que l'homme a crié "Pour un Liban libre et indépendant" avant de commettre l'irréparable. Ils indiquent également que l'homme vivait dans la rue. Les forces de sécurité se sont rendues sur les lieux pour déterminer les circonstances de ce drame. Plusieurs contestataires se sont rassemblés dans la rue Hamra pour crier leur colère et faire assumer la responsabilité de ce suicide au pouvoir, jusque là incapable d'enrayer l'effondrement économique du pays. "Où sont les autorités ? Nous n'arrivons à acheter de la nourriture. Les gens meurent de faim", a déclaré une manifestante à la télévision. "Je ne suis pas un mécréant. C'est vous les mécréants", peut-on lire sur ce panneau que tient une manifestante sur la rue Hamra. Photo DR "Non, évidemment, vous n'êtes pas un mécréant, cher bon frère citoyen. C'est le pouvoir qui l'est. C'est celui qui est incapable de défendre son honneur qui est le véritable suicidé et le paiera très cher de sa vie", a twitté le secrétaire général du bloc parlementaire des Forces libanaises, Fady Karam. Les FL sont des opposants déclarés au gouvernement.


Pour mémoire


Crise économique : en l'espace de quelques heures, deux hommes tentent de s'immoler par le feu au Liban-Sud


En fin de journée, des dizaines de personnes se sont rassemblées à Hamra, répondant à plusieurs appels lancés sur les réseaux sociaux. Les manifestants ont notamment appelé à "la chute du régime", sous forte surveillance des forces des sécurité, copieusement traitées de "chabbiha" (voyous à la solde du régime). Certains des manifestants portaient des gilets de couleurs vives sur lesquels était imprimé le numéro 1564, la hotline de l'organisation Embrace contre le suicide. "Il ne s'est pas suicidé, le gouvernement l'a tué", pouvait-on lire sur des pancartes brandies par d'autres contestataires. Des femmes brandissant des pancartes avec le numéro de téléphone de l'ONG Embrace contre le suicide, lors d'un sit-in à Hamra, le 3 juillet 2020. Photo D.R. Un chauffeur de van retrouvé pendu non loin de Saïda Par ailleurs, un homme, originaire de Saïda, a été retrouvé pendu dans la localité de Wadi el-Ziné, dans l'Iqlim el-Kharroub, non loin de Saïda, au Liban-Sud. Les forces de sécurité se sont rendues sur les lieux pour conduire une enquête. Selon notre correspondant Mountasser Abdallah, ce chauffeur de van et père d'une fille avait des difficultés financières. Interrogé par notre correspondant, l'oncle de la victime a indiqué avoir appris la triste nouvelle à six heures du matin. Selon ce témoignage, l'épouse du chauffeur a entendu des bruits suspects venant de l'intérieur d'une pièce de leur domicile, qui était fermée à clé. Elle a alors essayé d'y entrer par un autre accès et a découvert son mari. Au nord-est de Saïda, dans le quartier de Charhabil, une cinquantaine de personnes ont organisé un sit-in en hommage aux deux hommes qui se sont suicidés dans la matinée, rapporte notre correspondant sur place, Mountasser Abdallah. "Non à la politique de la famine", pouvait-on notamment lire sur des pancartes brandies par des manifestants, qui ont également scandé le slogan, devenu symbolique, "Je ne suis pas un mécréant, c'est la faim qui est une mécréante". La crise économique que traverse le Liban se traduit notamment par une chute vertigineuse de la livre libanaise face au dollar et une inflation galopante des prix, notamment des denrées alimentaires. Selon la Banque mondiale, près de la moitié de la population libanaise vit sous le seuil de pauvreté. Plusieurs suicides liés à la crise ont déjà eu lieu au Liban depuis octobre dernier.


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10/09/2020 - 13:15
Chère Laurence et Amma Brigitte, Comme prévu je vous envoie les dons d'un ami marcheur qui est très sensibilisé au sort du peuple libanais et à ma soeur Françoise qui a été très touchée par votre appel. En union de prières avec vous et tous les libanais.
Communauté de la Laure Abana- Liban 11/09/2020 - 15:57
Merci...Nous sommes tous en marche et il est si doux de recevoir votre encouragement alors que le Liban sombre dans l'inconnu! Vous etes formidables! on vous aime. Soyez bénis et en paix! prions ensemble...
frdidiermarie 07/09/2020 - 14:59
Chères Soeurs. En ce samedi 5 Septembre, j'ai prié particulièrement pour vous et pour les personnes dont vous vous occupez. Vous étiez avec moi car j'ai reçus le scapulaires des coeurs unis dans le cadre de l'Alliance des coeurs unis à Angers. Je fus aussi interpellé par le petit film qui décrit la visite de quelques membres de l'Alliance des Coeurs unis au Liban. J'eus l'heureuse surprise de vous voir en photo en ce film. Soyez assuré de mes prières et que les Sts Coeurs unis de Jésus et de Marie soeint pour le Liban, votre Cté, et votre diocèse un refuge, une citadelle de l'amour des coeurs unis. Oui, cet engagement me rapproche de vous.
Communauté de la Laure Abana- Liban 11/09/2020 - 15:58
Alleluia! Tout notre Amour!
Communauté de la Laure Abana- Liban 07/09/2020 - 13:56
Merci de les aider avec nous... C'est un partage d'amour sans retour...Que Dieu vous bénisse et vous protège! Gloire à Lui!
frdidiermarie 04/09/2020 - 23:08
C'est avec joie que je vous envois ce petit don. Que Notre Dame du Liban vous aide en votre petite oeuvre auprès des plus pauvres. Que Jésus vous bénisse. Je prie pour vous et vos familles.
Communauté de la Laure Abana- Liban 07/09/2020 - 13:55
Vraiment frère Didier merci de nous soutenir dans cette période très éprouvante pour tous!Tu es notre frère en Christ et je nous recommande à ta précieuse prière! Ta fidèlité nous révèle Dieu...Merciii.Sois béni et protégé de tout danger intérieur et extérieur.
Claudette 27/08/2020 - 16:03
Merci pour votre action envers nos frères Libanais, que ce beau pays sorte de la misère. Merci Seigneur pour tes largesses ici bas pour nous européens, donne à nos frères de vivre plus dignement. Vierge Marie rassemble auprès de toi tous tes enfants dispersés.
Communauté de la Laure Abana- Liban 28/08/2020 - 19:31
OUI chère Claudette, notre soeur de prière, le peuple libanais est le peuple de la grâce et leur martyr est très dur...C'est un peuple otage des grandes Nations! Prions pour la conversion des politiciens du monde entier, et la nôtre!